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CHAPITRE X IV.

LAITA GE.

Comment le gouverner, faire le Beurre & les Fromages; moyen d'en garder pour la provifion: leurs proprietez.

LE

L n'y a rien qui veuille être tenu plus proprement que le lait, la moindre ordure en fait voir la mal propreté, c'est por quoy, le laitage généralement parlant, demande plus de foins qu'on ne s'imagine.

Choix d'un lieu pour mettre le Lait.

L faut d'abord luy deftiner un lieu qui foit frais en Eté, & temperé en Hyver, parce que le trop grand chaud & le froid qui glace, détourne l'effet qu'on en attend. Ce lieu s'appelle ordinairement une Laiterie : nous en avons déja parlé dans la defcription que nous avons faite d'une maifon de campagne; mais comme l'idée en eft trop éloignée, on a jugé à propos de dire icy ce qu'il y a de plus effentiel à obferver, & de parler des meubles qui y conviennent.

On prendra garde que la laiterie foit bien fermée, de maniere que les chats ni les rats n'y puiffent avoir aucun accez. Il ne faut que ces animaux pour tout détruire le laitage; & comme le lait eft d'une fubftance à fe corrompre aifément, & à donner une mauvaise odeur à l'endroit où il est renfermé, on y tient ordinairement une fenêtre ouverte pour y donner entrée à l'air, mais il eft bon auffi que cette ouverture foit clofe d'un chaffis de fil d'archal à petites mailles, afin que rien de ce qui peut être nuifible au lait, ne s'y introduife.

Cette Laiterie doit être blanchie, les tables bien lavées, & fouvent; & pour. bien faire, il faut foigner de garnir ce lieu d'un évier, afin qu'à mefure qu'on en nettoye les utenciles, l'eau s'écoule en dehors. Mais à propos de ces utenciles, & avant que de paffer outre, difons quels ils. font.

Utenciles de la Laiterie, avec leur description.

1

ON

aprés

N fe fert de terrines de plufieurs grandeurs pour mettre le lait, qu'il eft tiré, il y a auffi des pots qui font fort commodes pour cela, il s'en façonne de plufieurs fortes.

On a une barate qui eft un vaiffeau de bois, long, haut de deux pieds & demi, rond & plus étroit par le haut que par le bas, couvert d'un couvercle rond & percé au milieu pour y paffer le bâton avec lequel on bat le beurre, toutes ces pieces fe verront féparément gravées dans la figure qui fuit. Les écliffes

y font neceffaires, ce font en des pays de petites cages ou

des petits moules de bois tout ronds dans lefquels on fait des fromages, ils ont un fond d'ozier par où s'écoule le lait clair; en d'autres endroits ces écliffes font de terre & fe fabriquent chez les Potiers; ces vafes font garnis de plufieurs petits trous, ainsi qu'une paffoire, & s'appelle chaserons, ou formes en d'autres pays.

Les cuillieres avec lefqueues on dreffe le lait font de fer, d'airain ou de bois ; ces dernieres font toujours les plus propres, & les moins fujettes à donner mauvais gout au lait; il n'y a qu'à les laver & les effuyer au lieu que les autres veulent être écurées fouvent, crainte que la rcüille ou le vert de gris ne s'y attache.

>

Il faut une ou plufieurs grandes cages pour mettre égouter les fromages; ces cages font d'ozier, elles font rondes, hautes de deux pieds & quelquefois davantage, ayant un pied & demi de diametre en fargeur; elles font partagées en dedans en deux étages, & couvertes par deffus en maniere de dôme un peu plat; leur porte a environ dix pouces de haut & autant de large; on les pend ordinairement dans un endroit aëré, & hors l'infulte des chats; on les appelle chafieres en des pays. Il y a aufli la couloire qui fert à couler le lait,c'eft une maniere d'écuelle ronde,percée par le bas, & aux trous de laquelle on applique un linge mouille.

S'il n'y a point d'évier dans la laiterie, il faudra y mettre des baquets pour recevoir l'eau dont on aura lavé les pots au lait, & foigner de la jetter dehors incontinent aprés,

Il ne faut point être negligent à balayer fouvent cet endroit, & à en ôter les araignées, ces infectes font capables de tout gâter quand on les laiffe féjourner.

y

Que la Servante ou toute autre femme à la garde de laquelle la Laiterie eft commife, ne foit point pareffeufe à obferver tout ce qu'on vient de dire, qu'elle foit bien propre elle-même; car il ne faut qu'une faloppe pour rendre le laitage dégoûtant: mais afin qu'on connoiffe mieux les utenciles dont on vient de parler, donnons-en des figures.

Explication de la Planche I I.

1. Terrines de plufieurs grandeurs. 2. Pots de differentes manieres. 3. Barates.

4. Bâton de la Barate.

5. Couvercle de la Barate.

6. Baquet.

7. Couloire.

8. Ecliffes de diverfes matieres.

9. Ecliffes de bois.
10. Cuillieres.

11. Cage pour les fromages.

12. Evier.

Seau où il y a de l'eau pour laver les terrines & les pors de la

13.

Laiterie.

1 L y en a qui au lieu de barate de bois fe fervent d'un grand pot de terre; mais il eft dangereux à fe caffer quand on bat le beurre, à moins qu'on n'ufe de beaucoup de précaution; c'eft pourquoy on confeille de fe fervir de barate, principalement quand on a beaucoup de Vaches à lait; d'autres qui n'en ont qu'une ou deux fe paffent de ce meuble, ils

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prennent fimplement un grand pot de terre dans lequel ils battent le beurre avec leur main.

Subftance du Lait, & comment le gouverner.

No

Ous ne dirons rien icy de la maniere que fe forme le lait dans les mammelles des animaux, fi le chyle, comme le veulent quelque Médecins modernes, en ett la matiere prochaine ou non. Cette differtation ne contribue en rien à nôtre Ouvrage, nous nous contenterons de parler des parties dont il eft compofé.

Le lait eft compofé de trois fortes de fubftances, d'une butyreuse, d'une caféeufe, & d'une fereufe. Tant que le lait eft dans fon état naturel ces trois parties font tellement unies enfemble, qu'on ne les diftingue point; mais pour peu qu'il ait reçû d'alteration par le moyen du repos, & de fes corpufcules qui s'agitent, la creme, le caillé & le petit lait tout cela fe diftingue l'un d'avec l'autre.

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Quand on fe difpofe à traire une Vache, on prend un chauderon ou un pot de terre bien lavé; on met de l'eau dedans, & avant que de tirer le lait on lave les tetins de la Vache qui peuvent être tout vilains de fiente, pour s'étre couchée fur la litiere. Lorfque les tetins font bien nets on jette l'eau dans l'Etable, & l'on le met aprés en devoir de traire la Vache, il n'eft point de fille de Village qui ne s'en acquite tres-bien pour le peu d'habitude qu'elle y ait. Le lait tiré, & tandis qu'il eft encore tout chaud,on le coule à travers la couloire dans les terrines qui lui font destinées.

Il fuffit pour écrémer le lait, qu'il repose vingt-quatre heures pendant les faifons du Printemps & de l'Automne, en quelque endroit qu'il puiffe étre placé; car alors la temperature de l'air ne peut luy préjudicier en aucune maniere, il lui faut bien autant de temps en Eté quand il eft placé dans un endroit frais ; car s'il étoit trop expofe à la chaleur il se gâteroit & fe tourneroit incontinent. Le froidle rend fujer à un inconvenient auffi fâcheux, s'il n'en eft garanti.

Le lait donc étant repofé fuffifamment, on en leve bien proprement la crême qui s'eft formée dans chaque terrine ou pot; on la met toute dans un autre vaiffeau de même matiere, puis on ramaffe tout le lait crémé, & on le met tout dans un grand pot pour le préparer à en faire des fro

mages.

Le véritable ménage vent, en fait de lait, qu'on tire toûjours à la crême le plus qu'il eft poffible, foit pour en faire du beurre, ou pour la manger en nature, felon les lieux qu'on habite, & où l'un ou l'autre fe vend le mieux. Il eft vrai qu'il y a des laits bien plus fubftantiels les uns que les autres, & qui par confequent rendent plus de créme.

lait.

On aime pour cela qu'un lait foit bien blanc, qu'il ait l'odeur agréa- Marquesdu ble, la faveur douce, & qu'il foit d'une fubftance mediocrement épaiffe, bon & du de forte qu'en ayant une goûte inftillée fur l'ongle, elle y refte, de quel mauvais côté qu'on le panche, & ne diminue en rien de fa rondeur, au contraire on n'eftime point le lait dont la couleur eft comme azurée, & qui n'a point de corps, il faut se défaire des Vaches qui le donnent ainsi, à moins

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