Imágenes de páginas
PDF
EPUB

moire, & elle ne manque pas d'intelligence. Quant à l'Actrice à laquelle nous avions confié le Rôle de Volgéfie, qui certainement eft trèsbeau & très-peu difficile, on nous a affuré qu'elle avoit des talens, & des talens avoués du Public. Nous n'avons à en dire que cela; nous n'avons pas été à portée d'en juger nous-même. Nous ne faifons point ufage de notre droit ; nous n'allons point au fpectacle.

Nous ne faurions finir cette Préface fans parler de M. d'Alainval; c'eft le feul des Acteurs anciens & nouveaux de fa Société, qui, avant l'inscription de cette Pièce fur les Registres de la Comédie, ait fenti ce qui peut y être de bien. II faifit non-feulement les effets dont tout Acteur a ordinairement l'intelligence, il apprécia encore le mérite des détails, & il apperçut l'ensemble des Scènes. I crut qu'il étoit de l'intérêt de fa Société de représenter cette Pièce; il la fit infcrire, & il nous épargna tous les foins dont il put fe charger lui-même. C'eft tout-à-la-fois un homme d'efprit, un aimable homme & un homme aimable.

A propos, ou mal-à-propos, & le mot de Madame, qu'on nous a tant reproché, il n'en eft pas queftion dans cette Préface; il eût fallu placer ce reproche à la fuite de ceux qu'on fait à la Piéce; il ne nous eft pas venu.

Des perfonnes, très-éclairées, ont prétendu que les deux Rivales qui font au fecond Acte, étant piquées l'une contre l'autre, & employant quelquefois l'ironie, le mot de Madame y avoit une nuance de comique..

Cette Critique est très-fine. Elle annonce bien du goût; mais l'application en eft manquée.

Barfénice est une Princeffe captive qui a trop à faire avec fa douleur, pour avoir le loifir de faire des figures de Rhétorique de ce genre: elle ne dit rien abfolument qui ait la plus légere teinte de l'ironie. Glaphire eft une Princeffe fière, fuperbe même, qui parle avec dignité, avec le ton de la fupériorité à fa captive, devenue involontairement fa rivale. Le mot de Madame ne fauroit rien avoir de comique dans fa bouche; il caractérise la fierté de la Princeffe qui le prononce : elle traite avec une honnêteté majestueufe, une Captive avec laquelle elle veut bien s'entretenir. D'ailleurs, cette femme, qui avoit été elevée à Rome, étoit bien apprife. Il eft vrai que'lle employe deux fois l'ironie; mais c'eft l'ironie de la haute région; encore eft elle dominée par tant de majefté, que cette Princeffe a l'air de n'en rien favoir. Que peut-il donc y avoir de comique dans ce mot? Le ton que, malgré eux, y mettoient des Acteurs déconcertés.

A l'égard des autres Madame de la Piece, y en a-t'il trop de quarante-fix dans le cours de quarante-quatre Scènes? Eh bien! on en a retranché la moitié.

On eût peut-être mieux aimé le titre de Princeffe. Un honnête Spectateur fatigué, indigné, peut-être, de ce qu'on avoit déja prononcé trois fois, Madame, où il n'étoit qu'une fois, fe donna la peine, pour prévenir la quatrieme, de crier à l'Acteur, qui avoit fans doute perdu la tête : dites Princeffe. Ce mot-là eût mieux valu pour le moment; mais eût été contre les bienféances de langage aucune de mes Reines, aucun de mes Rois ne peuvent être appellés ni Prince, ni

:

Princeffe. Glaphire fe confidére comme une grande Reine, tout au moins, car elle eft Citoyenne Romaine; Volgéfie eft Reine des Parthes; Barfénice fe regarde comme Reine d'Arménie; Tigrane & Thermodate font deux Rois. Tigrane ni Glaphire ne peuvent pas appeller Barfenice Reine, parce qu'ils ne reconnoiffent point fes droits au Trône d'Arménie. Ce feroit une contradiction entre les mots & les choses; mais ils ne doivent point non plus l'appeller, Princeffe, parce qu'ils ne peuvent ignorer qu'elle fe confidére comme une Reine; ce feroit une ironie infultante.

Barfénice fe garde bien d'appeller Glaphire, Princeffe, parce qu'elle lui riroit au nez: Thermodate n'ira pas appeller Tigrane Prince de fang froid. Tigrane feul, comme maître de l'Arménie, pourroit prendre cette liberté avec Thermodate; mais un Roi n'abuse point de fa victoire, il n'en fait point fentir l'effet en pure perte aux Princes qu'il a vaincus.

On fait à-peu près qu'en parlant d'une Reine & d'un Roi, on dit très-bien : c'est la plus aimable Princeffe du monde; c'est le meilleur Prince de la terre les vertus de cette Princeffe; la bienfaifance de ce Prince: on dit tous les jours ces chofes-la à la Cour & à la Ville; mais en leur adreffant la parole, ou de vive voix, ou par écrit, vous ne direz pas, Princeffe, les Grands & le Peuple aiment la fage vivacité, la fimplicité noble de votre Majefté. Prince, le régne de votre Majefté eft celui de la Juftice. Vous ne ferez point de ce françois-la. Vous mettrez Madame à là tête de la premiere phrafe; & Sire à la tête de la feconde, & tout le monde trouvera l'une & l'autre excellentes.

xxiv

ACTEURS.

TIGRANE, Prince du Sang des Rois de Médie, nommé Roi d'Arménie par les Romains. THERMODATE, Prince du fang d'Arface, nommé Roi d'Arménie par les Parthes. VOLGÉSIE, Reine des Parthes, & Mere de Barfénice.

BARSÉNICE, Fille de Volgéfie, accordée avec Thermodate.

GLAPHIRE, Princeffe du fang des Rois d'Arménie, accordée avec Tigrane.

ORBAN, Chef de l'Armée de Thermodate.
PHARBASE, Confident de Glaphire.

ISMANE, Confident de Tigrane.

CLÉONE, Confidente de Barfénice.

NARSÈS, Confident de Volgéfie.

ARBATE autre Confident de Volgésie.
GARDES.

SOLDATS.

La Scène eft à Artaxate, dans le Palais des Rois

d'Arménie.

LES

Beugnes inv

LES ARSACIDES,

TRAGÉDIE.

ACTE PREMIER. La Scène ne doit être éclairée que par les premieres lueurs du crépuscule du matin.

SCENE PREMIERE. BARSÉNICE, CLÉONE, NARSÈS. (Narsès fe profterne contre terre avec fa fuite dès qu'il apperçoit Barfenice.)

Q

BARSÉNICE.

UEL bruit fourd & confus a frappé mon oreille! Quelle timide voix m'appelle & me réveille? O fommeil ! fombre ami des mortels malheureux, Que n'as-tu pour jamais fermé mes triftes yeux! Qui veille en ce Palais ? On n'y voit point encore Les premieres lueurs que devance l'aurore!

A

« AnteriorContinuar »