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CHAPITRE XVII.

Des Cochons & des Truyes, de la conduite qu'on doit garder à leur égard, & à quoy propres, tant en aliment qu'en Medecine.

E Cochon eft l'animal le plus immonde qu'il y ait, & on peut dire en même temps un de ceux qui enrichit le plus une Baffe-cour; une Vache, une Brebis fe contente, pendant un an, de donner leur fruit une feule fois, & un ou deux petits à chaque portée ; au lieu qu'une Truye produit deux fois l'année, & donne à chaque ventrée depuis dix jufqu'à quinze petits Cochons. Malgré cette fecondité, neanmoins on ne voit pas tant élever de ces animaux que de Brebis; il n'y a que dans les pays où l'on en fait un grand commerce, encore font-ce des gens qui les font acheter de Ferme en Ferme, & qui en font un amas pour les mettre à laglandée, pour aprés les vendre dans les Foires ou dans les Marchez particuliers.

Mais fuppofons que dans un gros Domaine un Receveur voulût nourrir plufieurs Cochons, & qu'il ait pour en multiplier l'efpece des Verrats & des Truyes. (Un Verrat eft un Cochon qui n'eft point châtré, & qui fert à fouer les femelles.) Suppofé donc ce qu'on vient de dire, il faut luy choifir un Porcher pour les conduire.

Comment choisir un Porcher.

CE Porcher aura dix-huit à vingt ans, parce qu'il faut qu'il foit un peu robufte pour bien gouverner ce bétail; il fera matineux pour mener les Cochons aux champs, il veillera à ce qu'ils n'aillent point en dégât, & il épiera le terme que les Truyes devront cochonner, tant pour les fecourir alors dans leurs befoins, que pour les empêcher de manger leur arrierefaix aprés avoir mis bas leurs petits. Leur gourmandife les rend fujettes à ce défaut, qui leur eft préjudiciable.

Il faut encore qu'un Porcher ne foit point yvrogne, qu'il soit actif, moderé dans fes emportemens, parce que les Cochons donnent quelquefois beaucoup de tablature à leur conducteur, qui pourroit dans fa colere en eftropier quelques-uns, & qu'il fache l'art de les attirer doucement par quelques apâts qui leur jettera.

Du choix d'un Verrat, & à quel âge il faut le donner aux Truyes; com ment doit être une Truye pour être bonne.

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Our multiplier la race des Cochons, il faut des Verrats & des Truyes; le Verrat eft le mâle, & doit être choifi grand de corps, plus quarré que long, ayant le ventre avallé, les feffes grandes & larges, les jamun bes peu groffes & courtjointées, le cou grand & gros, le groüin court & camus, & les yeux petits & fort ardens aprés les Truyes; on peut

donner un Verrat aux Truycs dés qu'il a un an, & il cft propre à engendrer jufqu'à quatre. Il y a des Verrats qui font amoureux dés fix mois, mais ils n'en valent pas mieux à fouer les Truyes de fi bonne heure, cela les énerve, & fait qu'ils ne durent pas cant, & que fouvent pour s'être trop épuifé de femence, on a de la peine à les engraiffer aprés qu'on les a Combien châtrez. Il ne faut que dix Truyes pour un Verrat.

de Truyes

à un Verrat,

Pour la Truye elle doit être longue de corps & d'une race à produire beaucoup de Cochons à chaque ventrée, au refte choifie dans toutes fes parties comme le Verrat. Une Truye eft feconde pendant fept ans fi on a fçu la ménager, ceft à dire, fi on ne lui laiffe que tres-peu de Cochons à nourrir; car plus elle en alaite, plûtôt elle fe paffe; elle commence Sa premied'entrer en chaleur dés fa premiere année. Le Verrât ne dure pas fi long- re chaleur. temps, à cause qu'il eft trop lafcif.

La Truye porte fes petits quatre mois, & cochonne dans le cinquième, Sa portée, deux fois l'année, commençant à rentrer en amour trois femaine ou un mois aprés qu'elle a mis bas fes cochons, quoiqu'elle les nourriffe toûjours, à moins que le trop grand nombre qu'elle alaite ne l'amaigriffe & par ce moyen ne diminue en elle l'ardeur d'apeter fitôt le mâle. Quand la Truye eft en chaleur elle cherche les chemins où il y a de la boue pour s'y veautrer. Une Truye doit donner à chaque ventrée qu'eile fait, autant de cochons qu'elle a de tetins à la mammelle; fi elle en donne moins, c'eft une mar rust. 1. 324 que qu'elle n'eft point feconde, il faut s'en défaire; fi elle en donne davantage, c'est un prodige.

T'arre de rs

La meilleure faifon pour faire cochonner les Truyes eft le temps de la Quand faimoiflon, c'est pourquoy il faut,autant qu'on le peut, les faire fouer au re foiier lee mois de Février. La moiffon eft une faifon où tout abonde en grain & Truyes. en herbages, où les Truyes fe rempliffent le mieux, & où elles amaffent le plus de lait, ce qui contribue entierement à l'accroiffement des petits Cochons qu'elles nourriffent, & qui, à l'aide de la glandée qui fuit de prés, deviennent beaux dés la premiere année, fans qu'il en coute beaucoup, de maniere qu'aprés ce temps on peut les tuer.

Les petits Cochons qui naiffent au mois de May font encore fort bons, parce que leurs meres ne manquent point d'herbes pour pâturer; outre cet aliment on jette encore aux Truyes du grain, afin de les tenir en meilleur corps, & capables de farvenir plus abondamment à la nourriture de leurs petits. Les Cochons qui naiffent en Hyver s'élevent plus difficile

ment

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Varro de re

à caufe des froidures qu'ils ne fupportent qu'avec peine. Cepen- r. I. XXx dant lorfque cela arrive, il ne faut pas les negliger, on les tient bien chaudement dans leur Etable, on a foin de bien nourrir les meres, & de ne leur épargner ni fon ni grain, foit gland ou autre.

En quelque temps que ce foit qu'une Truye mette bas, il eft bon toûjours de la décharger d'une partie de fes Cochons, afin qu'elle éleve mieux ce qui luy en refte, principalement fi l'on eft prés des Villes où l'on puiffe en avoir le débit. Sept ou huit petits Cochons fuffiront pour une Truye, tandis que les autres feront envoyez au marché au bout de quinze jours ou trois femaines; & comme les mâles font preferables aux femelles, on en garde toûjours quatre pour une femelle, & on ne les févre qu'à deux mois. E c ij

Suite des

foins du Potcher.

Il eft bon d'avoir deux Etables féparées, l'une pour mettre les Verrats, & l'autre pour enfermer les Truyes, parce que coux-là feroient dangereux de faire avorter les meres, ou de manger leurs petits Cochons fitôt qu'ils feroient nez. Cette Etable ou ce toît aura fon aire pavée de grés, afin que les Cochons ne puiffent la fouiller avec leur grouin, & qu'un air corrompu ne les y infecte pas. On en fera la porte avec des barreaux de bois éloignez l'un de l'autre de quatre pouces.

Nous avons déja dit quelque chofe de ce que devoit faire un Porcher pour bien gouverner les Cochons; voicy encore quelques foins qui le regardent, & qui ne font pas moins effentiels que les premiers.

Quoique les Cochons foient naturellement tres-fales, & qu'ils fe veautrent dans la boue quand ils en trouvent, cependant ils aiment à l'Etable la paille fraîche, & plus on les y entretient nettement, plus ils deviennent beaux.

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Quand mener paître les Cochons.

E Porcher aura foin depuis le mois de Mars jufqu'en Juillet, de mener paître les Cochons dés le matin, aprés neanmoins que le Soleil aura diffipé la rofée; parce que cette humeur gâte interieurement ce bétail. Depuis la fin de Juillet jufqu'au commencement d'Octobre, il les fera fortir dés la pointe du jour jufqu'à dix heures du matin dans l'une & l'autre faifon, & depuis deux heures aprés midy jufqu'au foir. Mais depuis le mois d'Octobre jufqu'en Mars ces Cochons resteront toute la jour née aux pâturages, & ils y feront conduits le plus matin qu'il fera poffible, excepté lorfque le temps eft tout dérangé, qu'il pleut, qu'il nége, ou que les Aquilons fe faffent rudement fentir. Un Porcher peut conduire quarante ou cinquante Cochons de differens âges.

Nourriture ordinaire des Cochons.

I Es Cochons s'élevent tres-bien en tout pays, foit terres labourables en friche, montagnes ou vallons, mais à la verité beaucoup mieux en païs aquatiques, parce qu'en ceux-là ils y trouvent dequoy fe veautrer pendant les grandes chaleurs, ce qui leur fait beaucoup de plaifir. Ces animaux aiment beaucoup les Forêts, il s'y trouve du gland, des faânes,des châtaignes, & toutes fortes de fruits fauvages, qui eft la nourriture qui leur plaît le plus. C'eft dans ces endroits qu'ils prennent une bonne graiffe fans qu'il en coute beaucoup; on a foin auffi pour cela d'amaffer du gland pour n'en point manquer pendant l'Hyver, de leur donner à la maifon des fruits verds que les vents ont abatus avant leur maturité, & toutes fortes de fruits pourris. Les figues leur font tres-bonnes ; d'où vient qu'on leur en donne dans les païs où elles font abondantes.

Les Jardins fourniffent prefqu'en tout temps aux Cochons dequoy les bien nourrir. Les choux, les raves, les naveaux, les citrouilles, les concombres & les melons, tout cela leur ferc d'un aliment folide pour l'arriere faifon; les olives bouillies & données aux Cochons leur font tres

y

bonnes; c'eft pourquoy on en fait provifion dans les contrées où il croît beaucoup d'oliviers pour s'en fervir pendant toute l'année: on employe encore tres-utilement pour la nourriture des cochons les feuilles de plufieurs arbres differens, comme de Figuier, de Noyer, de Mûrier, d'Orme & de Vigne, dont on fait amas, & qu'on met fecher fur quelque plancher pour les faire bouillir aprés, & les donner ainfi mêlées d'un peu de fon aux Cochons, cet aliment les entretient parfaitement bien.

des Co

chons.

Les Cochons ne font jamais raffafiez de manger ou de dormir, auffi Naturel font-ils toûjours l'un ou l'autre, c'est ce qu'on fouhaite en eux, parce qu'ils engraiffent plutôt. Ces animaux font fi gourmands que non contens d'avoir pâturé, ils veulent encore qu'on leur donne quelque chofe au retour des champs, principalement en Hyver. Les uns leur font chauffer les lavûres des écuelles, ou le petit lait qui dégoute des fromages; d'autres fe contentent de prendre de l'eau, de la faire chauffer, & d'y mettre dedans des herbes champêtres avec du fon.

Il eft à propos de leur en faire autant le matin, ou de leur jetter un peu d'orge pour greneter; tous ces alimens les fortifient, & corrigent la crudité de la mauvaise nourriture qu'ils ont prises dans la campagne, c'est ainsi qu'étant traitez de longue main, ils profitent à vûë d'œil.

Outre que ce foin qu'on prend des Cochons les maintient en bonne chair, l'efperance qu'ils ont d'avoir de tels mets à la maison, fait qu'ils ne s'en écartent point, qu'ils y dreffent droit leurs pas, & que par conLequent on a moins de peine à les ramener.

De la neceffité de châtrer les Cochons, quand faire cette operation, & à
quel âge.

Po
Our bien engraiffer les Cochons, il faut les châtrer; fans cette ope-
ration on ne peut en venir à bout. La raison eft qu'il fe fait affez fou-
vent une perte confiderable des principes les plus fpiritueux, & les plus
balfamiques de la maffe de leur fang par les parties de la génération. Or
Le changement de temperamment, caufé par ce manque de l'émiffion fé-
minale fait que la portion du fang qui devoit former la femence, se
convertit en la fubftance du corps.

Le temps de châtrer les Cochons eft le Printemps ou l'Automne, que les chaleurs ni le grand froid ne fe font point fentir. Il faut que l'air foit temperé, autrement il y auroit trop de danger : on châtre les Cochons depuis quatre mois jufqu'à fix, & tout au plus à un an, encore eft-ce trop tard. Quand ils font châtrez plus jeunes ils en croiffent bien mieux; c'eft par incifion que fe fait cette operation; il y a des gens qui y font fort experts, & qu'on paye pour cela. La plupart des Chaudronniers s'en melent, c'est pourquoy on n'a pas jugé à propos de s'étendre fur cette matiere.

Aprés qu'on a nourrit les Cochons pendant fix mois, on fonge à les engraiffer pour les tuer ou pour les vendre. Ee iij

De la maniere d'engraiffer les Cochons dans les Forefts.

N engraille les Cochons dans les Forefts lorfque le gland tombe, ce qui marque fa maturité, & que les châtaignes quittent leur envelope; les Cochons courent avec avidité à ces alimens, ils les mangent d'appétit, comme étant la nourriture qu'ils aiment le mieux. Si l'on veut que les Cochons nourris ainfi engraiffent en peu de temps, il faut foigner le foir au retour des champs à leur donner à boire de l'eau tiede meice d'un peu de fon ou de farine d'yvroye, cela endort ces animaux, & fait qu'ils profitent tres-bien de leur nourriture. Il ne faut qu'un an fans autre foin pour faire prendre aux Cochons une tres belle croiffance & de la graiffe fuffifamment pour être tuez ou vendus. Il y en a qui les laiffent deux ans fe nourrir dans les bois, & c'eft delà qu'on voit des Cochons fi gros & fi gras; car tant qu'ils vivent, dit-on, ils croiffent comme les Boeufs. Cette maniere d'engraiffer les Cochons dans les Forefts ne convient que lorfqu'on en a un grand nombre, qui couteroit trop à engraifler à la maifon, & l'on ne pratique cette methode que dans les lieux où il y a beaucoup de futayes.

Le temps froid eft toûjours plus propre à engraiffer les Cochons que lorfqu'il fait chaud, il ne fe fait pas en eux pendant l'Hyver une fi grande diffipation des parties du fang que durant l'Eté, tant leur nourriture fe convertit en bonne fubftance, outre que l'Eté, & dans les faifons où la terre peut fe remuer, ils ne font que chercher avec leur groüin des racines & de la vermine, qui n'eft pas pour eux un aliment à beaucoup prés fi folide que le gland & la châtaigne ; & les Cochons mêmes s'amuferoient toûjours à fouiller ainfi, & à fe repaître de cette nourriture, qui ne les maintient que mediocrement, fi on ne fçavoit y apporter du remede par le moyen de petits anneaux de fer qu'on leur met au grouin avec un petit poinçon pointu. La douleur que ces anneaux leur caufent les empéchent de fouiller, & pour lors ils fe remettent à manger de meilleures chofes qui les engraiffent plûtôt. Il y en a au lieu de fe fervir de ces anneaux, qui leur font une taillade au nez, cette operation a bien le même effet, mais comme elle fe cicatrife trop, il faut la recommences trop fouvent, ce qui eft incommode.

On ne doit point fe contenter que les Cochons mangent du gland dans les Forêts, il faut encore faire une bonne provifion de ce fruit à la maifon, pour en donner à manger à quelque petit nombre de Cochons choifis au retour de la Forêt, & qu'on tient enfermez dans l'Etable pendant dix ou douze jours, afin d'achever de les engraiffer parfaitement, & par ce moyen en faire, comme on dit, des lards de haute graiffe.

Ce gland fert encore pour bien entretenir à la maifon les Cochons qu'on a feparé de ceux qui font gras, & qu'on veut engraiffer avec le temps, & pour nourrir ceux qui languiffent pour avoir été malades, ou qui font trop jeunes pour être tuez; enfin on donne à manger de ce gland aux Troyes qui font pleines, comme à celles qui ne le font pas & aux Versats on leur difpenfe cet aliment en Hyver & durant le Printemps ju

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