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Difcours utile fur l'Agriculture.

Ous paffons de la Baffe-cour à l'Agriculture, qui renferme des douceurs qui paffent l'imagination. L'Agriculture n'a affaire qu'à la terre, qui eft toujours prête à obéïr & à répondre à nos foins, & qui rend avec plus ou moins d'ufure ce qu'on luy a confié, qu'elle a été plus ou moins cultivée.

C'eft dans cette forte de vie que M. Curius, aprés avoir triomphé du Roy Pyrrhus, des Sabins & des Samnites, a voulu finir fes jours. Et n'a-t-on pas vu Quintius Cincinnatus, la Charrue à la main, lorfqu'on luy vint dire qu'il étoit élû Dictateur; & toutes les fois que le Senat s'affembloit, on appelloit ces grands Hommes de leur campagne, pour y affifter.

On doute qu'il y ait aucune forte de vie plus heurcufe que celle qu'on mene aux champs, non feulement par l'utilité qu'on en retire, & qui fait fubfifter tout le genre humain, mais encore par le plaifir qu'elle donne

& par l'abondance de toutes fortes de biens qu'elle apporte.

Par le fecours de l'Agriculture, on voit toûjours dans les celliers d'un pere de famille, foigneux & bon ménager, du vin, de l'huile en abondance, & toutes autres fortes de provifions: fa maifon eft riche d'un bout à l'autre, elle produit à foifon des Agneaux, des Cochons, de la Volaille, du Lait, du Fromage & du Miel, fans compter ce qu'on tire des jardins qui font une autre reffource, & que les gens de campagne appellent leur fecond magazin.

Pour comble de douceur & de plaifir, on a encore dans fes heures de relâche des divertiffemens fort innocens. Qui a t-il de plus utile, ni qui faffe plus de plaifir qu'une maifon de campagne bien tenue & bien cul

tivée ?

Il n'y a rien que d'honorable dans les travaux de l'Agriculture, & les plus grands hommes l'ont toujours tant eftimée, qu'ils l'ont même jugée digne d'occuper les Rois. Lyfander étant un jour venu trouver à Sarde le jeune Cirus Roy de Perfe, ce Prince luy fit toutes fortes d'honnêtetez & de careffes, & entre autres chofes, il luy fit voir un Parc planté avec beaucoup de foin & d'une merveilleufe propreté. Lyfander qui étoit un Capitaine Lacedemonien, également furpris de la beauté des arbres, & de la douce odeur des fleurs, ayant dit à Cirus qu'il ne pouvoit fe laffer d'admirer non feulement le foin & l'exactitude, mais encore l'efprit & l'induftrie de celuy qui avoit tracé tout ce beau plan; c'eft moymême, luy répondit Cirus, qui en fuis l'ouvrier, & il n'y a rien là qui ne foit de ma façon, & la plupart de ces arbres ont été plantez de ma main.

Ce n'eft donc pas d'aujourd'huy que les grands hommes fe font adonné à l'Agriculture, & qu'ils ont trouvé que la Vie Ruftique renfermoit toutes fortes de plaifirs & de richeffes, & que ce n'étoit pas feulement les moiffons, les prez, les vignes & les bois qui la rendoient agreable, mais que c'étoit encore les jardins, les vergers, les beftiaux, & tous

les animaux de la Baffe-cour.

Rien n'eft plus infuportable, ny plus digne de blâme, que des gens qui demeurant dans une fertile campagne, negligent de la cultiver; ce font des terres en friche qui crient contre ceux, qui pourroient les rendre abondantes.

La vie champêtre, c'est à dire, les perfonnes qui font obligées ellesmêmes à cultiver leurs terres, doivent être laborieufes pour mettre l'Agriculture dans fa perfection; il n'y a que les pareffeux qui puiffent laiffer tomber cet Art ; c'est pourquoy il faut que les gens de campagne élevent leurs enfans au travail & au joug de la vie champêtre : la terre n'eft jamais ingratte, elle nourrit toujours de fes fruits ceux qui la cultivent foigneufement, elle ne refufe fes tréfors qu'à ceux qui craignent de luy donner leurs peines.

Il n'eft rien tel que la bonne conduite d'une famille pour ce qui regarde les travaux ruftiques: il faut dés leur jeuneffe apprendre aux enfans à fecourir leurs peres & leurs meres, donner aux plus jeunes la garde des troupeaux à laine, les autres qui font plus avancez en âge meneront les plus grands troupeaux ; enfin les plus âgez laboureront avec leur pere; c'est

ainfi qu'on doit à la campagne accoûtumer les enfans au travail, chacun felon leur âge & leur force, & c'eft par ce moyen qu'on voit fleurir l'Agriculture, & que la terre prépare fès richeffes pour récompenfer le La

boureur.

СНАРI TRE II.

Du Laboureur, de fon employ pendant l'année, & de tous les inf trumens qui conviennent au labourage.

I

bon Labou

reur.

L n'y a pas de profeffion qui n'exige des talens particuliers dans ceux Des qualiqui l'exercent; la culture des terres eft laboricufe, & demande par con- tez d'un fequent des perfonnes robuftes, vigilantes, & d'un bon temperamment. Un bon Laboureur doit avoir ces qualitez naturelles pour ne fe point rebuter dans le travail : nous nous fommes étendu là-deffus affez au long dans l'article du Valet Charretier, qui a tout le rapport poffible avec un Laboureur; il eft bon d'y avoir recours à la page 233. afin de profiter des inftructions qu'on y donne; voicy encore neanmoins quelques qualitez propres à un Laboureur, & dont on n'a point parlé, c'eft pourquoy on ne fera pas mal d'y faire attention.

La prudence d'un Laboureur ne veut point qu'il entreprenne jamais aucun ouvrage qu'il ne voye d'abord que le profit n'y excede la dépenfe; il faut qu'il tâche toûjours de faire ce qui rend beaucoup de profit, en ne dépenfant guéres.

Il doit connoître le génie de la terre qu'il laboure, afin de s'y conformer, & la labourer en temps & lieu; la connoiffance des Chevaux luy eft tres-neceffaire, s'il laboure avec ces animaux, afin de s'y laiffer tromper le moins qu'il pourra ; il faut qu'il fe connoiffe en harnois pour le labourage, qu'il fache au befoin les racommoder, diftinguer la bonne femence d'avec la mauvaife, & les temps aufquels on doit donner les labours aux terres, & les enfemencer; il faut qu'il foit adroit à tenir la charrue & à conduire les Chevaux ou les Boeufs qui la tirent; il doit avoir fes temps & fes travaux reglez pendant toute l'année, & felon que nous l'allons prefcrire.

Travaux d'un Laboureur pendant toute l'année.

U Nbon Laboureur ne doit jamais être fans occupation; il doit toûjours s'employer, & ne point laiffer manquer d'ouvrages ceux qui dépendent de luy. Au mois de Janvier, quand le temps le permet, il coupera le bois Travaux qu'ils deftinera pour bâtir, ou pour quelque autre ufage: il pourra porter de Janvier. du fumier aux pieds de fes arbres fruitiers, s'il voit qu'ils languiffent: il fera tailler fes vignes, s'il fait beau temps; & fur la fin il labourera fes terres legeres & fabloneufes qu'il voudra défricher ; c'eft la veritable faifon quand on ne l'a pas fait au mois d'Octobre; s'il a des faules à couper, il

Travaux

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y fera bon, pourvû que le froid le luy permette; il préparera les écha-
Yats pour les vigues, foit en les aiguifane, ou ne fait une de faules ou
pour
d'autre bois pour fon ufage, ce qui fe fait en fendant en deux les plus
gros, & laiffant entiers ceux qui ne font point trop gros. Il prendra garde
que fes Charrettes, fes Tombereaux, fes Charrues & autres inftrumens né-
ceffaires au labourage foient en bon état, & les racommodera luy-même,
s'il en eft befon; il aura fa provifion d'outils tranchans propres à fa profef-
fion, & il fera rémoudre ceux qu'il jugera luy pouvoir encore fervir.

S'il a des vignes à planter, il pourra s'y exercer; il fumera fes prez & de Février. fes vignes, & les taillera encore, s'il ne l'a pas fait, & les échaladera, s'il eft en païs où cela fe pratique : il commencera à donner les façons aux terres pour femer l'orge, l'avoine, le millet & autres menus grains qui compofent les femailles de la faifon, & qu'on appelle les Mars; il fera accommoder les hayes de fes jardins, il plantera des faules, des ormes, des oziers & autres arbres tant fruitiers qu'autres qu'il jugera luy devoir apporter beaucoup de profit ; il nétoyera le Colombier, s'il en a un commis à fes foins, & ôtera du poulailler la fiente que la volaille y aura faite, parce que c'eft fur la fin de ce mois que les Poules commencent à pondre & à couver, & que cette fiente leur nuit en quelque façon.

Travaux de Mars.

Travaux d'Avril.

Travaux

de May.

Travaux

Quand le mois de Mars eft arrivé, le Laboureur dés les premiers jours femera le-lin, s'il ne l'a pas fait en Février, les avoines, l'orge, le millet, le panis, le chanvre, les pois, les lentilles, les ers, les lupins, le bled de Turquie, la vefce & les autres Mars; il donnera une feconde façon à fes guérets pour y femer tous les grains dont on vient de parler, il gréfera fes arbres & foignera fon jardin de la maniere qu'on le dira dans la fuite. Le Laboureur dans ce mois achevera d'enfemencer fes terres fi elles ne le font pas toutes; il fera foigneux de donner à manger aux pigeons, parce qu'en ce temps ils ne trouvent encore guéres de nourriture par les champs, il nétoyera les Ruches, & ferala chaffe aux papillons, qui font frequens, quand les mauves fleuriffent, & aura foin de labourer fes vignes pour la premiere fois.

Le mois de May eft le temps de tondre les brebis, de faire provifion de beurre & de fromages. Le Laboureur alors commencera à veiller de prés fes Mouches à miel & fes Vers à foye, afin d'y apporter les foins que ces infectes exigent de luy ; il aura foin de farcler les bleds, & de donner le second labour à fes vignes & la culture qui leur convient encore en ce temps.

Le mois de Juin commence à inviter le Laboureur à préparer l'aire de de Juin. fa Grange, à la nétoyer des fourages qui y font, & des ordures qui s'y font amaffées; il fauchera fes prez, & moiffonnera l'orge quarré, autrement dit l'efcourgeon, il ébourgeonera fa vigne & binera fes terres.

Travaux

En Juillet il donnera tous fes ordres pour la moiffon, & recueillera de Juillet. foigneufement tous les legumes qu'il aura femez; il donnera le troifiéme labour à fes vignes, fi elles le demandent, & tiercera les terres.

Traveaux

d'Août.

C'eft dans le mois d'Août qu'il faut que le Laboureur arrache le lin & le chanvre; qu'il faffe du verjus, fi le temps le permet, & qu'il commence à fonger d'amaffer des vaiffeaux & autres chofes neceffaires pour les vendanges.

Le

Le Laboureur donnera dans ce mois la derniere façon à fes guérets, Travaux. -il menera fes fumiers dans fes terres, il les fera répandre & couvrir auffi- de Septemtôt, commencera à femer le feigle, il fera fes vendanges, il abatra fes bre. noix, il fauchera fes regains, il fera amaffer du chaume pour luy fervir de litiere en cas de befoin, ou pour chauffer le four, ainfi que cela fe pratique dans les lieux où le bois eft rare; il ceüillera la Garence, & aura foin d'en amaffer la femence, & moiffonnera le Millet.

Il faut dans le mois d'Octobre que le Laboureur veille à fes vins nouvel- Travaux lement faits, crainte qu'il ne leur arrive quelqu'inconvenient; il fera fon d'Octobre. Miel & fa Cire, & foignera que fes Ruches foient en bon état, & il semera fon Méteil & fon Froment..

bre.

C'est dans ce temps qu'il faut encaver les vins nouveaux, s'ils ne le font Travaux pas, qu'on amaffe du gland pour nourrir les cochons, qu'on fait la recolte de Novem des Châtaignes & des Marons, & qu'on cueille les fruits du jardin qui font de garde. Le Laboureur arrachera fes racines de terre, les dépouillant de leurs feuilles, & les mettant fous le fable pour les garantir de la gelée), il fera fes huiles, il coupera fes oziers, & il aura foin de vifiter la fruiterie pour voir fi fes fruits ne s'y endommagent point.

Le devoir d'un bon Laboureur demande de luy en ce mois qu'il vi- Travaux fite fouvent fes terres, pour voir s'il n'y a rien à 'y faire: c'eft encore le de Dosen temps de fumer les prez, il coupera du bois pour fe chauffer, & lors bre qu'en ce mois la gelée, les glaces, la neige & les autres frimats empêchent qu'on ne puiffe faire dehors aucun travail, le Laboureur à couvert racommode fes outils pour le labourage, & les autres inftrumens qui fervent au ménage : voicy une lifte des uns & des autres, qui pourra fervir d'inftruation à ceux qui en auront befoin à la campagne.

Lifte de tous les Inftrumens qui conviennent au Labourage.

tous

comune Left du labourage comme des autres Arts, on ne fçauroit s'en acquitter comme il faut, fi l'on n'est pourvu de tous les inftrumens qui y conviennent. Un Laboureur aura une ou deux Charrettes, felon la quan- Charrette, tité des terres qu'il a à cultiver; car il luy faut pour lors plus de chevaux & par confequent plus d'équipages pour les employer; ces Charrettes feFont plus ou moins grandes qu'il jugera à propos en avoir affaire; on appelle ces grandes Charrettes en des pays, des Gerbiers, parce qu'elles font principalement destinées pour charrier les gerbes pendant la moiffon; ailfeurs on les nomme Charrettes ridelées, parce qu'elles font accommodées avec des ridelles; ces charrettes feront bien faites de bon bois, garnies de bonnes roues avec de bons bandages dé fer, attachez avec de gros clous à tête. Il faut qu'elles foient affez élevées, plus étroites dans le fond que par le haut ; il y a des endroits ou le derriere de ces charrettes paroît plus élevé que le devant, étant plus commodes de cette maniere dans les pays de montagne, où elles fatigueroient trop les bêtes qui les traînent, fi elles étoient conftruites autrement.

II des endroits où on fe fert de Chars, au lieu des Charrettes, ils Chars y ont quatre roues, mais ils ne font pas fi commodes à manier, on ne

S s

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