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Laissez agir Hérode; & je vous sacrifie

L'élite de mes Juifs, ma couronne, & ma vie.
Mais que j'aille affronter, aveugle en mon transport,
La mort, fans autre espoir que d'obtenir la mort;
Que je false tomber sous des mains implacables
Ce qui me reste encor de tant de miserables,
Que la mer d'Actium vit, dans un même jour,
Rencontrer le trépas où vous suiviez l'amour.
Mes malheurs m'ont appris à devenir plus sage.
Je vous suis attaché. Mais, comme le courage
N'est point à ne porter que d'inutiles coups,
Ce n'est point vous servir que périr avec vous.

ΑΝΤΟΙNE.

Fui donc. Qui te retient? Je te rens ta parole.
De la fortune, ingrat, cours encenser l'idole.
Sans emprunter ici ton superbe fecours,

:

Je saurai bien défendre, & ma gloire, & mes jours.
Mais, d'où leur peut venir cette haine implacable ?>
Et de quoi Cléopatre a-t-elle été coupable?
Avant que le hazard m'offrît à ses attraits,
Ses destins fortunés s'écouloient dans la paix...
Moi seul, en l'adorant, j'en ai troublé les charmes.
Sur ses paisibles jours j'ai verse les allarmes :
Son cœur trop patient ne s'en plaignit jamais.
Elle m'aima toujours, & je la trahirois?
Non que tout aujourd'hui me devienne rebelle,
Je me réserve à qui me restera fidéle..
Dans nos malheurs communs je pleurerai les fiens:
Enfin, je la verrai ne pleurer que les miens.

ここ HERODE.

1

Antoine, d'un Romain est-ce là le langage? Quoi? Voulez-vous qu'on dise à Rome, & d'âge en âge,

Qu'après avoir conquis l'univers éperdu,
Pour plaire à Cléopatre, Antoine a tout perdu?
Non, seigneur, un guerrier, sans se couvrir de honte,
De soi-même à lui seul ne doit point rendre compte.
Ah! Cessez d'avilir Antoine dans l'amour.
Permettez à votre ame un généreux retour.
Vous ne m'écoutez pas ? Et le ciel équitable,
Ou plûtôt quelque bras, plus hardi que coupable,
N'oseroit immoler cet objet malheureux,

Dont le sang peut encor rendre Antoine à nos vœux.

Tu voudrois?....

ΑΝΤΟΙNE.

HE'ROD E.

Ton salut.

ANTOINE..

Ah! Malheureux, arrête:

Qu'ofes-tu proposer?

HE'RODE.

Qu'aux dépens d'une tête,

Antoine recouvrant ses amis, ses soldats,

Attache pour jamais la victoire à ses pas.

ΑΝΤOΙΝΕ.

Périssent les ingrats, périsse la nature,
Plûtôt qu'à mon amour je me rende parjure!
Mais toi, dont la fureur vient ici m'allarmer,
Cet horrible attentat, l'aurois-tu pû former ?

HE'RODE.

Non. Mais, fi quelque jour on contraignoit nion ame,
Ou de perdre un empire, ou de perdre une femme,
J'en frémis; mais enfin, tout prêt à l'immoler,
Ma main teinte du sang que je ferois couler,
Reprocheroit mon crime au ciel qui m'y condamne.
ΑΝΤΟΙNE.

Barbare & détestable époux de Mariamne,

Va, l'on ne fait que trop, qu'en proye à sa fureur,
Hérode, de l'amour ne connoît que l'horreur.
Mais rens grace à mes feux, si jamais ta furie
Avoit pú dans mon cœur soufler sa barbarie;
Ma main n'eût retiré le poignard de son sein,
Que pour l'aller plonger & perdre dans le tien.

HE'ROD E.

Frappe ; mais, de ce coup, immole ta maîtresse.
ΑΝΤOΙΝΕ.

Fui, Tu me fais horreur.

HERODE.

Adieu donc. Je vous laisse.

Mon amitié, mes foins, mes conseils superflus, Puisque vous l'ordonnez, ne vous gêneront plus. Croyez, qu'en vous quittant, Hérode est magnani

me.

Et que, si vous pouviez fuir & vivre sans crime,
Mon royaume, d'Octave arrêtant le courroux,
Est & fera toujours un asyle pour vous.

E

SCENE VIL

ANTOINE seul.

ST-ce un roi qui me brave, & qui m'offre un asyle?
Est-ce moi qui l'écoute, & demeure immobile?

Ma surprise, sans doute, est d'être ainsi traité
Par qui m'idolâtroit dans la prospérité.
Actium, lieu fatal, que j'ai trop fait connoître,
Eternel entretien de ceux qui sont à naître,
Sur vos bords malheureux, il est vrai, j'ai failli,
Cléopatre, & fur toi ma faute a réjailli,

Du tort, moins d'avoir fui, que de t'avoir suivie.
Ne puis-je me venger qu'en t'arrachant la vie?
Doit-on punir en moi le crime de tes yeux ?
Doit-on punir en toi le crime de mes feux ?
Allons. S'il faut du sang pour une erreur sembiable;
C'est à celui d'Octave à me rendre excusable.

Fin du quatrième acte.

ACTE V.

SCENE PREMIERE.

CLEOPATRE, IRAS dans l'enfon

CLEOPATRE.

cement.

NTOINE a disparu. Fatal éloignement
Qui me laisse ignorer le fort de mon amant!
Cher amant, qu'ai-je fait? Mon zéle témé.

raire

A peut-être tantôt offense ta misere.
Ah! Si j'ai dans ton cœur porté le désespoir,
Si j'ai paru te fuir, si j'ai craint de te voir
Si je n'ai pas livré mon ame à cette yvresse,
En des temps plus heureux permise à ma tendresse,
Pardonne, cher Antoine, à mon cœur allarmé;
Et sois für que jamais tu ne fus plus aimé.
Pour vivre avec les morts, Cléopatre te quitte.
Je te revois, je brûle, hélas! & je t'évite.
A quoi m'as-tu servie, inutile vertu ?
O ciel! Pour me punir, quel instant choisis-tu?
Je ne parus jamais à ses feux moins sensible;
Et jamais mon amour ne lui fut plus nuisible.

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