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L

SCENE DEUXIE ME.

ALEXANDRE, EPHESTION,

ALEXANDRE.

'ORDRE que j'ai donné dans ce comble d'horreur
A-t'il été fuivi dans toute fa rigueur ?

A-t'on chargé de fers cetre ingrate Princeffe
Qui payoit d'un forfait l'excès de ma tendresse ?
EPHESTION.

Seigneur, oubliez-vous que vous avez permis
Qu'elle vînt en ces lieux vous marquer les ennuis?
Et même par votre ordre on dit qu'on vous l'amene.
ALEXANDRE.

Je puis l'avoir donné dans le fort de ma haine :
Pouffé par le plaifir que j'aurois d'étouffer
Un amour que j'ai vu trop long-temps triompher.
J'ai voulu la braver en méprifant fes charmes;
Contre eux en ma faveur elle fournit des armes.
Mais que voi-je! C'eft elle! on l'amene en ces lieux!
Sa perfide beauté vient de frapper mes yeux!
A-t'elle le maintien d'une femme coupable!
Et ne diroit-on pas qu'elle eft irreprochable?
Ami, pour un inftant difparois, laiffe-moi ;
Je ne veux point encore lui parler devant toi.

SCENE TROISIEME.

ALEXANDRE, OPHIS, les fers aux mains un CAPITAINE des Gardes, GARDES.

OPHIS.

'EST donc en cet état, pour fait de perfidie,

Cue je vais voir en vous mon Juge & ma partie

ALEXANDRE.

Je ne veux point, Madame, écoutant mon courroux,
Comme un Prince abfolu prononcer contre vous.
Il eft des loix d'Etat qu'un Souverain impofe ;
Mais il ne doit jamais juger fa

propre caufe.
Mon Confeil affemblé dans ce fatal moment,
Va fur tous vos délits porter fon jugement.
Cependant je defire, & contre mon attente,
Que la Princeffe Ophis lui paroiffe innocente.
Oui, Madame, j'avoue en ce jour plein d'horreur
Que je fentois pour vous la plus fincere ardeur :
Que ma gloire indignée abandonnoit mon ame
Au cours impétueux d'une amoureufe flamme.
OPHIS.

Par vous même, Seigneur, je brave vos fureurs:
Vous ne me verrez point les yeux baignés de pleurs,
Venir à vos genoux fouiller mon innocence.
Elle veut la juftice, & non pas la clémence.
Quelque foit le defir que j'ai de voir la fin
De mes jours ténébreux, outragés du Destin,
Je ne dois point fortir d'une importune vie
Par un trépas fuivi de tant d'ignominie:
Mais fi pour mon malheur notre ennemi juré,
Si votre Ephestion de mon fang altéré,
A, pour fa fûreté, réfolu mon fupplice,
Hélas! quoiqu'innocente, il faut que je périffe.

ALEXANDRE.

ALEXANDRE.

Epheftion, Madame !

OPHIS.

Oui, c'eft ce fcélérat,

Qui contre vous, Seigneur, projette un attentat.
Sitalce & Philotas, pour vous remplis de zele,
Tantôt m'en ont appris l'effrayante nouvelle.
De vous en avertir nous avions réfolu ;

Mais un des Conjurés, qui fans doute l'a fçû,
Pour fe débarraffer de témoins redoutables;
De fon propre forfait nous a rendu coupables;
Et lorfque nous ailions en fecret devant vous,
Le convaincre du crime, on nous arrête tous.
ALEXANDRE.

Hé, c'est vous qui fuivez cette étrange maxime
Qui dit qu'il faut couvrir le crime par le crime
J'apperçois qu'en voulant fauver ces malheureux,
Vous travaillez pour vous, quand vous parlez pour eux.
Vous vous êtes liés, votre caufe eft commune;
Vous devez tous alors courir même fortune:
S'ils étoient criminels, vous le feriez auffi.
OPHIS..

Quoi, fe peut-il, Seigneur, que vous pénfiez ainsi
De deux braves guerriers, qui toujours l'un & l'autre
Ont employé leur vie à défendre la vôtre?
Tandis qu'on ne fçauroit vous faire foupçonner
Un fujet qui s'apprête à vous affaffiner?
Comment arrive-t'il qu'un Monarque équitable
Opprime l'innocent, épargne le coupable,
Et n'ofe approfondir l'exécrable deffein
Que médite un ferpent réchauffé dans fon fein?
ALEXANDRE.
Par cet expédient, pris pour fauver ma
Chez vous fecrettement elle m'étoit ravie.
Il est vrai, le complot étoit bien combiné.
En venant me l'apprendre on m'eût affaffiné.

vie

F

OPHIS.

Quoi donc, de ce complot quel feroit le système,
D'aller pour réuffir, le découvrir foi-même ?

ALEXANDRE.

Pour vous défendre, hélas ! quel parti prenez-vous ?
Tous ces détours ne font qu'irriter mon courroux.
Il ne m'eft plus permis d'en douter, inhumaine;
J'ai de votre attentat une preuve certaine.

Il lit:

(lui montrant un billet.)

Le Roi dans un moment va fe rendre à ma tente :
Suivez-le de bien près. Je fuis impatiente
De voir exécuter le projet convenu,
Et qui par un délai peut être prévenu.

OPHIS.

Ce billet de ma main, que vous venez de lire,
De tout ce que je dis ne peut me contredire.
J'écris à Philotas, fidele délateur,

De venir avec moi vous avertir, Seigneur

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Et fans perdre un moment, des fecrettes pratiques
Dont il doit vous donner des preuves autentiques.
Quand de votre affaffin je veux parer les coups,
Dois-je craindre pour moi ce que j'ai craint pour vous ?
ALEXANDRE.

Vous êtes du complot : vous méritez la haine
Qu'inspire le mépris, & que le crime entraîne.
OPHIS.

Ceux qui veulent douter un inftant de ma foi,
Se défient alors bien plus d'eux que de moi.
ALEXANDRE.
Madame, je ne vois dans votre repartie
En vous de naturel que votre perfidie.
Vous contez vainement fur ma crédulité :
Vous devriez plutôt avec fincérité,
Avouant l'attentat, mériter votre grace.
OPHIS.

Pour vous la demander ai-je l'ame assez basse !
De me la préfenter c'eft être trop cruel!

Gardez votre pardon pour quelque criminel.
Je mourrai fans regret, exempte de tout crime,
S'il faut à l'impofture encore une victime.

Frappez, Seigneur, frappez toujours des coups certains,
Un mot feul vous fuffit pour armer mille mains.
ALEXANDRE.

J'aime un noble courroux, lorfque par l'innocence,
Il peut avec fierté foutenir ma préfence;
Mais ce même courroux me paroît odieux,
Dès qu'il n'a pour appui qu'un front audacieux.
OPHIS.

Alexandre trop tard connoîtra l'artifice :

Mourons en attendant qu'il nous rende juftice.
Ce Prince, quoiqu'il feit le plus puiffant des Rois,
Ne pourra me donner le trépas qu'une fois.
M'imputant un forfait, (c'est-là ma destinée)
Je mérite la mort quand j'en fuis foupçonnée

ALEXANDRE.

Si je n'avois, hélas! qu'un foupçon contre vous,
Vous me verriez, Madame, encore à vos genoux
Vous jurer un amour fans doute trop fidele,
Dès que gloire en lui ne trouve qu'un rebele.
Je fuis follicité par vos puiffans attraits

A foulager les maux que vous vous êtes faits.
Pour vous montrer combien je partage. vos peines
Gardes, que
, que dans l'inftant on détache fès chaînes :
Remenez la Princeffe: obfervez tous fes pas:
A ne point voir fa Cour ne la contraignez pas.

SCENE QUATRIE ME

ALEXANDRE feul.

PHIS voit que ma haine à fon aspect chancele,
Qu'une fecrette voix ofe parler pour elle,

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