Imágenes de páginas
PDF
EPUB

cherches plus profondes, à réflechir plus férieufement, à agir par principes, à faire valoir la force des témoignages, à les compter, à en examiner la valeur. Pour cet effet, les manufcrits ont été recherchez & confultez. Il a failu voir s'ils étoient conformes aux imprimez, examiner les raifons des differences, remonter jufqu'aux premieres fources. Que de découvertes chemin faifant, dont les bons génies ont profité, & qui ont fervi à diffiper les ténebres de l'ignorance. Les erreurs que l'on a apperçûs, les défauts que l'on a fenti, ont mis en garde contre ce que l'on avoit cru d'abord fans examen; & plus on a eu, ou d'amour pour la vérité, ou d'interêt à la produire, plus ces examens ont été sérieux, ces difcuffions profondes, ces recherches étendues; & par conféquent plus le vrai a été découvert & mis dans fon jour. Pour ne pas fe tromper dans ces examens, quel chemin n'a-t'il pas encore fallu faire? A-t'on en befoin, par exemple, de s'appuyer de l'autorité d'un manufcrit, on a examiné fon authenticité; s'il étoit original; fi la copie approchoit de près du temps de l'auteur; fi cet ouvrage étoit véritablement de celui dont il portoit le nom; s'il n'avoit point été alteré par malignité ou par négligence. On a confronté plufieurs manufcrits d'un même ouvrage fi on a pû en recouvrer; on a examiné fi le ftile

y étoit partout conforme à celui de l'auteur à qui on l'attribuoit; fi les auteurs contemporains ou prefque contemporains le lui ont ôté ou attribué; fi tous les faits qu'on y lifoit étoient conformes à l'hiftoire de fon temps, aux fentimens qui dominoient

alors, aux ufages qui y étoient en vigueur &c. ce qui demande des connoiffances peu communes, mais neceffaires à un bon critique. Pour connoître encore l'âge d'un manufcrit, & difcerner une copie d'un original, & la difference du temps de l'un & de l'autre, on a cu besoin de fçavoir diftinguer les differens caracteres d'écritures qui ont pû être en ufage dans chaque fiécle, & plufieurs autres chofes qui demandent une efpéce d'érudition qu'on n'a pû acquerir fans beaucoup de travail & de recherches. Enfin on a difcerné les faux actes, les faux monumens, les fauffes chartres, les fauffes médailles, des véritables. La théologie fur-tout a beaucoup gagné à cette critique. On a expliqué l'écriture par l'écriture; on a eu recours aux textes originaux, comme aux differentes verfions. Les regles même de la Grammaire ont fervi pour faire fentir la force d'un terme, fa reftriction à une feule fignification, & à un tel fens on a féparé le fimple du figuré, & l'on a démontré dans quelle occafion telle expreffion fe doit neceffairement prendre dans le premier fens; dans quelle circonftance on ne peut l'entendre que dans le feCond. La logique ou l'art du raisonnement dont un bon critique fe fert, n'a pas été employé avec moins d'utilité. Les belles lettres même n'ont pas été inutiles au théologien pour le devenir folidement. On n'a pas été plus en peine de faire valoir l'autorité de la tradition, & par le moyen de la critique on a renversé toutes les fubtilitez, & détruit toutes les chicanes des contradicteurs. On a démontré la vérité des manufcrits, la fincerité de leur texte, leur

conformité avec une multitude d'autres, le concert unanime des mêmes enfeignemens, des mêmes explications du texte facré, des mêmes preuves; la continuité des mêmes témoignages & du même langage depuis le commencement de l'églife jufqu'à l'origine des difputes & pour rendre ce bien durable, on s'eft appliqué à donner de bonnes éditions des auteurs, tant eccléfiaftiques que profanes.

XXII. Nouvelles

Ces éditions ont été meilleures à proportion que la critique a regné davantage éditions. dans la république des lettres, & que ceux qui les ont procurées ont été plus inftruits & plus judicieux. Erafme & l'abbé de Billy, qui avoient ces deux qualitez, ont travaillé utilement en ce genre. Pamelius & Rhenanus n'ont pas fi bien reüffi: ils n'étoient pas fi bons critiques. Meffieurs Rigault & Gouffainville ont encheri fur les deux premiers; ce n'eft pas qu'ils fufient plus fçavans que ces deux grands hommes, mais ils avoient plus de fecours, & ils ont travaillé dans un fiécle encore plus éclairé. Il en coûte moins pour cultiver un champ déja fécond, que pour commencer à le défricher. Le travail de Feüardent fur faint Irenée, n'eft pas abfolument à méprifer; mais il a été furpaffé par Dom Maffuet & par M. Grabe. Voffius a donné les œuvres de faint Ephrem, de faint Gregoire Thaumaturge, & plufieurs autres: Heinfius, ceux de faint Clement d'Alexandrie : le pere Sirmond Jefuite, ceux de Theodoret, & de beaucoup d'autres : Fronton-le-Duc, auffi Jefuite, ceux de faint Chryfoftome: Le pere Pouffines, de la même Compagnie, ceux de faint Nil, &c. Ces éditeurs étoient

habiles, & la plupart affez bons critiques. Nous ne les nommons pas tous : cette énumération eft ici inutile: quel eft le Sçavant qui les ignore? L'églife leur a obligation de leurs foins & de leurs travaux. Le pere Combefis Dominiquain, a été animé du même zéle, & l'a employé avec utilité. Les éditions procurées par M M. Cotelier Dupin, Baluze, les peres le Quien, Quefnel, & quelques autres font recherchées avec raifon. La critique la plus exacte & la plus judicieufe, orne ces éditions: des notes utiles, des differtations fçavantes, les enrichiffent. En lifant les écrits des peres dans ces éditions, fans recourir à d'autres fources, on apprend, non-feulement ce que ces faints dépofitaires de la doctrine de l'églife ont tranfmis jusqu'à nous, mais auffi ce qui les regarde perfonnellement en quoi confiftoient les hérefies de leur temps, les conciles qui les ont confondues, tout ce qui s'eft paffé dans leur fiécle de plus confidérable dans l'églife, les difficultez qui fe rencontrent dans les écrits de tel ou tel pere, & les réponses à ces difficultez. Tous ces avantages fe trouvent avec abondance dans les éditions procurées par les peres Benedictins de la Congrégation de faint Maur, qui fe font appliquez à ce genre d'étude, depuis près d'un fiécle. C'eft de cette fçavante école que l'on a vû fortir les ouvrages de Lanfranc, de faint Bernard, de faint Anfelme, de faint Auguftin, de faint Ambroife, de faint Hilaire, de faint Jerôme, de faint Athanafe, de faint Gregoire de Tours, du pape faint Gregoire, de faint Irenée, de faint Cyrille de Jerufalem, de faint Bafile de

Cefarée, de faint Jean Chryfoftome, de Caffiodore, & de plufieurs autres auteurs eccléfiaftiques moins confidérables; mais dans les éditions defquels il regne une critique fage & judicieufe, & où brille une lumiere éclatante, qui plaît en inftruisant, & des difcuffions exactes & fçavantes, qui ne laiffent prefque plus de recherches à faire à un lecteur qui veut tout approfondir. C'eft de la même école que l'on a reçu les actes finceres des Martyrs, tant d'hiftoriens purgez de fables, tant de monumens utiles qui n'avoient point encore paru, & dont le texte confronté avec les meilleurs manufcrits, nous a été donné dans fa pureté. Les mêmes travaux s'y continuent, & nous ne connoiffons point de congrégation qui ait depuis fi long-temps fervi l'églife avec tant d'utilité. Plufieurs fçavans Proteftans picquez d'une loüable émulation, fe font auffi appliquez à donner de bonnes éditions de quelques peres de l'églife, qui reçoit leurs préfens avec plaifir, fans examiner la main qui les offre. Mais elle défire qu'ils ne mêlent point leurs opinions particulieres avec celles des auteurs dont ils publient les écrits, & qu'ils imitent en cela la fageffe de Savilius & d'Hofchelius, dont le travail fur faint Chryfoftome & fur plufieurs autres peres Grecs, ne fe fent point de l'héréfie dans laquelle ces éditeurs étoient malheureusement engagez.

Nous ne parlons point ici des excellentes éditions des hiftoriens profanes, des poëtes, des orateurs, que l'on a donné, foit en France, foit dans les pais étrangers, depuis près d'un fiécle : cette énumeration n'eft pas du but de ce discours; nous fe

« AnteriorContinuar »