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niere de labourer d'abord la terre fatigue les animaux qui tirent la Charruë, & l'homme qui la conduit, parce que c'eft dans le temps que cette terre eft plus compacte & plus forte. On n'entâmera pas auffi une terre qu'on ne juge que le foc y puiffe entrer, car autrement ce feroit peine perduë, fibien que cette façon peut fe donner aprés une pluye.

Si le champ eft fitué dans un terrein plat, il dépend de la fantaific du Laboureur de commencer à le labourer, de quelque côté qu'il voudra, & qu'il jugera neanmoins le plus à propos pour la commodité du champ-même. Quelques-uns labourent d'abord ce champ de travers, d'autres fuivent les vieux fillons dans toute leur longueur, c'eft l'ufage du pays qui décide

de cela.

Si c'eft fur un côteau qu'on laboure, & dont la pente foit un peu rude, on labourera en travers, la méthode en cft tres-bonne, & les Boeufs ou les Chevaux s'en trouvent moins fatiguez. Il eft bon que le Laboureur marche toûjours dans la raye qu'on a nouvellement tracée, afin de ne point trépigner le guéret, & que les rayes en foient plus droites.

Un Laboureur bien avifé, quand il va au labourage, fe munit toûjours de quelque cutil tranchant pour racommoder fa charruë, s'il vient à s'y rompre quelque chofe, ou bien il s'en fert pour couper les branches d'arbres qui luy nuifent, ou les groffes racines qui arrêtent fa Charrue; cet expedient vaut mieux que de s'eforcer à les vouloir rompre par la violence des Chevaux ou des Boeufs, car on rifque de brifer entièrement la Charruë.

Dans les pays où ce premier labour fe donne incontinent aprés la moiffon, ils ne commencent à ouvrir la terre qu'aprés une grande pluye, & renverfent pêle méle les chaumes qui y font, prétendant par là engraiffer les terres. D'autres brûlent ces chaumes, tous plantez qu'ils font, puis ils mettent la Charrue dans le champ, la cendre de ce chaume brûlé est un amandement tres-profitable pour les terres, & qui contient des fels, qui étant portez dans les femencés, s'y nichent & s'y fixent de manicre qu'ils donnent ainfi un tres-bel accroiffement à ce qu'on y veut commettre: Outre que cette maxime de brûler le chaume fait mourir jufqu'à la racine des mauvaises herbes, & mille petits infectes qui nuifent aux Virg. Geor. bleds. On a bien fouvent, dit un ancien Auteur, amandé des champs » en mettant le feu au chaume qui jettoit des flammes petillantes, foit que la terre en reçoive des vertus occultes, & quelque bonne fubftance, » ou que le feu luy confume ce qu'elle peut avoir de mauvais, & deffechant » fa trop grande humidité, luy ouvre plufieurs conduits & des pores fecrets par où les herbes reçoivent une nouvelle nourriture.

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Chaume, à D'autres arrachent ce chaume avec des faucilles qu'ils mettent en gros quoy utile. meûles, & dont ils fe fervent après, ou pour couvrir des maifons, ou

pour faire de la litiere aux beftiaux, ou enfin pour chauffer le four. Ce ménage fe pratique dans le temps qu'on ne fçait à quoy s'occuper à l'Agriculture, & on n'y employe que des femmes & des enfans.

Biner la Terre fecond labour.

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A feconde façon qu'on donne aux terres s'appelle Binage, du verbe biner, fi bien qu'on bine les terres un mois ou fix femaines aprés qu'elles ont eu leur premier labour, cela dépend du terroir, & felon que les méchantes herbes y croiffent plus ou moins vite. C'eft cette production dangereuse qui détermine les temps du binage, & il ne faut pas attendre qu'elles y ayent pris toute leur croiffance, on doit les détruire dés qu'elles commencent à y pouffer, & ne pas fouffrir qu'elles y confument beaucoup de fubftance; car ce feroit autant de fels perdus pour le bled qu'on fe prépare à y femer. Dans les endroits où le premier labour fe fait dés le lendemain que les gerbes font hors du champ, on bine les terres à Noël quand le temps le permet.

On ne peut pas véritablement déterminer le nombre de labours qu'on doit donner aux terres avant que de les enfemencer; les terres fortes par exemple, en fouffrent jufqu'à cinq, parce qu'elles font fort fujettes à produire des herbes qui leur nuifent; les terres legeres & fabloneufes ne fe remuent point fi fouvent, mais pour maxime inconteftable dans le labourage, on doit labourer les terres qu'on veut emblaver, autant de fois qu'on y voit croître les mauvaifes herbes.

Tiercer la terre troifiéme labour.

A Prés cette feconde façon, on tierce les terres, c'est à dire, on leur donne le troifiéme labour quand les herbes dangereufes nous y obligent: c'est le veritable point auquel il faut s'arrêter, ce labour ainfi que le precedent doivent être plus enfoncez que le premier, dautant qu'on le peut aifément fans fatiguer les bras de celuy qui manie la Charruë, ni les animaux qui la tirent.

S'il faut donner un quatrième labour avant la femaille, on ne le négligera point, mais il faut qu'il foit leger; quelques-uns labourent alors leurs terres en travers, & pour cela ils appellent cette façon traverser,clle ne convient pas à toutes fortes de terres, & principalement à celles qui font dans des fonds & fujettes à s'imbiber d'eau; les rayes de travers empêchent qu'elles ne s'écoulent, & fouvent elles en retardent de beaucoup la femaille, ce qui ne peut leur étre que préjudiciable.

Ceux qui devancent le premier labour devant l'automne, donnent leur troifiéme au mois de Mars, & continuent de labourer leurs terres pendant l'été, autant de fois qu'ils le jugent à propos, & jufqu'à ce qu'ils les enfemencent. Cette maxime s'obferve dans le Vivarez, dans la Principauté d'Orange, & dans plufieurs autres pays circonvoifins, où l'on donne jufqu'à neuf façons aux terres, avant que d'y commettre la femence, la derniere doit fe faire à la fin d'Août.

On fe fouviendra encore qu'il faut que les labours, à mesure qu'on les donne, foient toûjours profonds de plus en plus, & enfoncer le foc jufqu'à la mauvaife terre, & non point plus avant, on ne doit point l'a

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mener fur la fuperficie, c'eft une terre morte qui n'a point de fels & qui n'en eft pas fufceptible, & par confequent incapable de produire aucun bon effet. Un Laboureur dans ces fortes de terres n'en doit prendre que trois ou quatre doigts en profondeur.

Si l'on pouvoit toûjours labourer aprés une pluye, & lors que l'eau s'eft écoulée, ou imbibée dans la terte, le guéret n'en vaudroit que mieux, mais comme le temps n'eft pas toûjours ainfi propice, & que quelquefois le grand nombre de terres qu'on a à labourer ne permet pas qu'on le choififfe, on donne les façons aux terres quand on le peut, mais cependant jamais quand elles font trop humides ni trop féches.

Ce que c'est qu'Emoter les terres, & de l'avantage qu'il y a de le faire.

A méthode d'émoter les terres fortes, eft tres-avantageufe pour leur culture; cette façon fe donne aprés le premier labour, & on fe fert pour cela d'une espece d'inftrument qu'on appelle Caffe-motte, dont nous avons parlé dans le Chapitre précedent, & qu'on peut connoître par la figure qu'on en a faite.

Cette façon rend la terre unie, & la difpofe à recevoir plus facilement les autres labours, cela fe fait à tour de bras; quelques-uns fe fervent encore de la tête d'une coignée, avec laquelle ils caffent les mottes ; d'autres ufent pour ce travail d'un rouleau appellé Cylindre, ou d'une herfe. garnie de groffes dents de fer bien pointues, & chargée de quelque groffe pierre pour luy donner du poids.

Ce feroit une chofe fort avantageufe de pouvoir foy-même labourer ses terres, elles en deviendroient bien plus fertiles, parce que avant que de les labourer on en approfondiroit la qualité bien plus exactement que ne fait pas un autre qui y a moins d'interêt, & par là on jugeroit bien mieux de ce qu'elles font capables de porter ; & pour revenir à l'avantage qu'il y a de caffer les mottes d'une terre qui en eft remplie : voicy ce qu'en dit Virgile.

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Celuy qui caffe les mottes avec un rateau & une herse fait un grand » bien à fon champ, & Cerés luy jette du ciel des regards tres-favorables, c'eft à dire, que cette façon rend un champ tres-fécond; refte à prefent, aprés avoir parlé des labours des terres, d'entrer en connoiffance de la nature de chacune en particulier.

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Des differentes fortes de Terres propres au Labourage, de leur nature, & à quoy propres chacune en particulier.

A Terre eft le fondement de l'Agriculture, c'est une mere toûjours L portée pour le bien de fes enfans, & qui les favorife plus ou moins, qu'elle fent qu'ils font affectionnez à la cultiver. Il est vray qu'il y a des

terres bien plus fécondes l'une que l'autre, & qui rendent avec bien plus d'ufure ce qu'on leur a confié, & qu'on en voit même qui font tout-à-fait fteriles; mais comme ce ne font point celles-là que nous envifageons dans l'Agriculture, nous parlerons des autres qu'on n'y employe point inutilement, & nous entrerons en connoiffance de ce qu'elles font capables de produire chacune en particulier.

Combien il y a de fortes de Terres.

Nous comptons de deux fortes de terres, la Terre forte & la Terre legere, & chaque efpece de ces terres fe fubdivife en d'autres, ainfi que nous l'allons faire voir.

Sous le nom de terre forte, nous comprenons les groffes terres dont le corps eft maffif & pefant, ce qu'on fent lorsqu'on manic la Terre grasse & la Terre argileufe, voyons fans aller plus loin ce que ces terres peuvent produire par elles-mêmes, afin que les y employant, le Laboureur ne foit point trompé dans fon attente.

La terre forte eft de plufieurs couleurs, il y en a d'un jaune clair, & Laterre d'un jaune noirâtre; celle-cy a toujours paffé pour la meilleure, n'étant forte. pas fi compacte que l'autre, & étant par ce moyen plus fufceptible des influences du ciel, qui la pénetrant plus aifément, en augmentent non feulement bien plus la fubftance, mais encore en font agir les fels avec bien plus d'éficace : fes pores fe trouvent toûjours affez ouverts pour permettre aux racines des plantes de s'y étendre aifément, & pour donner un parfait accroiffement aux tiges qu'elles pouffent, & qui font les parties qui nous apportent le fruit que nous efperons; ces terres font merveilleufes, peu fujettes aux amandemens, parce que la nature ya affez pourvû de ce côté-là: il ne leur faut que des labours donnez en faifon, & autant qu'il leur en convient pour rendre riche un Laboureur.

L'autre terre de cette efpece eft auffi beaucoup fertile, mais ayant un corps plus compacte, & êtant d'une fubftance moins abondante en bons principes, on ne l'eftime pas tant que la premiere, outre qu'elle eft plus fujette à fe durcir, fur tout lorfqu'on la remue immédiatement aprés une pluye, ce qu'il ne faut jamais faire; ces deux fortes de terres produifent beaucoup de froment, & c'est auffi à elles qu'il faut le plus confier ce grain, & on peut dire qu'elles le rendent avec grande ufure.

Quelquefois auffi les pluyes trop frequentes du mois de May les font tomber dans un inconvenient fâcheux; car pour lors le bled qu'on y a femé ne travaille qu'en herbe, ce qui donne beaucoup de paille & peu de grain, qui fouvent auffi dans ces années pluvieufes fe convertit en yvroye; mais quand les années font féches raifonnablement, ces champs font tellement couverts d'épics, qu'on eft furpris de voir la quantité de gerbes qu'ils donnent, & du grain qu'ils rendent quand on les bat.

Ces terres font excellentes auffi pour les autres grains, mais on y en met le moins qu'on peut, parce que le froment étant bien meilleur, on y met toûjours de ce bled autant qu'on le juge à propos, & que la nature de la terre le permet; fi on leur veut donner du repos, on y femera

Terregraffc.

Térre argileufe.

Terre le

gere.

de l'avoine ou de l'orge pour les laiffer aprés en jachere.

On entend fous Terre graffe celle dont le corps a des parties gluantes & tenaces; cette terre fe durcit au moindre hâle qui la furprend, c'eft pourquoy fi l'on ne fçait la prendre à propos il eft difficile de l'ameublir, & de la rendre par là capable de produire bien du grain. Cependant quand une telle terre eft cultivée en faifon, on n'y perd point la fe

mence.

La terre graffe eft ordinairement jaune, fort fujerte à s'imbiber d'eau, ce qui détruit fouvent en elle la plus grande partie des principes qui concourent à la végétation; le froment vient bien dans ces fortes de fonds, pourvû qu'il ne pleuve point trop, mais le méteil y croît plus furement, & avec moins de danger, & encore mieux le feigle qui n'eft point fujet à dégénerer en yvroye; les autres menus grains y viennent auffi tres-bien. Il y a encore une autre efpece de terre forte fituée dans des fonds, & dont le naturel cft d'être toujours froid, à caufe des eaux qui y filtrent inceffamment, ce qui arrive aux terres qui font en prez, & qu'on a défrichées pour porter du bled; elles ne manquent point de fels à la verité, mais elles ont un défaut, que ces fels, après avoir agi affez heureufement pendant quelques années, fe trouvent n'avoir plus tout-à-fait de rapport convenable à la tiffure du bled qu'on y a feme, d'où vient qu'il dégénere, & fe convertit tout en paille, & que fi c'eft de l'avoine qu'on y feme, ce n'est qu'une avoine d'un grain tres-petit, venue neanmoins fort druë, & qu'on appelle en des pays Avoine folle, cette avoine n'eft propre que pour être donnée au beftiaux en guife de fourage; telle terre rend auffi toujours plus de profit en prez qu'en terre labourable.

Pour la Terre argileufe, elle n'eft propre à rien qu'à faire des pots ou de la vaiffelle de terre; c'eft pourquoy on l'appelle Terre à pottier, on l'employe auffi pour faire du conroy ; c'eft pourquoy il eft inutile d'y femer aucun grain; car pour le peu qu'elles ayent de parties convenables à la végétation, ces parties fe trouvent tellement embaraffées dans leur mouvement, qu'au lieu de fe porter à la femence qu'on y commet, elles s'émouffent, ou plutôt elles fe détruifent de maniere qu'elles n'y peuvent rien operer d'avantageux.

Quant aux Terres legeres, nous les fubdiviferons auffi en plufieurs efpeces, fçavoir en Terre legere, naturellement, en Terre fabloneuse, & en Terre pierreufe.

La terre legere naturellement eft celle qui n'eft compofée que d'une terre dont les parties font féparées l'une de l'autre, & ne font point corps, tout y eft volatile; elles font cependant de tres-bonnes terres quand on fçait leur donner leurs façons à propos, & ainfi que nous l'avons dit dans le Chapitre précedent, autrement, ou leurs principes s'exhaltent inutilement dans leur mouvement, ou ils ne font propres à produire que trespeu de chofe; il y en a de plus fubftantielle l'une que l'autre, les meilleures conviennent au froment, & les autres font propres pour le méteil & pour le feigle, qui veut fur tout, comme dit le Proverbe, être femé en pouffiere. Il y a des terres legeres de plufieurs couleurs, de grisâtres & de noirâ tres, celles-cy ont coûtume d'être meilleures que les autres.

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