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ALPHONSE

DE

à un Major-dome, un Chapelain, deux Chevaliers, trois Ecuyers, un Turcopolier & un Page. A cha- PORTUGAL. cun de ces differens Officiers de fa maison, il ne laiffa qu'un cheval pour les porter. A l'égard de fa perfonne, il ne réserva que deux chevaux de main & une mule, équipage à la verité très-modeste, mais peu convenable au Chef d'un grand Ordre militaire, & qui étoit tous les jours à la tête des

armées.

De ce reglement particulier fe faifant un droit de réformer tous les Chevaliers, après leur avoir reproché ce qu'il appelloit leur luxe, & même leur moleffe, il proposa differens réglemens : alimens, habits, équipages, tout paffa par un severe examen & par une réforme auftere: on ne peut pas dire que ce Grand-Maître n'eût pas de très-bonnes intentions; fon deffein étoit de faire revivre la discipline établie par Raymond Dupuy, & qui dès ce tems-là étoit fort relâchée. On rapporte qu'entendant quelques murmures dans l'affemblée, il leur demanda s'ils étoient plus délicats que leurs prédeceffeurs, & s'ils n'avoient pas fait aux pieds des autels une profeffion folemnelle des mêmes vœux de la Religion. On lui reprefenta en vain la difference des tems, & que le genre de vie qu'il propofoit, n'étoit pas compatible avec les fonctions d'une guerre continuelle; & dans une conjoncture où depuis la perte de Jerufalem ils étoient tous les jours à cheval ou dans la tranchée. Pour lors prenant un ton de voix plus élevé : Je veux, dit-il fierement, être obéi, & fans replique. A ces mots toute l'affemblée éclata en plaintes,

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ALPHONSE & un ancien Chevalier lui fit fentir que le Cha PORTUGAL. pitre n'étoit pas accoutumé à entendre parler fes fuperieurs en Souverains.

LERAT.

11.95.

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L'aigreur fe mêla bien-tôt à des contestations si vives, & fut enfuite pouffée fi loin, que les Che valiers de concert, & avec trop d'obstination, refuferent d'observer les reglemens qu'il propofoit. Le Grand-Maître de fon côté, quoiqu'il ne fût forti qu'indirectement d'une Maison Royale, pour prouver la légitimation, affectoit tout l'orgueil du trône. Les uns & les autres ne voulant rien relâcher, on en vint enfin à une révolte déclarée. L'Ordre tomba dans une espece d'anarchie, & le Grand-Maître ne trouvant plus d'obéiffance dans fes Religieux, abdiqua fa dignité, & se retira en Portugal. Il y fut encore plus malheureux, & il périt depuis dans les guerres civiles où il s'étoit engagé. C'est ce que nous apprenons de differens Hiftoriens, quoiqu'ils ne conviennent ni de fon propre nom, ni de celui du Prince qui lui avoit donné la vie.

L'Ordre, après fon abdication, choifit pour fon GEOFROY fucceffeur Frere GEOFROY LE RAT, de la Langue de France, vieillard vénérable, doux, affable, peu entreprenant, & qui par là mérita les fuffrages de fes confreres. Il fe fit prefque en même tems une nouvelle révolution dans la principauté de la petite Armenie, & dont par son habileté il arrêta les fuites. Nous avons dit que deux freres, Seigneurs des plus confiderables de cette nation, P'un appellé Rupin de la Montagne, & le cader, Livron ou Leon, après la mort du renégat Melier,

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LE RAT.

s'étoient emparez de ce petit Etat. Boëmond III GEOFROY Prince d'Antioche, & devenu Comte de Tripoli, pouffé d'une ambition démefurée & dans la vûe d'agrandir les Etats aux dépens de fes voifins, fous prétexte d'une conference, & de prendre avec le Prince d'Armenie des mesures contre les Infideles leurs ennemis communs, avoit attiré ce Prince dans Antioche, & l'y avoit fait arrêter. Livron quelque tems après tourna contre lui fon propre artifice, & fous prétexte de traiter de la liberté de fon frère, il fe trouva le plus fort au rendezvous, tailla en pieces l'escorte de Boëmond, le fit arrêter & conduire dans une Place forte où il le retint prifonnier, fans vouloir d'abord entendre parler d'aucune negociation de paix.

Chaque nation prit les armes en faveur de fon Prince. Les Infideles leurs voifins n'auroient pas manqué de profiter d'une guerre fi préjudiciable aux Chrétiens; mais le Patriarche & le GrandMaître qui en prévirent les fuites funestes, intervinrent dans ce differend. Le Prince Livrom ne vouloit d'abord écouter aucune propofition, foit que gouvernant l'Etat pendant la prifon de fon frere, il eût de la peine à fe défaifir de l'autorité fouveraine, foit auffi peut-être, comme l'évene ment le fit voir, pour tirer de plus grands avan tages du traité. Quoi qu'ilen foit, il ne voulut point confentir à l'échange des deux prifonniers, qu'aux conditions que la Principauté d'Antioche releve roit dans la fuite de celle d'Armenie, & que pour gage d'une fincere reconciliation entre les deux Maifons, le fils aîné du Prince d'Antioche avans

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