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O vous, tristes témoins de mon malheureux fort,
Monumens éternels dévoués à la mort!
Et vous, mânes sacrés des princes de ma race,
Qui rougissez peut-être en m'indiquant ma place!
Ombres, qui m'attendez sur les bords du cercueil
Si les feux d'un Romain ont blessé votre orgueil,
Si ma gloire, en l'aimant, peut s'être démentie,
Ma mort effacera les erreurs de ma vie.

Je vois Eros.

SCENE ΙΙ.

EROS, CLEOPATRE, IRAS.

CLEOPATRE.

E

H-bien, que viens-tu m'annoncer?

Le ciel a-t-il enfin daigné nous exaucer ?

Instruis-moi de mon fort; je brûle de l'entendre.

EROS.

Madame, épargnez-moi l'horreur de vous l'appren

dre.

CLEOPATRE.

Ne crains rien ; ton filence irrite mes douleurs,

Mon époux.....

:

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EROS.

Est vivant.

CLEOPATRE.

Tout est desespéré.

Vous éres donc vainqueurs?

EROS.

CLEOPATRE.

Cruel! Qu'ofes-tu dire?

EROS.

Que nous sommes perdus, & qu'Antoine respire.

CLEOPATRE.

Ah! C'en est fait. La mort a paffé dans mon cœur.

EROS.

Madame, nous touchions au comble du bonheur,
Antoine, aux plus mutins, d'un visage intrépide,
Offre à peine ce front où la fierté réside,
Que, la fédition faisant place au respect,
J'ai vû ses légions trembler à son aspect.
Par tout, l'onde & les vents se faisant violence,
Prêtoient à sa valeur le calme & le filence.
Cet amas de vaisseaux part, approche, se joint,
On combat; mais le fort ne fe décidant point,
Antoine, impatient de courir à la gloire,
Murmurant dans son cœur d'une lente victoire,
'Après avoir donné ses ordres absolus:
>>> C'en est fait, a-t-il dit, & ne différons plus.
» Suivez-moi, je vais vaincre e. Il parloit. Il s'avance,
Et fur les ennemis, furieux, il s'élance.
Madame, qui pourroit ici vous raconter
Des exploits dont mes yeux osent encor douter?
Il commande; il combat; il frappe; & fon épée,
D'un sang toujours nouveau, se retire trempée.
Vous l'euffiez vû, le fer & la flamme à la main,
Appeller Cléopatre à l'empire romain.
Son fils, à ses côtés, animé par la rage,
Sur des monceaux de morts se fraïoit un passage:
Mais ce jeune héros, atteint d'un coup mortel,
Tombe aux pieds de fon pere; &, d'un regard cruel,
En lui montrant Octave, il semble encore attendre
De voir couler le sang qu'il eût voulu répandre.

Antoine, à cet objet, maîtrisant ses douleurs; >> Mon fils n'est plus, ô ciel! Et nous versons des

pleurs,

>> Amis « ! s'écrioit-il : Et, d'un effort rapide,
Sa vengeance à l'instant fend la plaine liquide.
Tout fuit, & tout expire; & foldats, & vaisseaux,
Pêle-mêle entaffés, se perdent sous les eaux.
Octave cependant, fpectateur immobile,
Déguisoit ses frayeurs sous un maintien tranquille:
Mais bien-tôt, opposant l'adresse à la valeur,
Il semoit ces discours: >> Romains, quelle fureur!
• Ne m'aviez-vous donné qu'une promeffe vaine?
>> C'est Rome que je fers; vous servez une reine ».
Antoine, en ce moment, tout couvert de lauriers
Se voit abandonné de ses lâches guerriers.
Eh! La postérité le voudra-t-elle croire ?
Des Romains préférer l'esclavage à la gloire
Antoine frémissant, sans être épouvanté,
Et trouvant sur son bord trop peu de fûreté,
Avec trente des siens qu'assemble sa furie
Ne fonge plus alors qu'à bien vendre sa vie.
Jamais tant de fureur n'est entré dans ses yeux.
La foudre eft moins rapide entre les mains des Dieux-
Sur le vaisseau qu'il joint, il n'a fait que paroître;
Nous regardions à peine, il en étoit le maître :
Mais, fa force bien-tôt trahissant son grand cœur,
Il fucoombe, accablé sous sa propre valeur.
>> Ma patrie, à me nuire, est trop opiniâtre:
>> Je te suis, m'a-t-il dit. Va, rejoins Cléopatre.
>> Ils ne laisseront point leur ouvrage imparfait:
>>Sauvons-la de leurs mains, & je suis fatisfait.

CLEOPATRE.

Je t'entens. Ne crains rien. Je suis sa femme, & reine: On ne verra point Rome insulter à ma peine.

!

Malgré tous mes efforts, j'ai fait tous ses malheurst
Effayons si ma mort fera plus que mes pleurs.
Si j'ai, de mon destin, sû goûter les délices,
J'en fai, graces au ciel, fupporter les caprices.
Suivez-moi toutes deux. Voicil'affreux moment.
Je vous pardonne tout. Dieux! Sauvez mon amant.

SCENE III.

EROS feul.

Cœur! digne en effet d'un fort moins déplorable,
Trop digne du héros que ton amour accable,

En voyant tes vertus, tës larmes, tes appas,
Qui pourroit te hair & ne te plaindre pas?
On vient.

SCENE IV.

ANTOINE, EROS, GENERAUX,

A

ANTOINE désarmé.

Quelle horreur votre pitié me livre

Vous défarmez mon bras, & me forcez de vivre.
Dans l'état où je suis, que puis je même ofer?

Mais ma vie est à vous; je n'en puis difpofer.
(à Eros.)

Appellez Cléopatre. Oui, sans doute, j'espere!
Forçons, ou fatiguons la fortune contraire.

Mon rival est perdu, s'il s'oublie un inftant.
Souvent le plus heureux est le plus imprudent.
Observez ses desseins. Delà, sans plus attendre,
Au milieu de sa joie, il faudra le surprendre.
Allez, je vous rejoins. Tremble, Octave, & fré-

mis;

Tu n'as que des vainqueurs; Antoine a des amis.

SCENE V.

EROS, ANTOINE.

ΑΝΤΟΙNE.

U donc est Cléopatre ?

EROS.

Hélas!

ΑΝΤΟΙNE.

Je vois tes larmes.

Tu te tais! Tu pâlis! D'où naissent tes allarmes ?

EROS.

Seigneur, songez à vous; Octave n'est pas loin.
D'un triomphe honteux ne soyez pas témoin.

ANTOINE.

Je me rens. Il faut fuir. Je reconnois ton zéle.
Rejoignons Cléopatre, & fuyons avec elle.

EROS.

Antoine, où courez-vous?

ANTOINE.

Et pourquoi m'arrêter ?

Quels étranges malheurs puis-je encor redouter?

Aux mains des ennemis seroit-elle tombée?

EROS.

A cette ignominie elle s'est dérobée...

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