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peut regarder comme médiocre, l'avantage de defcendre d'un homme puiffant, il ne peut être indifférent pour perfonne de defcendre d'un homme vertueux. C'eft dans ce cas que la nature & la raifon permettent de tirer du bonheur de fa naiffance une gloire moins propre à nourrir l'orgueil, qu'à encourager la vertu.

Revenons préfentement à M. l'Abbé Gédoyn, qui eft ici notre unique objet. Il fut élevé à Paris, au Collége des Jéfuites: & les progrès rapides & brillans qu'il fit dans fes premières études, donnérent de lui de hautes efpérances. Les Jéfuites fouhaitèrent de l'avoir parmi eux, & il defira lui-même avec ardeur d'être admis dans cette Société refpectable. Son naturel porté à la religion & à la vertu, n'oppofoit point chez lui les paffions fougueufes de la jeuneffe au goût de la vie religieufe. Assez mal partagé des biens de la fortune, il n'avoit point à combattre du côté du monde, des efpérances brillantes qui auroient pu faire chanceler fa vocation: fon père n'ayant laiffé à on

ze enfans qu'il avoit, qu'un bien peu confidérable. Ainfi tout confpiroit à entraîner l'Abbé Gédoyn du côté où fon inclination l'appeloit. Sa famille s'oppofa vainement à fon deffein. Il entra au Noviciat des Jéfuites en l'année 1684, c'est-à-dire, dès qu'il eut fini fes claffes.

Il a fouvent avoué depuis, qu'il devoit tout ce qu'on trouvoit d'eftimable en lui, aux dix années qu'il paffa dans cette excellente école. Il y forma fes mœurs & fon efprit, & y puifa un amour conftant de la vertu,

un attachement inviolable à fes devoirs, & une connoiffance très-étendue des Belles-lettres. Mais la vie dure & rigoureufe que prefcrit la Régle qu'il avoit embraffée, convenoit mal à fon tempérament foible & délicat: fa poitrine en parut confidérablement altérée, & il s'apperçut avec chagrin qu'il étoit peu propre à fournir une fi pénible carrière. Ainfi les Jéfuites n'eurent d'efpérance de le conferver pour eux & pour lui, qu'en le perdant pour leur Société. Mais s'il a ceffé d'être infcrit au nombre de

fes enfans, il n'a jamais ceffé de lui appartenir par des fentimens d'atta→ chement & de reconnoiffance, qui font également fon éloge, & celui

de la Société.

M. l'Abbé Gédoyn se vit au fortir des Jéfuites, transporté fur un théatre bien différent. Placé au milieu du plus grand monde, il n'y fut point étranger. Il eut bien-tôt pris ce ton de la bonne compagnie, dont tant de gens parlent, fouvent fans l'avoir, prefque toujours fans le bien connoître, qui ne dépend ni de l'efprit ni des graces de la figure, & que le commerce du monde ne donne qu'à ceux à qui la nature l'a déja donné.

La maifon de Mademoiselle de l'Enclos (cette célèbre Ninon) étoit le rendez-vous de ce que la Cour & la Ville avoient de gens polis & eftimables par leur efprit. Les mères les plus vertueufes briguoient pour leurs fils qui entroient dans le monde, l'avantage d'être admis dans une fociété aimable, qu'on regardoit comme le centre de la bonne compagnie. L'Ab bé Gédoyn n'eut qu'à s'y montrer,

pour y être goûté: & il y acquit des amis, qui s'intéreffèrent vivement à fa réputation & à sa fortune,

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Un Canonicat de la Sainte Chapelle fut la première grace qu'il obtint de la Cour. Il fut nommé à ce bénéfice en 1701. La maifon Canoniale qu'il alla habiter lui donna lieu par le voifinage, de former une liaifon étroite avec un homme trèseftimable, M. Arouet, père de l'illuftre M. de Voltaire. L'Abbé Gédoyn vit les premiers effais du jeune écrivain; il fut découvrir le grand homme dans ces efforts d'une Mufe naiffante, & dès-lors il annonça cette éclatante réputation que M. de Voltaire a fi juftement méritée, & qu'il confirme chaque jour par de nouveaux fuccès.

Les talens de M. l'Abbé Gédoyn lui frayoient la route des Académies. En 1711. l'Académie des Belles-lettres l'adopta, & il juftifia l'honneur qu'il en reçut, par fon affiduité aux affemblées, & par fon exactitude à fournir chaque année, fuivant les Réglemens, deux Differtations: ce

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qui fait dans l'efpace de trente trois ans un grand nombre d'Opufcules dont la plufpart font imprimez dans les Mémoires de cette Académie.

Un Ouvrage plus confidérable, & qui parut en 1718, emporta pour le moins dix années de fon loifir. C'est une Traduction de Quintilien. Il en compofa la plus grande partie à la campagne chez des parens, à qui il étoit encore infiniment plus cher par les liens de l'amitié, que par ceux du fang. Peut-être quelques endroits de fa Traduction fe fentent-ils de ce féjour. On n'a pas à la campagne, comme à Paris, le fecours des gran-. des bibliotheques. D'ailleurs l'excellente édition, donnée par M. Caperonnier, n'avoit pas encore paru.

Tel fut cependant le fuccès de cette Traduction, qu'elle ouvrit à M. l'Abbé Gédoyn les portes de l'Académie Françoife. Il y fut nommé en 1719, & cet honneur littéraire lui attira de part de la Cour une autre récom. penfe, moins brillante peut-être

la

*Meffieurs de Billy, & de Bachaumcnt;

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