Et je dois l'achever.

ADRASTE.

POLIDECTE.

Vous, Seigneur?

Moi, te dis-je.

Avant que le Soleil qui luit fur ces Etats
Ait amené l'instant marqué pour fon trépas,
Dans le Temple des Dieux, Admete doit fe
rendre,

Pour bénir leur bonté du coup qu'il vient atten

dre,

Et leur renouveller fon ferment folemnel.

Conduit par mes conseils, comme il doit à l'Autel

Venir feul, dépouillé de la grandeur fuprême,
J'ai d'un venin fubtil plus prompt que le fer
même,

Empoisonné l'encens que fa main va brûler.
C'est l'invisible trait qui le doit immoler.
Avec l'odeur fatale, il va dans fon Offrande,
Refpirer à longs traits la mort qu'il leur demande.
Sous mes coups par ce piège il tombera frappé,
Et mon crime fera dans l'ombre enveloppé.
Je veux qu'il foit couvert d'un voile qu'on adore,
Que du nom de prodige un Peuple entier l'honore,

!

Et qu'une heureuse erreur faffe croire en tous lieux,

Que l'œuvre de ma main eft l'ouvrage des Dieux.

ADRASTE.

Mon cœur eft partagé par cette confidence,
Entre l'étonnement & la reconnoiffance.

Des mêmes interêts à votre fort lié,
Puis-je trop fignaler pour vous mon amitié?
Tout mon fang répandu ne fauroit reconnoître
Les bontés qu'aujourd'hui vous me faites paroî-

tre.

POLIDECTE.

Amour, dépit, orgueil que je fers à la fois. Heureux fi mon coeur peut vous contenter tous

trois;

Si je puis me venger, rappeller ce que j'aime, Regner & comme moi l'orner du Diadême.

ADRAST E.

Ah, Seigneur. ...

POLIDECTE.

Qu'à toi feul ce fecret confié

Demeure entre nous deux, & foit comme ou

blié.

SCENE I I.

POLIDECTE, ADRASTE, TIMOCRAT

T

POLIDECTE:

Imocrate eft-ce toi? Ciel! Que viensm'apprendre?

Ton retour en ces lieux a droit de me surprendr

TIMOCRATE.

Du prix de tous vos foins le fort vous a privé, Et dans nos murs, Seigneur, Hercule eft ar

rivé.

Comme il a vû pour vous Lariffe déclarée,
La mort de votre frere étant prefque affurée,
Il a blâmé ce choix, & fes difcours vainqueurs
Du côté de la Reine ont tourné tous les cœurs.
Bien-tôt dans Yolcos il doit venir lui-même
Affermir fur fon front le facré Diadême.
Le crime à fon afpect s'épouvante & s'enfuit.
La terreur l'environne, & la gloire le fuit.

POLIDECTE.

Hercule eft dans Lariffe? Ah, que viens-je d'entendre !

Timocrate, il fuffit on pourroit nous furprendre. Sortez.

SCENE III.

POLIDECTE, ADRASTE.

POLIDECTE.

D

Evant toi feul que je m'épanche,

ami.

Il n'est de mes fecrets informé qu'à demi.
Hercule arrive enfin, & ma fureur s'arrête.
Il enchaîne ma main à frapper toute prête.

ADRASTE.

L

Oui ce revers, Seigneur eft d'autant plus af freux,

Que deux ans n'auront point fans doute éteint fes feux.

Si vous privez le Roi de la clarté célefte,
Hercule: dans l'espoir de poffeder Alceste
Contre tous vos deffeins armera fon amour,
Et lui-même viendra regner dans ce féjour.
Ce Guerrier fans Etats, fans Cour, fans Dia-
dême,

Eft Souverain par-tout, & commande aux Rois

même.

Au feul bruit de fon nom nos Peuples éperdus,

Recevront à

genoux

fes ordres abfolus.

POLIDECTE.

C'est ce nom que je crains, non fa force indomp

table,

Et de mes ennemis c'est le plus redoutable.

Je fens que je ne puis le combatre aujourd'hui,
Si
Și le Ciel ne me fert de rempart contre lui.
L'Oracle qu'on attend, & qu'Alcefte demande,
M'offre un nouveau moyen. il faut que je le
rende,

...

Il faut que dans le Temple elle perde le jour.

ADRA'ST E.

Et qui vous répondra de fa mort?

POLIDECTE.

Son amour.

Suis moi. Pour achever de réfoudre mon ame
Viens prêter tes conseils au dépit qui m'enflâme.
Je la vois qui paroît, je la veux éviter.

Ses plaintes, fes foupirs ne font que m'irriter.