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ftrumens, fymphonie, concerts. Et perfonne ne penfera peut-être à ce qui eft néanmoins le principal charme de la table, je veux dire la converfation & l'entretien.

Aftivam fermone benigno tendere no

Єtem.

Or c'eft en ce point, que les Grecs font pour nous un modéle digne d'être imité. Ils n'étoient pas ennemis des autres agrémens de la table. Une nation fi délicate ne pouvoit guère manquer de rechercher le beau & le bon en tout genre. Les Grecs qui étoient fi amateurs des beaux Arts, & chez qui s'étoient formez les Myrons, les Phidias, les Praxiteles, les: Polyctetes, avoient apparemment des buffets qui valoient bien les nôtres.. L'art d'apprêter les viandes ne leur étoit pas plus inconnu; ils y avoient tellement raffiné que Platon s'en plaint, & met cet art au nombre de ceux qui corrompent les meilleures chofes, prétendant qu'il eft auffi contraire à la Médecine, c'est-à-dire, à

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la fanté du corps, que l'art des So phiftes l'eft à la droiture de l'efprit. Ils ne manquoient pas non plus d'excellens vins. Qui ne fait en quelle réputation étoient les vins de Mytilene, de Lesbos, d'Arnifio, de Naxi, de Chio, de Thaze? Ce dernier que Virgile célèbre dans fes Georgiques, eft celui-là même dont on boit dans le banquet de Xénophon. Pour la mufique, c'étoit leur divertiffement ordinaire durant le repas ; & les Grecs avoient une telle paffion pour ce bel art, qu'ils le faifoient apprendre aux enfans avec les lettres. Le Maître de Grammaire & le Maître de Mufique n'étoient point alors diftinguez. Pour dire un ignorant, on disoit, c'est un homme qui ne fait (1) point la Mufique ; & en effet, ne la point favoir, étoit la marque d'une éducation négligée. Il ne fautque fe fouvenir de ce que Cicéron rapporte de Thémiftocle à ce fujet. Aufli dans le banquet de Platon, une joueufe de flûte fe préfente pour di

(1) En un feul mot, aμses.

vertir la compagnie. Mais les Convives préférant le plaifir de conver fer enfemble à celui d'entendre la muficienne, ils la renvoient auffi-tôt à l'appartement des femmes. Et dans le banquet de Xenophon,nous voyons non-feulement des inftrumens, de la fymphonie, des danses, mais encore une fauteuse qui fe renverse par dedans & par deffus un cerceau tout hériffé d'épées nues, & qui fait des tours fi prodigieux, que tout ce que l'on nous fait voir aujourd'hui de plus furprenant en ce genre, femble être copié d'après ce fpectacle.

Ajoûtons enfin que cet ufage fi familier aux Grecs, de prendre le bain. avant le repas, & de fe mettre à table avec des couronnes de fleurs fur la tête, avoit non-feulement une pro preté, mais un air de gayeté & de galanterie, dont nos mœurs font encore fort éloignées. Mais je laiffe tout cela pour ne parler que d'un plaifir de la table, qui eft fort fupérieur à tous ceux-là, & infiniment plus di gne des gens raifonnables.

On dit ordinairement que le vin

eft l'ame d'un repas; & quelles louanges n'a-t-on pas données de tout temps au vin Les Poëtes & les Philofophes l'ont célébré comme à l'envi. Sans doute ils n'ont pas prétendu louer la crapule & la débauche. Ils n'ont pas même prétendu vanter le vin pour l'amour du vin, ni parce qu'il pique, ou qu'il flatte le goût. Pourquoi donc les Sages font-ils d'accord là-deffus avec la multitude ? Pourquoi le vin est-il fi fort en honneur dans toutes les tables ? C'est qu'il répand la joie dans l'ame & fur le vifage des convives;

Et multo in primis hilàrans convivia baccho;

c'eft qu'il éveille l'efprit, qu'il anime la converfation, qu'il délie la langue, qu'il rend éloquens les plus filentieux, & fait oublier (2) aux plus malheureux leurs peines & leurs ennuis; mais cela doit s'entendre du vin pris moderément, & dans le fens de

(2) Spes donare novas largus, amaraque eurarum eluere efficax.

me,

Socrate, lorfque voyant fes amis en train de boire dans le banquet de Xenophon, il leur adreffe ces paroles: Vraiement, mes amis, je fuis fort d'avis auffi que nous buvions; car réellement, & de fait, le vin, en arrofant l'anon-feulement endort fes inquiétudes, comme la mandragore endort nos fens, mais il excite la joie, comme nous voyons que l'huile excite la flamme. Enfin il me paroît que le vin fait fur nous le même effet que la pluie fait fur les plantes. Car les plantes, quand Dieu les abbreuve d'une pluie exceffive, ne fau roient plus fe foutenir, ni être agitées par le zéphir; au lieu que quand elles ne font abbreuvées qu'autant qu'il convient, vous les voyez droites fur leur tige; elles croiffent, elles portent des fleurs, qui bien-tôt fe changent en fruits. Ainfi nous, fi nous buvons avec excès, nous fentirens auffi tôt notre corps & notre efprit chanceler: loin de pouvoir proférer une parole, à peine pourrons-nous refpirer. Mais fi nous prenons le vin comme une rofée, pour me fervir de Pexpreffion de Gorgias; fi l'on a foin de nous en verfer fouvent, mais à petits

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