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tre eux, où l'on changeoit la deftination des études, dont le but est de nous faire rechercher la vérité pour la connoître & l'aimer davantage, en un commerce d'amour propre, de vanité, & fouvent de pédanterie. De-là enfin ces abus énormes de la fcience qui fe font trouvez dans ces fçavans, qui n'ofoient lire l'écriture fainte dans le texte latin de peur de gâter leur pro- . pre latinité; qui ne pouvoient fouffrir les livres qui traitoient des matieres de la religion, fans laquelle néanmoins toute fcience devient inutile pour le falut, de peur d'alterer leur goût pour les antiquitez Grecques & Romaines; qui ne pouvoient fe réfoudre à lire leur breviaire en latin, parce qu'ils ne pouvoient fouffrir celui de la bible & des offices de l'églife. Ceux qui ont évité ces défauts, font ceux, qui plus raifonnables & plus chrétiens, & par conféquent plus judicieux, ont fait un choix fenfé de ce que les anciens payens ont écrit, & qui fe pouvoit appliquer à l'ufage du temps, auquel ils écrivoient, & à la matiére qu'ils traitoient ; qui n'ont point fait difficulté d'employer des termes eccléfiaftiques pour exprimer des chofes purement ecclefiaftiques, & qui par leur conduite ont montré aux autres les regles du bon fens & l'art de la véritable éloquence.

Heureufement que ces derniers ont eu plus d'imitateurs que les premiers, principalement depuis le XVI. fiécle, & furtout en France: car la plupart des academies que l'on a formées dans ce fiécle & dans le fuivant en Italie, ont beaucoup retenu de ce mauvais goût que nous blâmons, & de ces reffemblances avec le paganisme qui doivent paroître fi méprifables.

V.

gue Grec

que.

L'étude de la langue grecque fi néceffaire pour rendre véritablement service à l'é- De la langlife, & qui a tant contribué auffi au renouvellement des lettres, a recommencé prefque en même-temps que l'étude de la langue latine. On fçait dans quelle conffion l'ignorance de la premiere a jetté les plus grands hommes de l'églife latine durant huit ou neuf cens ans. Mais on fut très long temps à en appercevoir le remede, ou du moins à s'en fervir; & au temps même de S. Thomas le grec paffoit pour une chofe fi monftrueufe, qu'on l'évitoit pref que comme un écueil: Gracum eft, non legitur. Cependant la moitié des conciles géneraux font écrits en cette langue, & les peres de l'églife grecque qui font en grand nombre, ne méritent pas moins d'être lûs que les latins. Ils font comme ceux-ci partie de la tradition: ils font comme eux dé pofitaires de la doctrine de l'églife. Comment entendre bien leurs écrits, fi on ignore leur langue? Les traductions font prefque toujours infidéles ou imparfaites. Les meilleurs même ne rendent fouvent que foiblement les expreffions des originaux. On fe prive d'une partie du bien que l'on peut poffeder tout entier quand on ne le reçoit, pour ainfi-dire, que par les mains d'autrui. S'il arrive d'ailleurs des conteftations fur le vrai fens d'un paffage ; & combien n'en eft-il pas arrivé! Ce n'eft pas fur la traduction que l'on difpute; mais fur le texte même. Ce n'eft pas la traduction qui fert de fondement à la décision, c'est le texte original. Combien celui qui fçait le Grec, a t'il donc d'avantage fur celui qui l'ignore? Combien tirera-t'il plus de profit, & aura

ay

t'il plus de plaifir, en lifant chaque auteur dans la langue, dans laquelle il a écrit? Enfin les livres du nouveau Teftament font écrits en grec,& quand la véneration que l'on doit avoir pour ces faints oracles, n'eut pas été un motif affez puiffant pour porter à étu dier la langue, dans laquelle l'efprit faint les a dictez, la néceffité de les bien entendre devoit y engager.

Je ne fçai fi l'on avoit fait ces réflexions qui me femblent fi naturelles, avant que l'invafion de la Grece par les Turcs au milieu du XV. fiécle, eût forcé les fçavans de ces pays à chercher une retraite dans les royaumes plus voifins du nôtre. Mais il me paroît que c'eft à cet évenement que l'on doit rapporter le renouvellement de l'étude de la langue grecque en Europe. L'Italie profita la premiere des débris de la Grece. La Maison de Médicis les reçut dans fon fein, & l'on peut dire qu'ils payerent l'Europe entiere des gratifications & des bienfaits qu'ils reçurent de cette Maison. Chryfoloras enfeigna la langue grecque en Italie avec beaucoup de réputation, & eut un grand nombre de difciples qui lui firent honneur. L'eftime qu'ils s'acquirent, & les biens dont on les combla, exciterent de l'émulation, & la langue grecque auparavant fi négligée, qu'elle étoit devenue prefque inconnue, fut fçûe d'un grand nombre, & ce fut prefque une honte de l'ignorer. Demetrius Chalcondyle, Argyropule, Budé, Erasme, & plufieurs autres ne contribuerent pas peu à la mettre en honneur par l'éclat avec lequel ils Penfeignerent, & par le concours étonnant de ceux qui voulurent prendre leurs le

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çons. Quelques-uns de ces Grecs que la
Maifon de Médicis avoit recueillis, & plu-
fieurs de leurs difciples vinrent aufli en
France. Louis XI. les y reçut avec plaifir
& les y attacha par des récompenfes ; &
plufieurs y trouverent des établiffemens
très-honorables qu'ils n'auroient ofé efpe-
rer dans leur patrie. Gregoire Tiphernas
Italien, l'un des difciples de Chryfoloras,
enfeigna la langue Grecque à Paris dès
1470. & eut pour fucceffeur George Her-
monyme, fous qui étudia le célebre Reu-
chlin que l'on a voulu faire héretique mal-
gré lui: enforte qu'en moins de vingt ans
l'étude de la langue grecque fe vit répanduë
dans prefque toute l'Europe.

Par cette voye, l'antiquité tant prophane qu'ecclefiaftique, ne fut plus un pays inconnu; fans fortir du repos & de la tranquillité de fon cabinet, on la parcourut avec plaifir & avec utilité : on put puifer la vérité dans fa source: on se vit en état d'éviter les méprifes de ceux qui ne l'avoient envisagée qu'avec des yeux étrangers: on put confondre ceux qui s'autorifoient des noms les plus refpectables de l'antiquité, pour donner du corps à leurs chimeres, ou appuyer leurs erreurs. Le catholique forcé d'en venir aux mains avec l'héretique, luk enleva les armes dont il fe fervoit contre l'églife, & le terraffa avec les mêmes autoritez qu'il prétendoit faire valoir contre nos dogmes.

Un eccléfiaftique, & tout autre fçavant

VI.

A

qui veut approfondir l'écriture, de toutes De la lanles études celle qui convient le mieux au gue hébraïpremier, & à quiconque eft maître de fon que, loifir, ne peut fe paffer de l'étude de la

langue hébraïque, & l'on en fentit la né ceffité dès qu'on eut recommencé à reprendre le goût des lettres. C'eft en effet la langue originale des livres faints, & dans les premiers fiécles de l'églife, on en regardoit l'étude comme prefque indifpenfable. Les Proteftans voudroient bien fe faire paffer pour en avoir été les reftaurateurs en Europe: mais il faut qu'ils reconnoiffent qu'à cet égard, s'ils fcavent quelque chofe, ils en font redevables aux catholiques qui ont été leurs maîtres, & les fources d'où dérive aujourd'hui tout ce que l'on a de meilleur & de plus utile touchant les langues orientales. Jean Reuchlin qui a paffé la plus grande partie de fa vie dans le XV. fiécle, étoit certainement catholique, & il fut auffi l'un des plus habiles dans la langue hébraïque, & le premier des chrétiens qui l'ait réduit en art. Jean Weffel de Groningue lui avoit appris à Paris les élemens de cette langue, & lui-même eut des difciples en qui il avoit reveillé l'amour pour cette étude. C'a été pareillement par le fecours de Pic de la Mirande qui étoit vraiement attaché à la communion de l'églife Romaine, que l'ardeur pour l'hébreu s'eft animée dans l'occident. Les hérétiques du temps du concile de Trente, qui fçavoient cette langue, l'avoient apprife la plupart dans le fein de l'églife qu'ils avoient abandonnée, & leurs vaines fubtilitez fur les fens du texte, exciterent davantage les vrais fidéles à approfondir de plus en plus une langue qui pouvoit tant contribuer à leur propre triomphe & à la défaite de leurs ennemis. Ils entroient d'ailleurs en ce point dans l'ef

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