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peaux, & de jouer fur leurs Chalumeaux des chanfons où quelquefois l'amour avoit le plus de part; cet heureux fiecle eft paffé, & comme nous fommes obligez de prendre un Berger, pour ainfi dire, fur des apparences, qui bien fouvent nous trompent, choififfons-le le mieux qu'il nous fera poffible.

Outre les qualitez dont on vient de parler, un Berger ne doit point être pare fleux à fe lever matin, pour mener paître fon Troupeau, il faut qu'il ait foin de le conduire dans les endroits qu'il fçait lui mieux convenir. Il aura un bon chien, pour bien ramener les Moutons qui s'écartent dans les bleds ou dans quelqu'autre heritage défendu. Qu'il entende ce que c'eft que de gouverner ce bétail, qu'il ait foin d'avoir toujours de bons Beliers pour couvrir fes Brebis, & que lorfque quelqu'une veut mettre bas fon Agneau, qu'il fache luy aider dans fon travail, qu'il prenne garde qu'elle ne tuë point fon Agneau, ou qu'elle ne le bleffe aprés l'avoir mis au jour, & qu'il foit adroit à l'apporter au logis lorfqu'il revient des champs.

Sa vigilance doit s'étendre fur tout ce qui regarde fon Troupeau, comme par exemple, de ne lui point laiffer manquer de litiere, ni de fourage en Hyver, d'observer s'il n'y a point quelque Brebis qui cloche ou qui foit galleufe, afin d'y remedier & de l'ôter du Troupeau, crainte qu'elle n'infecte les autres.

Quand le Berger mene fes Brebis aux champs, il doit toûjours être à la téte, pour les empêcher de faire aucun dégât. Il faut que ce Berger, pour bien faire, foit habillé de toile, parce que cette couleur plaît aux Brebis, qui s'épouvantent prefque toujours à l'afpect de toute autre couleur ; & pour cette raifon, fes chiens, s'il eft poffible, feront blancs, munis d'un bon colier de fer à pointe, afin de les rendre plus hardis à combattre contre le Loup, qui les prend d'abord à cette partie, pour les étrangler. Ces chiens feront inftruits à ramener les Brebis égarées, & obéïffans d'abord à la voix de leur Maître qui les anime; ce font ordinairement de gros mâtins qu'on choifit pour cela, il faut les bien nourrir. Il y a des pays où l'on prend des dogues pour garder les Troupeaux à laine, tandis que ees chiens veillent aux Etables & aux champs, on ne craint point les vols nocturnes, ni les irruptions des Loups.

Quand au Troupeau qu'il faut avoir prefentement, on doit en fçavoir cholir les Brebis & les Moutons : voicy ce qu'on peut dire là-deflus de plus affeuré.

Du choix des Brebis.

Pour
Our faire un bon Troupeau de Brebis, il ne faut pas les acheter dé-
pouillées de leur toifon, qui pour le mieux doit être blanche & non
pas grife ni noire, bien fournie par tout, & fur tout au tour de la tête,
du cou & du ventre. Cependant, fi dans un Troupeau il s'y en trouve quel-
ques-unes de cette forte, il ne faut pas que cela faffe rompre un marché.
On n'achet era point de vielles Brebis, ni de celles qui font trop jeunes.
Rejettez omme Brebis fteriles celles dont les dents marqueront plus de
trois ans, & qu'on reconnoît lorfqu'elles font ufées. Ces Brebis doivent

Varro.de re

ruft. l. 11.

Marque d'un bon Belier.

être de bonne race, avoir un bon corps, les jambes basjointées, le ven tre large & chargé de laine, la queue grande, les tetines longues, l'œi éveillé, & la démarche fort alerte. Ces marques exterieures font juger de la bonne conftitution du dedans. Les Moutons doivent être choifis de même. Tous les Auteurs fur l'Agriculture font d'accord fur ce choix.

Pour parler d'abord des égards qu'on doit avoir pour la multiplication de leur efpece, il leur faut donner un Belier d'un grand corfage, haut en jambes, bien chargé de laine, même aux endroits où communément il en a le moins, qui eft le ventre & la tête jufqu'au tour des yeux. Il aura de gros tefticules, la queue longue & fort velue, la tête groffe, le nez camus, le front large, les yeux gros & noirs; Varron veut qu'ils foient ruft. l. 11. blancs, les oreilles grandes, les cornes entortillées & pendantes du côté du nez, s'ils n'en ont point, on ne les rejettera pas tout-à-fait, parce que l'experience nous fait voir qu'ils font affez bien leur devoir, mais on prétend que les Beliers à cornes ont plus d'ardeur.

Var.de re

A quel âge il peut fail

lir.

Belle Forêt Jour 12.

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Les Beliers ne font point propres à faillir les Brebis qu'ils n'ayent trois ans, & peuvent faire ainfi fort bien leur devoir jufqu'à huit. On dit qu'ils vivent quinze ans. Il ne faut qu'un Belier pour fuffire à cinquante Brebis. Il y en a qui difent que c'eft affez de vingt cinq ou trente, & d'autres veulent qu'un Belier peut faillir foixante Brebis. Le premier fentiment eft celuy qu'on fuit le plus. Il faut bien nourrir pour lors les Beliers, il y en a qui leur donnent de l'orge, & qui difent que cela les rend plus forts dans ce travail.

'Aage pro- Le veritable temps auquel les Brebis doivent commencer à s'accoupler, pre pour eft lors qu'ils ont deux ans. Avant ce temps-là tout ce qui eft propre à accoupler les Brebis. la formation du foetus eft encore informe, d où vient qu'elles n'appetent point le mâle, & cette fertilité, quand elles font de bonne race, continuë annuellement jufqu'à fept ans. La premiere portée des Brebis ne donne pas de beaux Agneaux comme les autres, parce que la nature de l'animal qui y fouffre beaucoup pour n'y pas être accoûtumée, ne fournir pas au foetus tout l'aliment qui luy eft neceffaire pour croître parfaitement; c'eft pourquoy on vend ordinairement ces premiers Agneaux au lieu de les garder; il vaut mieux en avoir peu qui foient beaux, que d'en nourrir beaucoup qui ayent un corps de petite apparence.

Remarque.

Temps de faite faillir les Brebis.

Qu'on fe doune bien de garde pendant toute l'année de laiffer habiter les Beliers avec les Brebis; il faut, ou les tenir enfermez féparement, & les mener de même aux champs, ou attendre de s'en fournir quand on jugera le temps propre de les donner aux Brebis; & la raifon qui oblige den agir ainfi, c'eft afin qu'étant für de la faifon que ce bétail a failli, les Agneaux ne viennent pas plûtôt qu'on ne voudroit, à cause du froid, qui en fait beaucoup perir, ou qui empêche qu'ils ne fe fortifient.

C'eft

pourquoy, comme les Brebis portent cinq mois, il eft bon de ne les faire accoupler qu'au mois d'Août, afin que leurs petits Agneaux ne naiffent qu'en Janvier & en Février, parce que le Belier qui peut rendre le Troupeau fécond, fitôt qu'il y eft, & ayant beaucoup d'affaire à faillir les Brebis l'une aprés l'autre, cela fait que ces femelles vont bien jufqu'à ce temps à donner leurs petits. S'il vient quelque Agneau auparavant, or ne doit pas s'en mettre en peine.

оп

D'autres font d'avis de ne faire faillir les Brebis qu'au mois de Novembre, afin, difent-ils, que la Brebis qui porte cinq mois, donne fon Agneau au Printemps, auquel temps elle trouve l'herbe qui commence à naître, & dont elle fe paît en abondance, ce qui fait qu'elle retourne à la maifon les mammelles pleines de lait, & plus capables par confequent de nourrir fon Agneau, que lorfqu'elle ne trouve aux champs que trespeu de chose pour fe nourrir.

Pour concilier ces differens fentimens, qui fe pratiquent tous les jours à la campagne, & qui ne doivent point arrêter fcrupuleusement ceux qui y demeurent, & qui nourriffent du bétail à laine, il faut voir d'abord en quel pays on eft, & s'il eft plus à propos de vendre une partie des Agneaux, que de les élever tous, ou fi en les nourriffant on gagne davantage. Dans le premier cas, comme on l'experimente aux environs de Paris & d'autres grandes Villes, où le débit des Agneaux rend beaucoup de profit, on fera faillir les Brebis dés le mois d'Août, & même dés la miJuillet, afin d'avoir des Agneaux de bonne heure, & dans le temps où ils font plus rares, où l'on en fait un bon argent ; mais au contraire, fi les lieux que vous habitez ne permettent pas le commerce d'Agneaux, ou qu'ils ne s'y vendent qu'à vil prix, il eft bon alors de les conferver tous pour augmenter le Troupeau; & afin que ces Agneaux ne courent pas tant de rifque de leur vie, on n'accouplera leur mere qu'au commencement de Novembre pour les raifons qu'on en a dites. Quoiqu'à parler plus fainement fur cette matiere, il vaut mieux, autant qu'on le peut, nourrir les Agneaux pour multiplier ce Troupeau que de les vendre; il n'eft rien tel que de faire des nourritures à la campagne, c'eft le plus grand profit qu'on en puiffe retirer.

Du foin qu'on doit prendre quand une Brebis agnele, & de ce qu'il faut faire quand elle a agnelė.

S1 par hazard

par hazard un Berger ou une Bergere fe trouve present, lorsque quelque Brebis voudra agneler, & qu'il voye qu'elle travaille beaucoup, il ne dédaignera point de luy rendre, s'il le juge à propos, l'office de fage femme, cette Brebis en fera plutôt délivrée, & l'Agneau moins en danger de mourir.

L'Agneau n'est pas plûtôt né, qu'il faut le lever & le tenir droit fur fes jambes, puis l'approcher des tetins de fa mere pour l'accoutumer à la teter. Il eft bon auparavant de la traire un peu, afin de tirer de la mammelle le premier lait qu'on dit être mal fain pour l'Agneau, pour avoir été troublé pendant le travail de la Brebis.

Comment gouverner le jeunes Agneaux.

O N enferme les Agneaux nouvellement nez avec leurs meres pendant quelques jours dans une petite Etable feparée, ou dans la même Etable où l'on aura fait une cloifon, afin que les Brebis les échauffent, & leur apprennent à les connoître, & pendant ce temps il faut être foigneux

,

de bien nourrir les meres, de leur donner de bon foin & du fon avec quelque peu de fel mêlé parmi. On tiendra l'Etable bien fermée pour garantir les jeunes Agneaux du froid qui les incommode; il ne faut pas auffi y laiffer les Brebis manquer d'eau pour boire, & il eft à propos de la leur donner tiede pendant le temps qu'on les tient enfermées : cette M.V.1.11. précaution les exempte de tranchées. S'il y a des Agneaux qui n'approde re rust. chent point de leur mere pour teter, il faut les y porter, leur frotter les lévres avec du beurre & du fain doux, puis leur y mettre du lait.

Il ne faut point fonger à mener les Agneaux aux champs que tous les frimats ne foient paffez: une nége fondue, une gelée du Printemps, un vend froid, tout cela détruiroit le Troupeau; on doit au contraire tenir bien chaudement dans une Etable feparée & bien couchée ces animaux encore fort tendres, & ne les en fortir foir & matin au retour des champs, que pour leur faire teter leurs meres..

Quand ces Agneaux fe font un peu fortifiez, on leur donne dans leur Etable, outre le lait de leurs meres, un peu de fon dans de petits auges, ou du foin le plus fin qu'on puiffe trouver. Cette nourriture les amuse, pendant que les Brebis font aux pâturages, & pour faire que les Agneaux. ne gâtent point leur foin, & n'en faffent point litiere, on dreffe dans leur Etable de petits rateliers à travers defquels ils le tirent.

Quelques-uns donnent de l'avoine à ces Agneaux, 'du fain-foin, des feuilles de Saules ou de Peuplier, & d'autres de la farine d'orge, tous ces alimens leur font bons, & ils n'en valent que mieux lorfqu'ils font bien nourris..

Quand mener aux champs les Agneaux & les Brebis

C'Eft ordinairement au mois de Mars, ou plus tard même, fi les froi

'dures fe font encore fentir, qu'on commence à mener les Agneaux aux champs avec leurs meres, fuppofé que ces petits animaux foient affez forts pour cela: on foignera de bien nourrir à l'Etable les Brebis qui auront des Agneaux, & de leur donner de bon foin, afin qu'elles abondent en lait. Il ne faut pas les mener paître loin du logis, afin que n'ayant pas beaucoup de chemin à faire, elles ne foient pas fatiguées au retour des champs, & que par ce moyen les Agneaux ne trouvent point un lait échauffé, ce qui leur caufe quelquefois la galle; outre que la proximité de ces pâturages eft fort commode, principalement dans le temps que les Agneaux commencent d'aller paître avec leur meres, il y en a qui donnent de la vefce moulue, ou de l'herbe aux Agneaux avant que d'aller aux champs, & quand ils en font de retour, ils n'en valent que mieux.

Il y en a qui, par une maxime contraire à la précedente, tiennent, comme on a dit, leurs Agneaux enfermez dans une Etable feparée, les menent auffi aux champs féparément, crainte qu'en tetant leurs meres, ils n'épuifent trop le lait dont on veut faire un double profit: voicy comment. Ces perfonnes trayent dés le matin leurs Brebis; puis lâchent leurs Agneaux pour aller fuccer ce qui leur peut refter de lait, ils en font de même le foir au retour des champs, & pour éviter la confusion, on

ramene:

ramene les Agneaux plutôt que les Brebis, on les enferme dans leur Erable, puis on les lâche quand on a trait leurs meres, & par ce moyen les Agneaux remplis déja d'un bon aliment, viennent encore fe nourrir d'un relte de lait qui leur fuffit alors, pour les maintenir fains & en bonne chair, & le maître auquel appartient le Troupeau, profite du lait qu'on en tire pour faire des fromages. C'eft ainfi qu'il faut en agir, fi l'on eft bon ménager. Telle eft la conduite qu'on doit garder à l'égard de ce bétail jufqu'à ce que les Agneaux foient sevrez, & qu'ils ne fe foucient plus de teter leurs meres, auquel temps on mene paître, & les Brebis & les Agneaux. tout pêle méle.

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Le temps de mener paître ce Troupeau en Automne en Hyver & dans le Printemps, eft lorfque le foleil a un peu diffipé la gelée qui eft fur la terre: car l'herbe gelée ne vaut rien au Brebis, elle leur caufe des flux de ventre dangereux & des catharres qui les fuffoquent ; & pour déterminer ce temps, c'eft ordinairement fur les neuf à dix heures qu'on met les Brebis dehors: il faut les ramener à l'Etable avant la nuit.

Dans les pays chauds on commence dés huit heures du matin à mener les Brebis aux champs, dans les faifons dont on vient de parler; mais c'est autre chose pendant l'Eté; un Berger alors doit mener paître fes Brebis dés le matin, & incontinent aprés que les herbes ne font plus mouillées dela rofée, & que le foleil l'a abatuë, parce que la rofée eft préjudiciable aux Brebis, principalement pour l'Hyver qui fuit où elles meurent toutes quand on n'a pas fçu les garantir de cette humidité: on ramene pour lors les Brebis au bercail fur les dix heures, qu'elles peuvent avoir foif, c'eft pourquoy on les conduit le long de quelque ruiffeau ou d'autres eaux, qui font le plus à portée pour les abreuver; ces troupeaux font enfermez. jufqu'à trois heures qu'on les reconduit aux champs où ils reftent jufqu'à la nuit, qu'il faut encore les mener boire.

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Ce que c'eft que Parquer,& quand on Parque..

Ly a des pays où les Paftres paffent les jours & les nuits en Eté, & même des mois entiers à mener paître leurs troupeaux fans les enfermer à l'Etable; alors ils emportent tout avec eux, leur cabanes, leurs pro-vifions pour vivre, leurs chiens & leurs armes, & parquent au milieu des champs. D'autres fe contentent de parquer la nuit feulement, c'est à dire, d'aller dans un champ où il y a du pâturage, d'y faire une enceinte avec des clayes ou des filets fuffifamment grands, pour contenir le Troupeau qu'ils y veulent mettre, & de la bien tenir fermée; le Paftre y roule fa cabane & la plaçant dans un coin du parc, il y.couche accompagné de fes chiens, qui veillent à la garde de fon Troupeau, & muni de quelques armes à feu pour en éloigner les Loups, qui rodent toûjours aux environs pour tâcher d'attraper quelque proye. La figure qui fuit fera connoître plus aifement ce que c'est que ce Parc.

Dd.

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