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puis long-temps, & qu'on voit encore tous les jours par experience qu'un grain forti d'un même terroir & femé annuellement dedans y a tres-bien réüffi, c'est pourquoy on laiffe le champ libre là-deffus.

De quelque efpece que foit le bled qu'on veut femer, il faut pour Marque de être bon, qu'il ait acquis fa maturité, qu'il foit pefant, de belle couleur, bon bled felon ce qu'il eft, qu'il ne paroiffe point alteré, ni ridé, & qu'il fonne bien dans la main quand on l'y faute: avec toutes ces qualitez, un grain de bled ne fçauroit que multiplier abondamment, quand la terre à laquelle on l'a confié n'a point manqué de culture.

On bat les femences pour l'Automne, particulierement le feigle peu de temps aprés la moiffon, ou dans le temps feulement qu'on en a befoin pour femer; il faut des bleds qu'on receuille, toûjours choifir le meilleur & le mieux nourri, & le bien vanner pour le nettoyer du mauvais grain qui peut s'y trouver. Il eft bon de prendre garde, quand on veut femer du froment, qu'il n'y ait point d'yvroye parmy, & s'il s'y en trouvoit, il faudroit non-feulement le purger de cette maudite engeance par le fecours du van, mais même prendre ce froment gerbe à gerbe, & en tirer les épics de froment avec ceux de l'yvroye féparément l'un de l'autre pour fe fervir du premier & rejetter l'autre.

Il arrive un effet affez remarquable dans l'yvroye, auquel il n'eft pas Remarque mauvais de faire faire attention; le voicy. Ce grain, comme on fçait, fur l'yne provient que d'un froment corrompu, & dont les principes ont été al- vroye, terez de maniere, que de bien-faifant qu'il étoit, il devient tres-pernicieux. Nous ne cherchons point icy à approfondir les caufes de ce changement, nous dirons feulement qu'on obferve que le froment se revêtit de ce mauvais caractere dans les années pluvieufes, & dans les temps trop-humides; c'est donc à la trop grande humidité qu'on doit attribuer ce défaut, & cela eft fi vray, que fi l'on prend de l'yvroye pur, qu'on le feme dans un terrein leger ou pierreux, & que l'année ne foit point pluvieuse, ce grain, de mauvais qu'il étoit, devient un beau froment, bien nourri, & remp'i d'une farine propre à faire de tres-bon pain; ce qu'on dit n'eft fondé que fur l'experience, la chofe eft aifée à pratiquer, on peut s'en

rendre certain.

Experience pour bien choisir la femence, & d'une erreur au sujet des bleds propres à enfemencer les terres.

Uelques-uns avant que de femer le bled le mettent imbiber dans l'eau pour en faire un jufte choix; & pour cela ils laiffent tremper ce grain pendant cinq ou fix heures, puis avec une écumoire ils ôtent entierement celuy qui nage, & ne fe fervent pour femer leurs terres, que de l'autre qui eft defcendu au fond; cette méthode n'eft point à rejetter, & elle a même dans fon principe quelque chofe qui paroît fort probable, outre qu'elle avance la germination du bled.

Quand ce bled a été ainfi éprouvé, on le tire de l'eau, on l'expofe fur des draps au foleil, on l'étend & on le remuë de temps en temps pour le

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faire fécher, & lorfqu'il ne tient plus à la main, on le prend pour le femer. Toute cette manœuvre fe fait en peu de temps, & pendant que le Laboureur & fes animaux prennent leur repas.

On prend toujours le bled de l'année pour femer les terres, parce qu'il eft plus à portée qu'un autre, que fouvent on n'a pas, & qu'il faudroit acheter, en voilà la feule raifon, & il eft furprenant de voir la fauffe idée de tous ceux, ou peu s'en faut, qui fe mélent de l'Agriculture, fe font formée des bleds propres à enfemencer les terres; ils ne fe font pas feule.. ment contentez de douter, fi celuy d'une année ou de deux feroit bon pour cela, ils ont même toûjours foutenu opiniâtrement qu'il ne valoit rien, qu'il en falloit du nouveau, & que ce feroit perdre abfolument du grain, fi on en agiffoit autrement.

L'experience contraire qu'on en a faite en 1709. qui a été une année tres-fatale à prefque toute l'Europe, & dont le fouvenir fait encore horreur par la famine qu'on y a foufferte, doit fuffire pour détromper ceux qui dilent que le bled de deux ans n'eft point propre à femer, lorfqu'on en a vû enfemencer des champs tres-fpacieux, & multiplier à souhait.

On ne voit pas fur quel fondement ce principe puifle étre établi ; il n'y a que la feule experience du bled d'un ou de deux ans qui auroit manqué, qui pourroit confirmer cette opinion; mais comme ceux qui la foutiennent n'ofent produire que leur curiofité les ait pouffé jufques-là, puifque cette tentative ne pourroit que les convaincre d'erreur, on a lieu d'efperer qu'on fe laiffera aller en cela à ce qui peut approcher le plus de la verité, fuppofé qu'on fe trouve dans le cas de n'avoir point d'autres grains à femer que de celuy d'un ou de deux ans ; car fi on en a du nouveau, eft inutile d'en aller chercher ailleurs.

il

Beaucoup des Laboureurs mettent tremper leur femence dans une eau mélée & délayée de fiente de Vache, cu d'autre fumier bien gras, prétendant par-là avoir attrapé le fecret de faire multiplier les bleds; mais comme ces fumiers n'ont pas des fels affez volatiles pour operer ce qu'ils cherchent en eux, il fuffit que l'eau dans laquelle on a mis ces femences, enflent le grain, & qu'elle en avance la végétation, fans en rien efperer davantage.

D'autres jettent du nitre parmi les grains qu'ils doivent femer, afin qu'ils rempliffent mieux leurs caplules, qui d'ordinaire les reprefentent plus gros qu'ils ne font; cette maxime fe pratiquoit beaucoup anciennement, mais on en eft prefque entierement revenu. On ne s'avife plus guéres auffi de faire tremper les femences, on ne blâme point neanmoins ceux qui le font, ils prennent, comme on a dit, le grain qui va au fond, & ramaffent celui qui nage, dont ils fe fervent pour mettre au moulin, & en tirer ce qu'il peut y avoir de farine, ou bien ils le donnent à la volaille.

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De la quantité de femence qu'il faut pour femer un arpent de terre.

pour

enfemen

Ly en a qui déterminent la quantité de femence qu'il faut cer un arpent de terre à huit boiffeaux de froment, de feigle ou de méteil, chaque boiffeau pefant feize livres ; d'autres difent qu'il en faut neuf

ou dix, fuppofé que l'arpent ou l'acre contienne cent perches quarrées; on fe reglera à proportion fur le plus ou le moins d'étenduë qu'auront les picces de terres conformément à l'ufage des lieux où elles feront fituées. La bonne maxime en matiere d'Agriculture, ne veut pas qu'on charge tant une terre maigre de femence, qu'une autre dont le temperamment eft fort fubftantiel; il y a cependant des Agriculteurs qui font d'un fentiment contraire, fondez en ce que la bonne terre, difent-ils, ne multiplie toujours que trop les principes de la germination, d'où il arrive qu'un grain de bled produit plufieurs épics, & que par là, il eft inutile de charger cette terre de tant de femence, au lieu qu'une terre maigre en veut davantage pour apporter bien du grain, chaque femence ne donnant qu'un épic; ce dernier raifonnement qui eft faux, fe detruit par luy-même, fait valoir le premier, puifqu'il eft conftant qu'cù il y a peu de fels dans une terre, il n'y faut que peu de grain pour les faire multiplier, parce que, fi on en charge beaucoup cette terre, tout le grain germera : mais il en reftera la plupart qui ne produira que de l'herbe.

&

Ileft conftant que plus on feme tard, & plus les terres font humides, plus il faut de femence pour emblaver un arpent, car alors il s'en perd toûjours beaucoup.

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Le mois d'Août n'eft pas plûtôt paffé qu'on commence à fe mettre en Temps de devoir de femer le feigle, c'est par ce grain que fe fait l'ouverture de la ener les femaille, afin qu'il ait le temps de fe fortifier pour mieux réfifter aux ri- bieds, gueurs de l'hyver; enfuite viennent les orges quarrez, puis le méteil & le froment aprés. Il y a des pays où on feme le feigle dés la fin du mois

d'Août.

Quand les femailles font ouvertes, il ne faut point perdre de temps à enfemencer les terres, les pareffeux y perdent toujours; ce n'eft pas qu'il y a des pays où ce travail fe fait bien plutôt qu'en d'autres, c'est l'ufage qui doit décider là-deffus.

Le Seig'e veut être femé dans les terres féches, legeres ou fabloneufes, De Scigle. il ne fe plait point dans les terres fortes & humides, & vient tres-bien dans

les climats temperez.

Le Méteil, qui eft un compofé de froment & de feigle, vient bien dans Du Méteil, les terres d'un moyen temperamment; ce n'est pas qu'il multiplie beaucoup dans les terroirs propres au froment, & c'eft là ordinairement où il faut le femer.

Quant au Froment on le feme au mois d'Octobre, & toûjours aprés, Du Froquelques pluyes, s'il fe peut. Il faut de l'humidité au froment pour agiter ment, fes principes & fe hâter de pouffer; les fromens femeras, dit l'ancien Proverbe, en la terre boüeufe; ce fera donc toujours le plûtôt qu'on pourra, dans les faifons convenables qu'on enfemencera les terres, car felon le dire de nos Peres, il vaut mieux s'avancer que de reculer à jetter la femence

en terre.

On appelle ce grain orge quarré, parce qu'il a une figure quarrée, on Orge quarle nomme ailleurs orge chevalin, à cause qu'il eft tres-bon pour engraiffer ré, les Chevaux; il eft d'un tres-grand fecours aux pauvres gens à caufe de fa prompte maturité, & qu'on le moiffonne le premier & dans le temps que

Palladius de re ruf.

1. 1. t. 6.

Georg. l. 1.

le bled manque aux perfonnes qui ne font point à leur aife à la campagne : & comme ce bled fe moiffonne promptement, auffi faut-il le manger de même, n'étant point long-temps de garde, c'eft pourquoy on n'en réserve ordinairement que pour femer: on feme cet orge apres le feigle.

Des marques du véritable temps auquel il fait bon femer.

SItôt que les feuilles des arbres commencent à tomber d'elles-mêmes,

elles nous avertiffent qu'il fait bon femer, de même que lorfque les araignées étendent leurs toiles fur la fuperficie des guérets; car cet infecte ne file jamais en Automne, que le ciel ne foit difpofé à nous donner du beau temps.

La véritable femaille des bleds dure fix femaines, & guéres davantage, en quelque temps qu'on puiffe la commencer dans toutes fortes de climats; cependant quelques Agriculteurs anciens difent que quinze jours plûtôt, ou plus tard, ce n'eft pas une affaire qui doive caufer aucun fcrupule, & en effet on voit tous les ans confirmer cette verité. Cependant il est toujours plus fùr de labourer pendant le beau temps, labourez & femez tout nud, dit Virgile, Hefiode avoit été avant luy de ce fentiment, c'est à dire, fans être embaraffé d'aucun vêtement, ce qui ne fçauroit se faire que lorfque le temps le permet.

De la maniere de bien femer.

L faut d'abord avoir pour maxime, quand on feme, 'de répandre la femence le plus également qu'il eft poffible par tout le champ, le bled en croît mieux, parce qu'il profite par tout des fels dont la terre eft remplie, outre qu'un champ mal femé eft défagreable à la vue, paroiffant garni d'un côté, & dépouille de l'autre. Ces endroits vuides produifent auffi beaucoup de méchantes herbes, ce qui incommode les touffes de bled qui en font proches. Il y a des pays où aprés que le bled eft femé & couvert de terre, on paffe la herfe fur le guéret ; d'autres où ce travail ne fe pratique pas, on ne blâme point l'une & l'autre maniere, & tout l'avis qu'on peut donner la-deffus, c'eft de fe conformer aux coûtumes des pays où l'on demeure.

Qu'on fe fouvienne fur tout de couvrir par tout le bled, fitôt qu'on l'a mis en terre, & que le femeur n'en répande qu'autant qu'il en peut couvrir; le femeur, quelque bonne main qu'il ait, jette une partie du bled dans le fond du fillon, où en roulant, ce grain s'ammoncele auffi, ce qui fait que le champ n'eft pas femé également; or, pour corriger ce défaut, on prétend qu'il n'y a qu'à paffer la herfe par-deffus le guéret, quand il eft femé; il n'y a que dans les terres pierreuses, où cet inftrument eft inutile, & où il faut fé contenter du foc.

Un femeur qui veut bien recouvrir fa terre doit fe régler au temperamment dont elle eft, c'est à dire, mettre de la terre fur le bled plus ou moins que la terre eft forte ou legere, le grain dans celle-cy voulant être plus couvert que dans l'autre.

Comme la maniere de labourer les terres differe l'une de l'autre en bien des pays, on ne fixera rien icy fur cet article, au contraire on confeillera toujours de fuivre l'ufage des lieux où l'on eft, & de n'y point introduire de nouveautez; car fouvent en voulant bien faire, on gâte tout.

DE

De la germination des bleds.

Es que la femence du bled eft jettée dans la terre, les fucs qui font proportionnez à fa tiffure commencent à la pénétrer & à la dilater. La racine eft la partie de la plante dont l'accroiflement fe manifefte le plutôt, lequel tend toûjours en bas; c'est un effet de la matiere fubtile, qui dans fon mouvement, penetre les pores de la terre, & continuë d'agir jusques vers le centre de la plante; les pores de la femence fe dilatent pour lors, & la femence commence à fe deployer & à germer.

Et comme les fucs qui s'introduisent dans la femence, ont un mouvement de la furface de la terre vers le centre, ils n'y font pas plûtôt entrez qu'en formant le parenchime de l'écorce, ils trouvent des pores en long; car les femences ont les mêmes difpofitions que les plantes-mêmes, par lefquels ils continuent leur mouvement en bas, où ils font croître la racine avec la même détermination.

C'est de cette maniere qu'il faut concevoir que la force végétative dans la racine fe fait en bas; mais il faut un mouvement oppofé pour élever la tige fur la terre: voicy à peu prés l'idée qu'on peut s'en former.

Premierement, ce même mouvement qui les pouffe en bas peut être la caufe pourquoy une portion s'éleve; car il eft aifé de fe figurer que lorfque la matiere éthérée a pouffé les fucs qu'elle a infinué dans la femence jufqu'à l'extremité de la racine, elle peut s'échapper par les pores des envelopes qui la couvrent; mais les fucs qui font entrez en grande quantité, & qui ont déja dilaté la substance interieure du parenchime, doivent s'arrêter ou paffer ailleurs : la premiere idée eft impoffible, donc il faut qu'ils paffent outre dans d'autres pores, dans la moüelle & dans le corps ligneux, qui n'étant qu'un tiffu de fibres,s'étend du bas en haut, ou des pores en long; tellement qu'à mefure que ces fucs defcendent par la difpofition du parenchime de l'écorce vers la racine, il en monte dans la moüelle & dans le corps ligneux; puis fucceffivement & journellement toutes les parties de la plante s'allongent jufqu'au période qui luy eft marqué par la nature ; pafsons à prefent aux femailles du Printemps.

X x iij

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