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Il est vrai qu'autrefois il a pû m'accabler;
Mais, madame, à présent c'est à lui de trembler.
Trop heureux que je veuille, en terminant la guerre,

Lui céder en ce jour la moitié de la terre.

Et que pourriez-vous craindre encore?

CLEOPATRE.

Que mes yeux

Ne raménent bien-tôt Actium en ces lieux.
Votre ennemi vous hait; Rome entiere m'abhorre....
Vous m'aimez; & jugez combien je crains encore.
Seigneur, j'entens du bruit. Je céde à mon devoir.
C'est Octave, sans doute; allez le recevoir.
Croyez qu'à votre amour Cléopatre asservie,
Cherira cet amour au-delà de la vię.
Antoine, si jamais je füs digne de toi,
Fuis mes yeux, fais la paix, & fois digne de moi.

Fin du premier Acte.

:

=

ACTE II.

C

SCENE PREMIERE.

OCTAVE, AGRIPPA,

N

LICTEURS.

OCTAVE en entrant sur le theatre. E précipite rien. Garde bien cette lettre ; Je saurai t'indiquer l'instant de la remet

tre.

La reine ne doit voir ce billet en ses

mains,

Qu'autant que le succès flattera mes desseins.
Vois, parle, agis; de tout je saurai faire usage :
Mais d'Hérode sur-tout observe le visage.
Je ne saurois douter de sa fidélité;

Je crains sa politique & sa férocité.
Antoine vient à moi. Sors; & qu'il te souvienne
Que je t'ai confié ma fortune & la tienne.

1

SCENE

SCENE ΙΙ.

ΑΝΤΟΙΝE, OCTAVE, LICTEURS aux deux côtés du théatre.

ΑΝΤΟΙNE.

Ui, je rens grace au fort, qui, propice à

vœux

Dans un libre entretien nous réunit tous deux ;
Et, suspendant le cours d'une guerre rapide,
Me fait voir le vainqueur de Sexte & de Lépide.

OCTAVE.

mes

Seigneur, il m'est bien doux d'embrasser aujourd'hui Le vengeur de Césfar, & mon ancien appui.

ΑΝΤΟΙNE.

(Ils s'affeïent.)

Songeons que l'univers, la fortune des hommes
Rome, tout est ici dès lors que nous y sommes.
Comment prétendez-vous décider leur destin?
Est-ce en ufurpateur? En héros?

OCTAVE.

En Romain.

ΑΝΤΟΙNE.

Soyons-le donc : La gloire est notre récompense.

Rendons Rome à ses droits; rendons-lui sa puissance;

Le consul au senat, au peuple le tribun,

La liberté par tout, & la vie à chacun.

OCTAVE.

Seigneur, vous vous trompez sur l'intérêt de Rome; Au dessus de sa tête elle a besoin d'un homme.

B

Tant qu'elle a conservé des guerres à finir,
Je conçois que ses loix ont pû se maintenir :
Mais la terre a montré des bornes à ses aigles.
Rome, dès ce moment, n'a plus connu de régles;
Et son génie ardent, & peu fait au répos,
Toujours contre elle-même armeroit ses héros,
Qui tous, ne trouvant plus à venger sa querelle,
Travailleroient pour eux, en combattant contre elle.
Croyez-moi. Tant que Rome aura des légions,
Un autre envahiroit ce que nous quitterions.
Pour s'affûrer la paix, Rome demande un maître :
Et qui l'est, en un mot, est celui qui doit l'être.

ΑΝΤΟΙNE.

Je reconnois sans peine Octave à ces discours;
Il est tel aujourd'hui qu'il m'a paru toujours.
Depuis près de quinze ans que le droit de la guerre
A commis à nos soins le destin de la terre,
Seigneur, à quel usage avons-nous fait servir
Le pouvoir qu'aux Romains nous avions sû ravir?
Toujours ambitieux, & toujours sanguinaires,
Sans relâche altérés de biens imaginaires,
Indignes du haut rang où nous sommes montés,
Nous ne sommes connus que par nos cruautés.
N'attendez point ici qu'à vos yeux je rappelle
De nos premiers succès la suite criminelle,
Le monde presqu'entier dépouillé d'habitans,
Nos murs du sang romain encore dégoutans,
Et la postérité, qui, libre de contrainte,
Au nombre des tyrans nous placeroit sans crainte.
Tout nous dit qu'il n'est rien qui nous doive éblouir
A prétendre au-delà de ce qu'on peut jouir;
Qu'il est temps que nos cœurs, devenus magnanimes,
A force de vertus effacent tous nos crimes;

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Et que l'ambition doit rendre généreux
Tous ceux, dont elle a fait des coupables heureux.
N'épirions-nous jamais, ardens à nous poursuivre,
Que le moment de vaincre, & non celui de vivre?
Gouverner tout le monde, est un fort plein d'appas;
Mais le monde est borné, le defir ne l'est pas.
De ce vaste univers nous partagions l'empire:
Ce partage, Seigneur, peut encor nous suffire:
Sans doute, ainsi que moi, vous l'avez cru trop grand,
Pour être gouverné par un seul conquérant;
Que, pour le maintenir ainsi qu'il le doit être
Sa trop vaste étendue exige plus d'un maître.
Plusieurs y pourroient nuire; un seul ne suffit pas;
Et son extrémité se derobe à nos pas.

:

Je ne vous dirai point, que souvent la victoire
Nous méne à notre perte à l'ombre de la gloire.
Vous savez qu'un Romain qui se croit tout foumis,
Peut trouver dans la paix de plus grands ennemis.
Ainsi du grand Céfar la fortune trompée
Ne dut jamais fa fin qu'à la mort de Pompée.
Deux hommes tels que nous, mais réunis tous deux,
Peuvent en fûreté régner comme les Dieux.
Si sur ces vérités vous n'avez aucun doute,
Si votre avis est tel, parlez, je vous écoute.

OCTAVE.

Ne craignez point de moi de ces traités affreux;
Signés, comme autrefois, du sang des malheureux.
Selon les temps divers on change de pensée.
Quand je fus inhumain, mon ame y fut forcée.
Si j'ai versé du sang par la foif de régner,
Je régne, & désormais je prétens l'épargner:
Vous pouvez en douter, j'en conviens; mais peut-

être

Serai-je affez heureux pour faire un jour connoître

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