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qu'on ne foit dans des endroits où le débit s'en fait en nature, & où on ne tire qu'à l'abondance fans fe mettre en peine du relief plus ou moins bon.

Si l'on n'a pas beaucoup de Vaches, & qu'une traite ne fuffife pas étant mife en un pot pour en tirer beaucoup de créme, on en mettra trois ou quatre enfemble, principalement en Hyver où les fourages ne permettent pas que les Vaches abondent beaucoup en lait ; cette liqueur ne rend pas auffi tant de crême en cette faifon que dans les autres, à caufe qu'il s'y diffipe inutilement beaucoup de corpufcules butyreufes faute d'un mouvement affez grand pour les féparer des autres parties qui compofent le lait, & qui les confondent parmi elles.

Pour venir au lait deftine pour faire les fromages, & qui cft proprement ce qu'on appelle la matiere caséeufe, aprés qu'elle est toute ramaflée, comme on a dit, on forge à la faire cailler; nous traiterons de cela dans la fuite, aprés que nous aurons parlé de la maniere de faire du beurre.

LE

Ce que c'eft que le Beurre, & la mariere de le faire.

E beurre n'eft autre chofe que la crême du lait, ou la partie la plus graffe & la plus huileufe que l'on a separée du ferum, à force de battre le lait. Plus le lait contient de parties huileufes & graffes, plus il fournit de beurre. Ce qu'on appelle ferum, eft le lait qui relte aprés que le beurre eft battu, & qu'en des endroits on appelle Battis.

Lorfqu'on veut faire le beurre, on met toute la crême qu'on a ramaffée dans la barate & avec le bâton fait exprés, on bat cette matiere jufqu'à ce que toutes les parties butyreufes fe foient accrochées l'une l'autre dans leur mouvement, & ayent formé enfemble une maffe épaifle qui eft le beurre. Il y a des beurres qui fe font bien plûtôt les uns que les autres, & qui proviennent du plus ou du moins des parties huileufes, dont la crême est compofée, & l'on en voit même quelquefois qui mettent à bout la patience des femmes qui le battent (il eft vrai qu'il ne faut fouvent qu'une vetille pour impatienter ce fexe, ) mais enfin l'homme le plus patient qu'il y ait murmureroit contre le beurre quelquefois auffi; cette lenteur provient du trop grand froid, ou de trop de chaleur; dans ce premier cas on s'approche du feu avec la barate, de maniere qu'elle puiffe être un peu échauffée, & donner par là du mouvement aux parties qui doivent concourir à former le beurre, ne pouvant autrement produire l'effet qu'on en attend, qu'aprés bien du temps qu'on a mis à battre la créme.

on

Si c'eft la trop grande chaleur en Eté qui caufe ce dérangement verfe de l'eau fraiche dans une chaudiere ou autre vaiffeau, on y met la barate,& on bat le beurre ; les parties butyreufes pour lors qui ne trouvent aucun obftacle dans leur mouvement, s'affemblent toutes, & font un corps tel qu'on le voit quand le beurre eft fait.

Quelquefois auffi l'efpace ennuyeux du temps que met le beurre à fe former provient du peu de parties butyreufes qu'il y a dans la crême, & qui dans leur agitation s'émouffent & fe confondent la plupart dans le ferum, de forte que ne pouvant s'accrocher l'une l'autre que tres-difficilement,

il faut de neceffité que le beurre foit long-temps à fe faire ce défaut de fubftance vient du lait qui n'eft point bon, & de la fource duquel on doit fe défaire.

Rien à la verité n'impatiente plus que du beurre qui eft fi long-temps à fe faire, & il ne faut pas s'étonner fi pour lors bien des femmes ont recours à des talifmans, comme de jetter dans la barate une bague d'or, ou autre picce de ce métail, fi elles en ont, prétendant que cet or a la Abus. vertu de hâter la façon du beurre; mais par malheur il arrive quelquefois que ce beurre ne s'en forme pas plutôt, & que le talifman devient fans effet; ce qui fait qu'on ne peut pas y ajouter beaucoup de foy, & qu'on croit que, fi d'autrefois ce beurre eft formé fitôt que la bague eft entrée dans la barate, les parties butyreufes étoient pour lors toutes difpofées à fe ramaffer: c'eft pourquoy le plus court chemin pour fe garantir de murmurer mal à propos contre le beurre, qui eft long-temps à fe faire, c'eft de fe défaire, comme on a déja dit, des Vaches qui donnent du lait d'un fi mauvais acabit.

Quand le beurre eft fait, on le tire de la barate, on le met dans une terrine remplie d'eau claire, on le lave bien dedans; étant lavé, on le forme en pain, en livre ou en demi livre, felon l'ufage qu'on a envie d'en

faire.

pes

Le meilleur beurre eft celuy qui eft jaune naturellement, le blanc Choix du à beaucoup prés n'a pas un gout fi agreable, il manque de ces princi- Beurre. huileux & balfamiques qui en font la bonté. Il y a des beurres d'un jaune falfifié, & qui fe fait avec du fuc d'une efpece de plante appellée Barbotte, ce jaune eft bien plus foncé que celui qui eft naturel au beurre, & pour peu qu'on fe veuille appliquer à démêler cette fraude, on en vient ailement à bout: il faut auffi le porter au nez, & en goûter pour éprouver s'il ne fent point le rance.

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Les beurres des mois de May & de Septembre font les plus eftimez, parce que les Vaches brouttent dans ces temps quantité de bonnes herbes qui donnent à leur lait beaucoup d'agrément : ce font de ces beurres. auffi qu'on prend pour garder, foit qu'on veuille en faler ou en fondre. On eltime le beurre falé quand il est bien façonné, & pour ceia ayez de bon beurre de May & de Septembre ce que vous fouhaitez en faler prenez-en deux livres à la fois, étendez-le avec un rouleau fur une table qui foit bien nette, comme fi vous vouliez faire une abaiffe de pâte épaiffe d'un doigt, répandez du fel pardeffus en raisonnable quantité, pliez vôtre beurre en trois ou quatre, paîtrifz-le bien, étendez-le encore comme auparavant, poudrez-le de fel de même que vous avez fait, repliez-le &le paîtriffez encore comme la premiere fois, & vous continuez ainfi jufqu'à ce qu'ayant goûté vôtre beurre, vous fentez qu'il est affez falé. Enfuite il faut avoir des pots de terre verniffez en dedans, les bien laver avec de l'eau chaude, s'il y a eu dedans quelque chofe auparavant, puis y mettre vôtre beurre falé, l'y bien preffer avec la main, en forte qu'il 'y ait point de vuide, & continuer cette manoeuvre tant que vous aurez du beurre à faler, & lorfque les pots font pleins, on prend du fel, on le fait fondre dans de l'eau, & on répand cette faumûre fur la fuperficic

Comment

faler le beurre,

Beurre fondu.

Ce que c'eft que

prelure.

Comment

fure.

du beurre, qu'on prend foin de bien boucher. Le fel empêche que le beurre ne fermente, & que les principes ne s'exaltent & ne fe défuniffent trop, ce qui le rend âcre & en même temps huileux & défagreable; ce même fel agit en cette occasion, en bouchant les pores du beurre, de maniere que l'air n'y peut plus entrer avec affez de liberté pour communiquer aux parties infenfibles de la matiere, un mouvement interieur qui détruit en peu de temps le premier arrangement de ces parties: voici comment on fond. le beurre pour la provifion & pour vendre.

On prend du beurre choifi, comme on a dit à l'égard des faifons, on en met ce qu'on fouhaite dans une chaudiere ou un chauderon bien net, qu'on met à la cremailliere, ou fur un trépied, on fait un feu clair def fous, qu'on entretient toujours de même jufqu'à ce que la cuiffon en foit parfaite.

Ce beurre qui pour lors boût raifonnablement, forme une écume fur la fuperficie, qu'on a foin d'ôter avec une écumoire, & qu'on leve toujours jufqu'à ce qu'on n'en voye plus, & l'on remarque qu'il eft cuit, lorfque étant tout purifié de fon écume,il paroît clair & tranfparent comme del'huile.

Aprés que le beurre eft fondu, on le verfe dans des pots de terre, preparez comme on a dit, on le laiffe réfroidir, enfuite on le bouche foigneufement avec du papier & on le ferre avec le beurre falé dans un endroit où les chats ni les rats n'ayent point d'accez; ce beurre fe garde bien longtemps fans étre falé, parce que le feu, qui en a rectifié les principes, en ôte tout ce qui peut en lui caufer de l'alteration.

Q

Comment faire les Fromages.

Uant à la matiere deftinée pour les fromages, & qu'il faut faire cailler pour cela, voici comment on s'y prend; on met donc ce lait dans un grand pot, puis le remuant avec une grande cuilliere, on y verfe de la prefure.

La Prefure dont on fe fert pour faire cailler le lait, n'eft autre chofe qu'une matiere caféeufe qu'on trouve au fond de l'eftomac du jeune Veau. Cette matiere cft un lait caillé qui contient beaucoup de fel volatile, acide, & qui feparant les parties fereufes d'avec les cafécufes, met celles-cy dans un mouvement rapide; & qui les oblige par là de s'accrocher l'une l'autre, & de faire corps comme on voit le caillé.

Pour donc avoir de la prefure toûjours prête, on prend cette matiere faire la pre- dont ou vient de parler, & que vulgairement on appelle Caillettes de Veau, on les lave bien, puis on les met dans un petit pot, on les affaifonne de fel, le fuc qui en fort eft cette matiere qu'on cherche pour faire coaguColum. 1. ler le lait. Pour un pot raifonnable plein de lait, il faut, felon quelquesuns, la pefanteur d'une demi dragme de prefure.

7.c.8.

Au lieu de Caillettes de Veau, il y en a qui prennent celles d'Agneau, de Chevreau ou de Liévre, & qui font la prefure, comme on vient de le dire; d'autres fe fervent pour faire cailler leur lait, de fleurs de chardon fauvage, ou de graine de chardon benit.

On peut faire le fromage ou avec lait qu'on a écrémé, ou avec celuy

qui eft encore chargé de fa crême. Dans le dernier cas, le fromage eft beaucoup plus agréable que dans le premier, à caufe de cette partie crêmeufe qui eft la portion du lait la plus exaltée & la plus remplie de principes huileux & de fels volatiles. If eft vrai qu'elle n'eft pas fi profitable pour le ménage, mais on donne cet avis, au cas qu'on veuille faire quelque fromage d'ami. Il eft conftant auffi, que fi le lait eft trop gras, le fromage ne fe prend que tres-difficilement, c'eft pourquoy il eft bon d'obferver un milieu en cela, & de ne laiffer qu'autant de crême qu'on le juge propos, ce que la pratique apprend aifément.

à

Le lait étant caillé, on le met dans les écliffes, formes ou chaferons comme on voudra dire, pour fe former, & en laiffer égoûter le petit lait, ou Mégue, ainfi qu'on l'appelle en quelques endroits, puis quand les fromages ont pris corps, on les ôte des chaferons, & on les met à l'air dans la chafiere, pour achever de les laiffer s'affermir. Si le lait ne pouvoit se cailler à caufe du froid, il faudroit mettre le pot où il feroit dans une chau. diere d'eau tiede.

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Que celle qui a foin de faire les fromages foit propre dans tout ce qu'elle fait, qu'elle ait toûjours les mains nettes & les bras retrouffez, qu'elle ne foit point dégoûtante dans fes habits, & n'ait point fes mois; car on prétend qu'il en fort certains corpufcules qui infectent le lait, le font aigrir, & gâter en peu de temps. Les Auvergnats qui ont leurs fromages Beaucoup plus en recommandation, choififfent à caufe de cela de jeunes enfans âgez de douze ans, propres, nets & des plus ragoûtans, car ils se perfuadent qu'une telle infection empêche le lait de coaguler.

De la maniere de faler les Fromages & de les faire fecher.

Omme il y a des fromages qu'on fait pour être mangez tous mous

Comp

& d'autres qu'on deftine pour la garde, ceux-cy feront falez incontinent aprés qu'ils feront hors du chaferon, ou écliffe; & pour se comporter en cela comme il faut, on égruge du fel bien menu qu'on jette par deffus à difcretion; on les laiffe ainfi pendant un jour, puis le lendemain on les retourne, & on les fale de même. Toute cette petite manœuvre fe fait fur des ais où on a rangé les fromages pour les faire fecher; il ne faut point que ces ais foient expofez au foleil, mais qu'ils foient feulement à l'air & au frais, afin que ces fromages en fechent mieux, & petit à petit, aprés cela on les porte dans une chambre pour les conferver. On met du fel fur les fromages pour deux raifons. La premiere pour lui donner un meilleur goût ; & la feconde, pour le conferver plus longtemps. Le fel agit en ce dernier cas par fes parties longues & roides qui bouchent les pères du fromage..

Il y en a, qui, fitôt que les fromages font affermis dans la forme, les portent dans la chafiere fur la paille fraîche, pour y laiffer diffiper le refte de l'humidité qui leur nuit; au lieu de paille on fe fert de jonc, fi l'on veut, ou pour le mieux, comme on fait en certains pays, où le commerce de fromages eft frequent, on prend de la toile claire qu'on étend bien roide fur des chaffis de bois avec des clouds, puis on y range les froma

Bb

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yer.

ges. Cleft pourquoy les chafieres d'ozier ne font point fi bonnes que cerrains petits garde-inangers quarrez qu'on fait exprés & qui font tous tendus de toiles, & pour ne pas perdre le petit lait qui tombe des fromages, on met deffous un vaiffeau de bois ou de terre pour le recevoir. Le petit lait eft bon pour les cochons & pour la volaille, ainfi ce feroit un mauvais ménage que de le laiffer perdre.

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Maniere de Pendant que les fromages fecheront il faut avoir foin pendant fept à les conter huit mois de nettoyer fouvent les planches fur lefquelles on les a mis, & de les racler avec un couteau, parce que les vers & autres vermines feroient fujets à s'y engendrer. Il y en a pour se garantir, des vers qui les frottent avec de l'huile de lin, ou du marc de fa femence ; d'autres les mêlent parmi de la graine de millet ou de lin, cela les tient frais, & les empêchent de durcir; aprés ces foins il ne reste plus qu'à les vendre, ou à en nourrir fon domeftique felon le nombre plus ou moins grand qu'on

Diverses

fortes de

en a.

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Gardez-vous bien de faire comme il y en a, qui pour conferver leurs fromages les mettent dans une chambre bien fermée, & où ils allument du feu. Se preffer ainfi de les fecher, c'eft les obliger à s'aigrir; les parties volatiles dufeu qui précipitent trop celles des fromages, les dérangent & leur font prendre un acide fort défagreable.

Il y a des pays où l'on fait des fromages mêlez de lait de Vache & de Brebis; on tient qu'ils font plus gras que les autres & de meilleur goût: tramages. ileft vray que ces fromages teltent blanchâtres, mais on fait leur donner couleur par le moyen d'un peu de faffran qu'on y mele en les paîtriffant avant que de les metrre dans les écliffes.

Méthode

On fait encore en France des fromages de láit de Chèvres, qui font tres bons, quand ils font mêlez d'un peu de lait de Vache & bien affinez, on les appelle des Chevrets.

Nous avons encore plufieurs autres fromages merveilleux, & qui nous viennent de differentes Provinces, la Brie nous en fournit d'excellens, & en abondance; il nous en 'vient de Provence, de Languedoc & de Bretagne, qui font fort eftimez. Si nous voulons chercher des fromages hors du Royaume; nous avons les fromages de Hollande, où il s'en fait un grand commerce, à caufe de l'abondance de leurs pâturages: on nous apporte encore des Parmefans, des Roquefor, du Gruïere, & plufieurs autres qui fe fervent fur les meilleures tables.

Les fromages fecs ne font bons que lors qu'ils font bien affinez, & pour pour affiner cela on les met à la cave ou dans un lieu qui foit frais, c'eft ordinaireles froma- ment dans des armoires enfoncées dans le mur, & fur des planches bien

ges.

nettoyées. Avant que d'y ranger les fromages, les uns les frottent d'huile d'olive, d'autres d'huile de lin, & d'autrès enfin de vinaigre mélé avec l'une ou l'autre de ces deux huiles. Il y en a qui les frotent de lie de vin & qui les faiffent ainfi s'affiner dans du fon. Toutes ces manieres font très bonnes; mais il faut avec cela prendre garde quand cet affinage est à fon point de perfection; car fi la matiere cafécufe fermente trop dans ces liqueurs, elle fe corrompt & contracte un goût defagreable.

Un fromage affiné, pour être eftimé, doit être gras & pefant, il doit

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