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Du côté de l'honneur je fçais qu'il faut la prendre : fa vertu nous immole Alexandre.

Je veux que

SITAL C E.

Vous avez des moyens que je ne connois pas.
Allez donc la trouver, je vais fuivre vos pas.
PHILOTA S.

Non, ce n'eft point encor le moment qui nous preffe
D'aller pour cet effet trouver cette Princeffe.

SITAL CE.

Je vais chez Enticlès, Ami, dans cet instant,
Où nous devons tenir ce confeil important.
PHILO TA S.

Le Ciel, qui veut punir une injufte puiffance,
Emprunte notre bras pour fervir fa vengeance.
Pour flatter d'un tyran & la gloire & l'efpoir,
Faut-il par tant de fang cimenter fon pouvoir ?
SITALC E.

Allons tout préparer dans ce moment terrible
Qui doit mettre à nos pieds ce Monarque invincible.

SCENE SIXIE M E.

PHILOTAS, OPHIS, ZONIME.

O

OPHIS.

'UEST-IL donc arrivé, Seigneur? de toutes parts Un appareil de guerre effraye nos regards: Ces drapeaux déployés, & l'éclat de vos armes, Répandent dans nos cœurs de nouvelles allarmes ; Lorfque nous efpérions, par des nœuds folemnels, Accomplir un hymen aux pieds de nos autels; Un hymen qui devoit, dans notre état fünefte, Du débris foudroyé conferver quelque refte. Nous voyons votre armée agir avec éclat, Et former à l'inftant un ordre de combat.

B

PHILOTA S.

Les Perfans raffemblés viennent avec furie
Préfenter la bataille aux plaines d'Affyrie,
Au fujet de l'himen offert par Darius.
Le filence du Roi paffe pour un refus.

A former ces doux nœuds fa tendreffe l'exhorte;
Mais l'intérêt des Grecs fur fon amour l'emporte.
Ils lui font toujours chers, il veut les foutenir.
Sa foi ne fera pas fujette au repentir.

Ce feroit les trahir, dit-il, que de fe rendre
Aux charmes d'un hymen dès qu'on les doit défendre,
Ou plutôt les venger d'un outrage commis.
Des Grecs mes Alliés j'en fais mes ennemis.
Non je ne confens point à cette perfidie;
Je dois facrifier mon amour & ma vie
Pour ce Peuple fidele, à qui je dois l'éclat
De mille exploits divers dans mon dernier combat.
La fûreté du camp demande ma présence;
Je vais en ce moment pourvoir à sa défense.

SCENE SEPTIEM E.

CE

OPHIS, ZONIM E.

OPHIS.

E récit, malgré moi, flate un indigne amour, Que tes yeux pénétrans ont vû naître en un jour. Faut-il que de tels feux fuccédent à la haine.

Qu'a produit d'un Epoux une mort trop certaine !
ZONIM E.

Vous n'êtes point encore inftruite de fon fort:
Qui peut vous affurer que Nicandre foit mort?
Lorfqu'on a ramaffé ces illuftres victimes,
Pour rendre à leur valeur des honneurs légitimes,
Il ne s'eft point trouvé parmi les malheureux;

Le Ciel pourroit le rendre à l'ardeur de vos vœux:
Mais s'il eft vrai qu'il ait fini fa deftinée,
Alexandre vous offre une main fortunée;
L'hymen vous défend-il, par fes feveres loix,
Son premier nœud rompu, de faire un autre choix?
OPHIS.

Quel confeil dangereux me donnes-tu, Zonime!
Je perdrois d'Alexandre & l'amour & l'eftime
Si j'ofois confentir à former d'autres nœuds
Que celui qui m'attache à l'objet de mes vœux,
Même quand le Destin auroit tranché fa vie,
Dois-je accepter la main qui peut l'avoir ravie
Dans le defordre affreux de fon dernier combat
ZONIM E

Cette main n'a jamais, commis un attentat.
N'imputez qu'aux flateurs tous les nouveaux outrages,
Qui font de vos vertus autant de témoignages.
Ce mérite éclatant qu'on reconnoît en vous,
Admiré du vainqueur, vous a fait des jaloux.
OPHIS.

On n'en veut qu'à celui que le Ciel récompenfe
Qui fçait de la fortune arrêter l'inconftance.
Le mérite jamais, quoiqu'il foit précieux,
Dans la calamité n'a fait des envieux.

L

SCENE HUITIEME.

SITALCE, OPHIS, ZONIME

SITAL CE

Es forces de la Perfe avec foin combinées, Peuvent dans un feul jour changer nos destinées Alexandre invefti, furpris de toutes parts, Peut-il, fans fuccomber, affronter les hazards?

OPHIS.

Alexandre, Seigneur, eft toujours redoutable;
On fçait, par fes exploits, ce dont il eft capable :
La chûte de la Perfe en inftruit l'Univers,
Et de nonveaux fuccès vont refferrer nos fers.
SITAL CE.

Ah! que la liberté, que vous n'ofez prétendre,
A de puiffans appas, dès qu'on la fçait reprendre!
OPHIS.

Combien de fois l'amour de cette liberté

augmente l'esclavage & la calamité!

SITAL C E.

Combien de fois auffi, par l'effort du courage,
Ne renaît-elle pas du fein de l'efclavage;
OPHIS.

Après avoir en vain fi long-temps combattu,
On ne doit oppofer ici que la vertu.

SITAL CE.

Cette même vertu, fur qui l'efpoir fe fonde,
Eft souvent notre foible, & par où l'on fuccombe.
OPHIS.

Dès qu'elle ne peut rien contre tant de malheurs,
On ne doit recourir qu'à d'éternelles pleurs.
SITAL CE.

Compagnon de vos fers, témoin de vos allarmes,
Que ne puis-je effuyer, ou retenir vos larmes !
Penfez-vous fouffrir feule en ce tems malheureux ?
Le fort qui vous pourfuit en perfécute deux.
Sans la vive douleur, dont le poids vous accable,
Je trouverois mon mal peut-être fupportable;
Mais dans fon amertume en eft-il un moyen,
Dès que je fens enfemble & le vôtre & le mien ?
D'Alexandre jamais vous n'aurez à vous plaindre;
Mais c'est d'Ephestion que vous avez à craindre.
C'eft lui qui de ce Prince a corrompu les mœurs,
Qui gâte fon efprit, & qui fait nos malheurs.
A fa propre fureur vous feriez immolée,
Si fa haine pour vous n'eût été dévoilée.

De tels Adulateurs font la perte de Rois:
On les a vûs par eux égarer tant de fois.
On doit tout imputer aux affreuses maximes
De ces fauffes vertus qui conduifent aux crimes.
Contre fes attentats réuniffons-nous tous,
Rallumons à l'envie notre jufte courroux.
OPHIS.

Je paffe chez la Reine, où nous devons attendre
La chûte de la Perfe, ou celle d'Alexandre.

P

SCENE NEUVIEM E.

SIT ALCE feul.

REST à frapper ce coup trop long-temps attendu,
Mon bras déja levé demeure fufpendu.

Les deux Rois font aux mains, & du combat l'issue
Va fans doute fixer mon ame irréfolue.

Ne balance donc point, Sitalce, entre les deux;
C'est pour le Roi Perfan qu'il faut faire des vœux.
Ton fouhait à préfent n'eft que trop légitime,
Et Darius vainqueur va t'épargner un crime.
Alors tout glorieux librement tu pourras,
Sans commettre un forfait, rentrer dans tes Etats.
Non je ne puis fouffrir qu'Alexandre périffe,
De fes jours à la paix qu'on faffe un facrifice.
Eh, pourrai-je oublier tout ce que je lui dois !
Quand ce Monarque mit la Thrace fous fes loix,
Alors il l'arracha d'une main étrangere,
D'un tyran qui la prit, en maffacrant mon Pere.
Par un ami fecret je lui fus préfenté.

Ce Prince, en m'embraffant, me dit avec bonté :
Je n'ai pris vos Etats, qu'afin de vous les rendre
Quand fous moi vous aurez appris à les défendre.
Mais de ce qu'il a fait pour moi jufqu'aujourd'hui
Je crois, fans me flatter, être quitte envers lui.

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