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les paffa-t-il de fi loin dans l'étude de la philofophie, que l'on put aifément augurer qu'il auroit la même fupériorité dans tout le refte. Ces avantages pour un Romain feroient légers, & plustôt à mépriser qu'à rechercher; mais en Grece ils étoient fort eftimez.

Quand Epaminondas fut parvenu à l'âge de faire fes exercices, il préféra ceux qui rendent le corps ferme & difpos, à ceux qui peuvent fimplement en augmenter les forces: regardant ceux-ci comme plus propres à un athléte, & ceux-là comme plus convenables à un homme de guerre. Il s'appliqua donc particuliérement à la lutte & à la courfe, pour fe rendre capable de faifir fortement un homme au corps dans le befoin, & de difputer de légereté avec les plus agiles. Enfuite il s'adonna férieufement au métier de la guerre.

A ces difpofitions du corps, il joignoit les plus belles qualitez de l'ame: car il étoit modefte, prudent, maître de lui-même, habile à prendre confeil du temps & de l'occa

Gon, entendu dans l'art militaire homme d'exécution & d'un grand courage; avec cela chafte, tempérant, doux, ami de la vérité, jusqu'à ne fe pas permettre le menfonge le plus innocent; d'une patience admirable fouffrant fans émotion tout ce qui lui arrivoit de fâcheux de la part de fes amis, comme de la part du peuple; fachant fe taire & garder inviolablement un fecret, à quoi il y a fouyent plus de mérite qu'à parler le mieux du monde; enfin parlant peu, écoutant beaucoup & par là fe prétant toujours à l'inftruction. Auffi, quand il fe trouvoit dans ces cercles, où, fuivant la coutume des Grecs, on difputoit fur la maniére de gouverner une République, ou fur quelque point de philofophie, il n'en fortoit qu'après que la matiére avoit été épuifée, & que l'on avoit ceffé de parler.

Sa pauvreté lui fut fi chere, que jamais il ne voulut tirer de l'Etat autre chofe que la gloire de l'avoir bien fervi, ni de fes amis, autre chofe que le plaifir d'en être aimé. En vain vou

loient-ils partager avec lui leurs richeffes. Mais s'il arrivoit qu'ils euffent befoin de lui, alors il agiffoit en homme perfuadé qu'entre amis, tout doit être commun. Qu'un de fes concitoyens fût prifonnier de guerre, ou qu'il ne pût marier fa fille faute de bien, Epaminondas affembloit tous fes amis, impofoit une taxe à chacun d'eux felon fes facultez leur préfentoit enfuite l'indigent, & lui faifoit compter fon argent en leur préfence, afin qu'il sût à qui il avoit obligation, & à quel point. C'est ainfi qu'il en ufoit dans ces occafions.

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Un jour Diomedon de Cyfique entreprit de le corrompre à la prière d'Artaxerxès Roi de Perfe. Il vint à Thebes avec une grande quantité d'or, & commença par gagner Mi. cythus en lui donnant * cinq talens c'étoit un jeune homme alors fort attaché à Epaminondas. Diomédon préfenté au Général Thébain par Micylui ayant dit les grandes fom

thus,

* Environ quinze mille livres de no tre monnoie.

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mes qu'il étoit chargé de lui offrir de ·la part du grand Roi; Il n'eft pas befoin d'argent, répondit Epaminondas, fi ce que vous avez à me propofer eft avantageux aux Thébains, je le ferai gratuitement; mais s'il eft contre leurs intérêts, votre Roi n'a pas affez d'or & d'argent pour me le faire faire; car pour toutes les richeffes du monde, je ne manquerois à ma patrie. Vous me connoiffez mal,

& vous avez cru trouver en moi votre femblable, je ne m'en étonne pas, & je vous le pardonne: mais fortez de la Ville au pluftôt, car vous pourriez en corrompre d'autres. Et vous, Micythus, rendez l'argent que vous avez reçû, autrement je vous dénoncerai au Magiftrat. Diomédon le pria, que du moins il pût partir avec fureté, & remporter les grandes fommes qu'il avoit apportées. Hô! pour cela, dit Epaminondas, je vous l'accorde, non pour l'amour de vous, mais pour l'amour de moi: car fi l'on vous dépouilloit de vos richesses, quelqu'un pourroit croire que j'en aurois eu ma part, moi qui ai refusé

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le tout, & qui en ai les mains nettes. Cela dit, non feulement il lui tint parole, mais il lui donna une efcorte pour le conduire à Athenes, où il témoignoit vouloir aller, & par le moyen de fon ami Chabrias il le fit transporter par mer en fon pays avec tous fes effets. Ce feul trait fuffit pour donner une idée du défintéref fement & de la grandeur d'ame d'Epaminondas. Je pourrois en rapporter plufieurs autres, mais je fuis obligé de me prescrire des bornes.

Aucun Thébain ne fut jamais plus favorifé du don de la parole, aucun ne parla en meilleurs termes dans un difcours fuivi, ni n'eut la repartie plus prompte & plus agréable. Un certain Ménéclide, jaloux de fa gloire, fe déclara fon ennemi & fon rival dans le gouvernement de la République. C'étoit un homme affez difert pour un Béotien; car on fait que ces peuples fe piquoient moins d'ef prit que de force de corps. Comme il voyoit que le grand talent d'Epaminondas étoit la guerre, il ne ceffoit d'exhorter les Thébains à la paix,

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