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La nourriture ordinaire des Poulains aprés qu'ils font fevrez, doit être de bon foin & de bon fon quand ils mangent au fec, & que c'eft en hyver, dans lequel temps on eft obligé de les enfermer à Ecurie ; car en été on les met aux pâturages dans des clos feparez fi l'on en a, ou dans les prairies.

Il y en a qui condamnent l'avoine pour les Poulains, alleguant que ce grain eft fujet à les rendre aveugles, inais c'eft un abus de le croire; ce n'eft point un mauvais effet de l'avoine qui leur caufe l'aveuglement, dans le temps qu'ils en mangent, c'eft plutôt par l'effort qu'ils font en la caffant que cet inconvenient leur arrive, parce qu'i fe peut alors que par la violence que fouffrent les veines du larmier & de la ganache, elles s'étendent & s'enflent de maniere que les parties du fang & les humeurs groffieres y coulant en abondance, offufquent les rayons vifuels jufqu'à les détruire.

Pour éviter cet accident on fait moudre groffierement cette avoine, qu'on leur donne à manger, & les Poulains ainfi nourris ne croiffent point fi élevez fur jambes, ils deviennent plus larges & plus épais que s'ils n'avoient mangé que du foin, ce corps ramaffé eft ce qu'on recherche pour les chevaux de tirage.

S'il fait beau temps en hyver, faites fortir les Poulains de l'Ecurie, pour leur laiffer refpirer un air plus épuré que celuy de leur Ecurie : l'air les fortifie, & les rend gaillards, puis quand le mois de May eft venu, on les met à l'herbe fur la fin, qui eft le temps où les herbes abondent beaucoup dans les pâturages. On remarquera qu'il faut que les Poulains pâturent feparément de leurs meres, parce qu'autrement ils les inquieteroient, & les empêcheroient une bonne partie du jour de prendre fuffifamment de la nourriture.

Quelques-uns, pour faire avoir une belle queue au Poulain, la leur tondent quand ils font jeunes, & l'on éprouve en effet qu'elle leur devient plus belle & plus touffue, & l'on confeille méme de la leur tondre deux ou trois fois l'année.

Si l'on apperçoit que les Poulains s'échauffent après les Poulaines, & qu'ils veulent les couvrir, il faut auffi-tôt les en feparer, parce que cela ne peut que leur faire du tort: on met les Poulains toûjours à l'herbe quand on les nourrit à la campagne, ils en deviennent plus fermes pour foutenir le travail.

Comment dreffer les Poulains au karnois,

E Poulain à deux ans & demi commence à devenir fufceptible des LE Poulain, à dix ans donner pour le drefier au harnois, il s'agit ca cela plus d'adreffe que de peine. Il faut ufer à leur égard de douceur les manier fouvent par tout le corps, leur lever tantôt un pied, tantôt l'autre, & leur fraper de la main par deffus comme fi on vouloit les ferrer; on leur fait fentir legerement l'étrille pour les y accoûtumer, on leur Paffe l'épouflette & le bouchon fur le dos, on les accoûtume à la bride Petit à petit avec de petits mords; on les careffe de la voye, & on leur

tend du pain avec la main, toutes ces flateries les gagnent, & les rendent fouples aux intructions qu'on fe difpofe à leur donner.

Tout ce petit manége s'exerce pendant cinq ou fix mois, puis on commence à luy faire fentir le poids du harnois ; on luy met d'abord un licou, avec lequel on l'attache à la mangeoire parmi d'autres chevaux tout dreffez, & avec lefquels on luy donne une nourriture commune.

Les Poulains qu'on nourrit à l'Ecurie doivent être foignez & gouvernez comme les autres chevaux & fuivant les maximes que nous avons établies pour cela.

C'eft beaucoup faire que de fçavoir d'abord rendre un Poulain docile à recevoir les inftructions qu'on veut luy donner; aprés donc qu'on a obfervé ce qu'on vient de dire là deffus, on commence par l'accoûtumer à porter la bride, puis la felle du harnofs, ou à monter, il n'importe, enfuite en luy met l'avaloire, & on le laiffe fous ce harnois pendant un demi jour, on continue ces foins pendant quatre ou cinq jours.

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Le Poulain accoûtumé fous tout cet attirail & harnaché ainfi tout de nouveau, est attaché à une Charrette, dont les roues font embaraffées par un pieu qu'on paffe à travers en deffous la Charrette; il ne faut point dans ces commencemens quitter la bride du Poulain, de forte qu'on foit tout d'un coup en état de l'arrêter au cas qu'il vinft à s'emporter, ce qui arrive ordinairement lorfqu'on luy donne les premieres leçons.

Etant attelé on l'anime d'abord de la voix, on le flatte, point de coups de fouet fur tout; car ce feroit le moyen de tout gâter; il ne faut pas même encore le faire claquer ; car ce bruit l'épouvanteroit; il faut fe contenter à cette premiere inftruction de luy faire fentir le poids du fardeau qu'il doit traîner: petit à petit les Poulains ainfi dreffez s'y accoútument; ils tirent enfuite un peu, puis quand on voit qu'ils font en que!que maniere afsûrez, on ôte le pieu qui tient les roues arrêtées, on leur fait traîner la Charrette, ne les quittant point toujours de la bride. Inftruits qu'ils feront ainfi, & qu'on jugera à propos de les abandonner à eux-mêmes, on les attelera avec un cheval fait aux harnois, qui les tiendra en état, & qui les empêchera de s'emporter.

Il eft bon d'accoûtumer le Poulain au bruit du grand monde, & de le mener ainfi attelé dans les Villes où la cohue eft toujours plus grande que dans les Villages, principalement dans celles où il y a des Marchez reglez, ou des Foires.

Comment dompter le Poulain pour le monter.

Sho l'on veut s'en fervir pour monter, il faut d'abord que celuy qui l'inftruit l'accoûtume petit à petit au harnois, qu'il luy mette d'abord la bride accompagnée d'un mords qui luy convienne; le Cheval dans le commencement trouvera cette embouchure étrange; c'est pourquoy il faudra, lorsqu'il eft bridé, le laiffer en cet érat deux ou trois heures, le tenir par la bride hors de l'Ecurie, le faire reculer à l'aide du mords, & aller à droit & à gauche ; il eft bon qu'il foit fellé en même temps, que le poids de la felle ne luy paroiffe point extraordinaire.

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afin

Si-tôt qu'on rentrera le Cheval à l'Ecurie, il faudra le deffeller & le debrider auffi-tôt, puis luy donner une jointée d'avoine, & le flatter; ce petit apât qu'on luy donne fait qu'il fouffre plus aifément à l'avenir qu'on le harnache. Pour la premiere fois qu'on felle un Cheval il ne faut le fangler que ties-legerement, & quelquefois point du tout felon que le jeune Cheval paroît rétif à la fangle.

Cette felle fera fans étriers d'abord, crainte que le Poulain par fantaifie venant à faire le mauvais fous ce harnois, ne s'atrape les pieds dedans, & ne fe rompe la jambe. On le promenera ainfi pendant cinq ou fix jours, le fanglant tous les jours plus fortement, & luy inettant la croupiere & le poitrail.

Quand on le voit affuré avec tout cela, on le careffe de la voix & de la main, on luy donne de l'apât, comme on l'a dit ; enfin on le mene dans une terre labourée, & l'ayant careffé, on fait monter une perfonne deffus, le tenant neanmoins toûjours en bride pour voir quelle figure il fera fous fon homme, & pour cela on le tirera par les refnes, on le fera ainsi marcher dans le champ, ce manege peut durer deux ou trois leçons.

Enfuite on luy met les refnes fur le cou, on le monte, on le fait aller, & l'on tient en main une petite houffine dont on luy donne doucement fur le cou, luy lâchant un peu la bride de temps en temps, afin de luy faire la bouche.

On le preffe tous les jours petit à petit, de plus en plus, c'eft à dire, aprés l'avoir laiffé aller doucement le pas, on le fait trotter, puis le petit galop, puis on le pouffe plus fort. Ces leçons fe doivent répeter avec prudence, jufqu'à ce qu'on voye que le cheval y foit tout dreffé: aprés cela on le monte à l'ordinaire, on le mene par divers chemins dans des valons, fur des collines, afin de l'accoutúmer fous l'homme à toute forte de maneges.

Et pour l'accoûtumer à l'éperon, il ne faut pas d'abord l'y approcher brufquement, mais commencer par luy ferrer le gras des jambes, puis approcher légerement l'éperon; on verra à cette premiere atteinte quelle pofture il tiendra, & felon qu'on le jugera à propos, on luy donnera plus ou moins fortement, & aprés que le cheval fera bien affuré & bien drefsé on pourra le monter quand on voudra, obfervant de le bien ménager fous l'homme, comme au harnois, fi l'on veut qu'il rende de bons & de longs fervices.

Com

Le Haras pour des Mulets.

Omme le Mulet eft un animal engendré d'un Ane & d'une Cavale, 'ou d'un Cheval & d'une Aneffe, on choifit pour Etalon, ou un Cheval pour couvrir une Aneffe, ou un Ane pour couvrir une Cavale; mais comme les meilleurs Mulets & les plus beaux font ceux qui font engendrez d'un Ane & d'une Cavale, nous nous arrêterons à ceux-cy.

Du choix d'un Ane pour Etalon, & de la Jument Pouliniere.

On prendra donc un Ane pour Etalon, qu'il foit beau, de bonne race,

âgé tout au plus de trois ans, gros de corps, bien membru, ayant les côtez forts & larges, la poitrine ouverte & mufculeuse, l'œil vif, l'air éveillé, les oreilles droites & de couleur brune noirâtre, afin que les Mulets qui en viendront foient noirs, ce font les plus beaux & les plus ef

timez.

La Jument fera choifie, comme nous l'avons dit à l'égard du corps; quant au poil il la faut prendre noire, autant qu'il eft poffible, parce que les Mulets & les Mules qui en proviennent font ordinairement plus eftimez fous ce poil.

Il faut autli bien préparer l'Etalon avant que de luy donner la Jument, c'est à dire, luy faire manger de l'avoine une fois le jour feulement, avec du bon foin, & s'en fervir pour couvrir les Cavales quand il a cu

du repos.

Mais comme l'Ane eft ordinairement bien plus bas de jambes que la Cavale, il faut, quand on veut qu'il la couvre, le mener dans un lieu où y ait une hauteur deffus, & approcher le derriere de la Cavale de cette éminence, & par ce moyen l'Etalon fait des mieux fon devoir.

il

Le temps de faire couvrir les Cavales pour avoir des Mulets eft le même que pour avoir des Chevaux, & lorique les jeunes Mulets font nez on les traitte comme les Poulains, excepté qu'ils ne tetent leur mere que fix à fept mois; & tandis que nous voicy fur l'article des Mulers, voyons dans un Chapitre particulier à quoy ils font propres, & quel profit on en peut tetirer à la campagne.

CHAPITRE XXII.

Du Mulet, & de l'utilité qu'on en peut tirer.

"Out le monde fçait l'utilité qu'on tire des Mulets par rapport aux

Tlongs fervices qu'ils rendent, ces animaux font nez pour porter de

gros fardeaux, c'eft pourquoy on s'en fert à la guerre pour les équipages des Princes. Il n'y a pas bétes de charge plus propres à porter des Litieres que des Mulets ou des Mules; celles-cy en Espagne & en beaucoup d'autres endroits fervent d'attelage magnifique pour les Carroffes. Les Marchans Forains, les Meuniers ont la plupart des Mulets pour tranfporter leur marchandife & leur bled.

Les Mulets font fort eftimez en Auvergne, à caufe de la rareté des Chevaux & des Boeufs; on les employe en ce pays pour labourer la terre, pour travailler & faire autres chofes neceffaires pour la commodité de la maifon; on leur fait auffi battre le bled en bien des endroits; on peut donc juger déja par là combien il eft utile d'avoir des Haras pour des Mulets.

Choix d'un
Mulet.

Hierole

Pour connoître fi un Mulet eft bon quand on veut l'acheter, il doit avoir les jambes grofies d'offemens & rondes, le corps étroit & ferme, & la croupe en bonne chair, quoi qu'ordinairement un peu élevée vers l'échine. Il faut qu'il ait l'œil éveillé & l'oreille bien dreffée; les Mulets font plus forts, plus puiffans & plus agiles que les Mules, & vivent méme plus long-temps.

On rapporte à ce fujet que les Atheniens voulant conftruire un TemTarentin. ple en l'honneur de Jupiter, ordonnerent que tous ceux qui avoient des bêtes de fommes cuffent à fe rendre à Athenes. Parmi tous ceux qui en amenerent il y eut un Paifan qui y vint avec un Mulet, âgé de quatre-vingt ans. Le peuple en fur furpris de maniere que pour honorer fa vieilleffe, il voulut que ce Mulet marchât à la tête des autres fans porter aucun fardeau, & défendit à tous ceux qui apportoient du grain au Marché, de luy empêcher d'en manger pour fon repas, fi en paffant il s'arrêtoit à eux, fauf à les dedommager de ce qu'il en auroit pris.

Choix de la

Mulc.

Comment

Mulets

La Mule pour être choifie de bon fervice, doit étre groffe & ronde de corps, ayant les pieds petits & les jambes menues & feches, la croupe pleine & large, le poitrail de même, le cou long & la tête feche & petite.

Il n'eft pas tout d'un coup bien aifé de dreffer les jeunes Mulets aux diefer les ufages aufquels on les deftine; il faut de la patience pour réduire à l'obéiffance ces bêtes extrémement fantafques de leur nature, & fi on ne s'y prend doucement, on ne tient rien, leur caprice les prend alors, & on n'en peut faire chofe qui vaille.

pour le fervice.

Il faut donc careffer ces animaux pour avoir d'eux ce qu'on fouhaité, & on commence à les dreffer lorfqu'ils ont trois ans on leur met de temps en temps de petits fardeaux fur le corps, on les fait marcher par la longe ainfi chargez, puis on leur met le poids plus fort, & continuant ainfi toujours ce manege, on les accoûtume enfin à faire ce qu'on veut qu'ils faffent.

Si l'on fouhaite qu'ils rendent fervice au tirage, on les y dreffe comme les jeunes Chevaux, on peut y avoir recours; mais fur tout qu'on aille doucement dans les inftructions qu'on leur voudra donner. On prétend qu'il ne faut faire fervir les Mulets qu'à cinq ans, que c'eft pour lors qu'ils font dans leur force, & que c'eft les ruiner que de les employer plûtôt à porter les fardeux.

L'âge de ces animaux fe connoît aux dents, comme celuy des Chc-. vaux, & il y en a qui difent que l'on peut juger de la hauteur que pourta avoir un Mulet ou une Mule dés leur jeuneffe, & qu'on fe regle pour cela fur leurs jambes, qui ont prefque tout leur accroiffement à trois mois, & que ces jambes font la moitié de la hauteur du Mulet ou de la Mule, lorfqu'ils ont pris leur croiffance.

Il faut particulierement prendre garde que le Mulet ne foit point ombrageux, qu'il foit docile & aifé à harnacher, & qu'il ne foit point vicieux d'ailleurs, ni difficile à ferrer.

Les Mulets & les Mules font fujets aux mêmes maladies que les Cheon en a traité affez au long pour n'en rien dire ici davantage, on

peut

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