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qu'aucune autre focieté ne peut avoir, c'est de remonter jufqu'à Jefus-Chrift qui l'a fondée, & d'avoir continuée fans interruption de fiécle en fiécle jufqu'à nous. Ceux qui viendront après nous jufqu'à la fin des temps lui trouveront la même perpetuité & la même ftabilité, parce que l'une & l'autre lui font promifes, & que celui qui a fait cettre promeffe eft immuable & fidele. Les perfecutions l'ont agitée, les hérefies l'ont troublée, les fchifmes l'ont déchirée; les temps de paix ont été rares, les orages fe font élevez fréquemment contre elle, même dans fon propre fein; ils ont paffé, & elle eft demeurée faine & entiere. Des tempêtes qui feroient capables de la fubmerger, fi un Dieu tout-puiffant ne la foutenoit, s'y éleveront encore de temps en temps jufqu'à la fin, & le diffiperont comme les premieres: elle feule demeurera ferme & inébranlable, comme elle à toujours été. C'est ce que fon hif toire nous apprend, & c'eft ce qui fait que fon étude eft la confolation du fidele, & la force du théologien. Il eft vrai que tous les temps n'en font pas également beaux; mais il n'y en a aucun où l'on ne puiffe toujours la reconnoître pour l'époufe de Jesus-Chrift & la colonne de la verité. C'est un tableau dont les traits ont été plus ou moins éclatans, felon qu'il a été expofé au beau jour; mais quelque expofi tion que vous lui donniez, j'y reconnois toujours l'image que le peintre y a em preinte. Son hiftoire nous la montre née au milieu des miracles, croiffant malgré la fureur de ceux qui s'efforçoient de la faire périr dans fon berceau, tirant une nou

vel éclat & une nouvelle force des divifions, des erreurs & des défordres qui machinoient fa ruine; par les triomphes fans nombre qu'elle n'a ceffé de remporter fur tous fes ennemis; détruifant l'erreur par la verité; triomphant de l'impieté par fa pu.. reté, confondant les perturbateurs par fa ftabilité; diffipant l'ignorance par fa lumiere; renverfant les efforts de l'enfer par fa puiffance. Et voilà ce que doit remarquer avec foin celui qui étudie & qui veut étudier avec fruit l'hiftoire de l'églife: car ne faire cette étude que par curiofité, ou feulement pour s'amufer, comme on liroit Herodote ou quelque autre hiftorien profane, c'eft en quelque forte faire injure à l'églife, c'eft diffiper le tréfor qu'elle ne nous met entre les mains que pour nous enrichir.

Je trouve tant d'utilité dans l'étude de Hift. des T'hiftoire, même en géneral, que fi j'avois à Empires to. former un jeune homme aux lettres, je 1. à la fin. commencerois par celle-là. Il me paroît que l'on fe plaint avec raison, comme l'a remarqué un auteur moderne fort judicieux, de ce qu'au fortir du college, après dix ou douze ans d'étude, les jeunes gens ne fçavent que du latin, encore fort imparfaitement, & quelquefois un peu de grec, & qu'ils n'ont aucune connoiffance de ce qui peut former les mœurs, intereffer ou foutenir une confervation, fe faire honneur des talens qu'ils ont reçus de la nature, & de la peine qu'ils fe font donnée. C'eft néanmoins alors qu'ils entrent dans le monde; & fi le goût n'eft pas déja formé par la maniere dont on a étudié, & par ce qu'on a appris, il eft rare qu'on y

revienne jamais. Je voudrois donc d'abord peu de rudimens & beaucoup d'histoire. C'étoit l'avis d'Erafme, bon juge en cette matiere comme en beaucoup d'autres. On le fuivoit dans cette fameufe école qui fut fondée en 1509. en Angleterre par Jean Colet, doyen de l'églife de faint Paul de Londres, dont Polydore Virgile parle avec beaucoup d'éloge à la fin de fon histoire d'Angleterre. Cette école a produit plufieurs perfonnages illuftres qui étoient encore plus inftruits dans l'hiftoire que dans la grammaire. Un homme éclairé dans la premiere eft un homme de tout païs & de tous les fiécles. Ciceron dit dans fon livre de l'orateur, que c'eft être toujours enfant que d'ignorer ce qui s'eft paffé avant que Pon foit né. On ne fçauroit trop fe hâter de fortir de cette enfance. Tous les auteurs, quelque fcience qu'ils traitent, fuppofent toujours une connoiffance génerale de l'hiftoire. Ainfi pour les entendre & entrer dans le commerce de la fcience, il faut fçavoir ce qu'ils fuppofent connu. Pourquoi rencontre t'on dans quantité d'écrivains, tant d'anachronifmes tant.de confufion dans les faits, tant de fentimens fauffement attribuez à ceux qui ne les ont jamais eus, tant de citations mal alleguées, &c? C'est parce qu'ils ont ignoré Difc. fur l'histoire. En effet, dit l'illuftre M. BofPhift, uni- fuet, dans cet excellent difcours, qui eft verfelle.

lui-même la meilleure introduction à l'hi ftoire qui mérite d'être étudiée; fi l'on n'apprend à bien diftinguer les temps, on reprefentera les hommes fous la loi de nature, & fous la loi écrite tels qu'ils font fous la loi évangelique; on parlera des

Perfes vaincus fous Alexandre, comme on parle des Perfes victorieux fous Cyrus; on fera la Grece auffi libre du temps de Phi lippe, que du temps de Themiftocle; le peuple Romain auffi fier fous les empe-. reurs que fous les confuls; l'église auffi tranquille fous Diocletien que fous Con ftantin. L'étude de l'hiftoire fait faire cette diftinction des temps, & empêche de rien confondre. L'ignorance où la plupart des auteurs ecclefiaftiques depuis le IX. fiécle jufqu'au XV. étoient tombez fur ce point, met en garde contre leur lecture, & fi l'on n'a point les connoiffances dont ils avoient manqué, on s'égarera en les lifant. C'eft ce qui fait qu'on ne doit point s'appuyer de leur autorité fans beaucoup de précau tion. Les auteurs du XV. fiécle en deman dent moins pour la plupart. L'étude de l'hiftoire fut beaucoup plus commune dans ce fiécle-là. On y trouve plufieurs_histo riens eftimez, principalement en Italie, où il y a eu dès-lors plus de fçavans en tout genre, que dans le refte de l'Europe. La chronologie & la géographie, que l'on re garde avec raifon comme les deux yeux de l'hiftoire, furent auffi étudiées avec quel que foin mais cependant d'une maniere encore bien imparfaite. Les fçavans de ce temps-là étoient plus occupez à la recher che des manufcrits, à les faire imprimer, à y joindre des commentaires ou des notes, qu'à bien étudier l'hiftoire même de ces manufcrits, & de leurs auteurs, & qu'à entrer dans ces difcuffions épineufes de la chronologie, qui n'avoient rien qui pûr plaire à l'efprit ni flater l'imagination; mais qui auroient fouvent été plus utiles

que ces commentaires longs & fuperflus
dont plufieurs de ces éditions font char-
gées. Jofeph Scaliger eft proprement le
premier qui ait mis la chronologie en re-
gle. Son ouvrage de la correction des tems
eft d'une érudition immenfe. Ce que le
pere Petau Jefuite a fait fur la doctrine
des temps, eft encore plus fçavant & mieux
digeré. Il n'y a rien de meilleur avec cet
ouvrage, que les annales d'Ufferius & la
chronologie de M. Lancelot. Pour des géo-
graphes, il y en a peu qui méritent d'être
lus depuis le renouvellement des lettres
jufqu'à M. Sanfon, dont les recherches ont
été bien perfectionnées depuis par M. de
Lifle & quelques autres ; mais aucuns n'ont
atteint l'érudition que M. Bochart a em-
ploïé dans fa géographic facrée, qui répand
de fi grandes lumieres fur ce point. Dans
le XVII. fiécle où ce fçavant a fleuri, &
dans le précedent, l'étude de l'hiftoire fut
fi commune que chaque nation, chaque
province, & prefque chaque églife, & cha
que monaftere, voulurent avoir leur hifto-
rien particulier : & de-là que d'écrits en ce
genre n'a-t'on pas faits? On formeroit au-
jourd'hui une bibliotheque très-nombreufe
fi on vouloit les recueillir tous, & la vie
de plufieurs hommes ne fuffiroit pas pour
les lire. Mais on peut les confulter dans
le befoin, & c'eft déja être riche que de
fçavoir qu'on ne manquera point quand
on voudra puifer, & que les fources font
toujours ouvertes. Il est vrai qu'il faut
beaucoup de difcernement pour lire la plû-
part de ces hiftoriens. L'amour du merveil-
leux qui a été trop long-temps le goût do-
minant, & qui paroît fi naturel à l'homme

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