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quelque nature qu'elle puiffe être, fuffit quand elle eft bien labourée; la Navette fe feme à champ uni, & à plein champ; il faut la femer à claire voye & la couvrir de terre à l'aide d'une herfe, aprés quoy on l'abandonne aux foins de la nature & aux influences du ciel, qui luy donnent l'accroiffement.

Pour tirer beaucoup d'huile de la femence de Navette, il faut laiffer la plante en terre, jufqu'à ce qu'on juge que cette femence ait acquis une maturité parfaite, autrement la fubftance s'altere & ne rend que tres-peu d'huile; & pour aider à la Navette à produire de belle femence, on prend foin d'éfeuiller les tiges qui ont pouffé à graine.

Cette plante eft femblable au Tréfle, elle donne fa graine dans des fi- Sénegré liques recourbées ou pointuës, elle eft graffe, de couleur fauve & d'une autrement odcur forte.

Le Sénegré veut une terre femblable à celle de la Vefce, on le feme au mois d'Avril ou de May: ce grain veut être couvert de terre fort legerement avec la herfe; car fi elle avoit plus de trois doigts de terre pardeffus elle, la germination ne s'en feroit que tres- imparfaitement; le Sènegré eft propre à guérir plufieurs maux, c'eft pourquoy il eft bon d'en avoir dans une maifon de campagne.

fenouil

grec.

Le Sénevé est une herbe qui produit un menu grain, avec lequel on fait Seneye. la Moutarde, qui cft l'objet pour lequel on le cultive: il aime la terre graffe & legere, & fe feme au mois d'Avril.

Il faut le femer fort clair & fouvent, quelque précaution qu'on y puiffe apporter, cette graine tombe toûjours trop dru; c'eft pourquoy, pour éviter cet inconvenient, on la mele avec de la cendre, puis on la jette en terre, où elle leve toûjours affez épais.

Plus la femence de Sénevé eft nouvelle, mieux el'e multiplie. On connoît qu'elle eft bonne, lorfqu'aprés l'avoir concaffée avec les dents, on la trouve verte en dedans & non blanche; cette derniere marque eft un figne de vieilleffe, & elle ne vaut rien pour femer.

Comment connoître fi un Champ eft bien femé.

Cur connoître fi unChamp eft bien femé par tout,felon la remarque d'un ancien Agriculteur, ouvrez les doigts de la main, & les imprimez fur Conftantin la terre, puis levez vôtre main, & regardez le nombre des grains qui pa- Cefar. 1. 2. roîtront fur la figure des doigts; fi c'eft du froment, il faut qu'il n'en pa- c. 18, roiffe que fept grains tout au plus, & cinq pour le moins; fi c'eft de l'orge, il faut qu'il y en ait neuf pour le plus, & tout au moins fept, il en eft de même de l'avoine.

CHAPITRE VIII.

l'on enfeigne comment il faut gouverner les Chenevieres & les Linieres, & tout ce qu'il y a à observer sur le Chanvre

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&fur le Lin.

Oicy encore des plantes qui font du reffort des femailles du Printemps, & dont on a jugé à propos de faire un Chapitre particulier. Nous avons traité jufqu'icy des grains qui contribuent tant à la nourriture de l'homme qu'à celle de plufieurs animaux domeftiques, au lieu que ceux dont nous allons parler à prefent apportent dequoy nous vêtir en partie, commençons par le Chanvre dont la graine s'appelle Chenery & Cheneviere la terre où l'on feme cette graine,

La Cheneviere; de la Terre qui luy eft propre, & des façons qu'il convient luy donner.

Lielle, fertile & allée à labourer; & pour la rendre extremement meu

A terre propre pour femer les Chenevieres, doit être choifie fubftan

ble, il faut commencer à luy donner un labour fur la fin de l'automne afin que le froid & les frimats de l'hyver la difpofent à recevoir aifément un autre labour fitôt que les gelées font paffees: cette terre reste en cet état jufqu'à la fin du mois de Mars, ou la my Avril, qu'on fe met en devoir de femer la Chenevierc.

La meilleure façon qu'on puiffe donner à la Cheneviere, quand on veut la femer, c'eft avec la bêche; cet outil la remue à fond & également par tout, & l'on ne fe fert guéres auffi d'autre inftrument pour les labours de la Cheneviere, quand la piece de terre n'eft pas bien confiderable: la Charrue y fait encore affez bien fon devoir, quand elle est menée par un homme qui l'entend.

Il y en a pour rendre la terre d'une Cheneviere bien meuble, qui dés le mois de Novembre en mettent toute la terre en petites buttes, groffes chacune comme trois ou quatre fois une Taupiniere, & efpacées l'une de l'autre autant que le juge a propos celuy qui les fait; on ne fçauroit dire combien cette maniere de mouver la terre contribue à l'ameublir. Plus on continue à femer du Chenevy dans une terre qui y eft propre, plus cette terre en rapporte de Chanvre & de mieux conditionné, pourvû qu'on ne luy épargne point le fumier qui luy convient, c'eft le fentiment d'un ancien Auteur fur l'Agriculture. Il y a des pays où dans la Cheret 8. J. de neviere on feme des féves au mois d'Octobre, aprés luy avoir donné un labour au mois de Juillet, & qui lorfque ces féves ont crû affez haut, labourent cette Cheneviere à la bêche, & renverfent pêle-mêle les féves avec la terre, cela fe peut pratiquer dans les Contrées qui font plus échaufées du foleil que dans les climats temperez où cette maxime ne réüffiroit pas,

Belle-Fo

l'Ag.

Quand le froid eft paffe, & que le temps permet qu'on remue la terre, on abat les buttes dont on a parlé pour en faire une fuperficie égale par tout le champ. Dans les pays chauds, cette façon fe donne au mois de Janvier, parce que la terre s'y laiffe manier aifément.

Pour rendre une Cheneviere bien féconde, il faut foigner de la bien engraiffer avec de bon fumier qui luy convienne; celuy de Mouton y est tres-propre, & l'on fe fert encore heureusement pour cela de fiente de Pigeon expofée à l'air un peu de temps pour en laifler exhaller ce qu'il y a de plus volatile; ces fumiers feront bien incorporez dans la terre, afin que les fels dont ils font remplis ne fe diffipent point inutilement.

Du temps auquel on doit femer la Cheneviere.

Itôt donc que la faifon de femer la Cheneviere eft arrivée, qui peut étre en des pays au mois d'Avril & en d'autres au mois de May vers la faint Nicolas; quelques-uns ont le jour de faint Eutrope fort en récommandation pour cela.

La terre étant préparée de maniere qu'elle puiffe recevoir heureusement dans fon fein le Chenevy qu'on luy deftine, on l'y feme avec prudence, puis on le couvre auffi-tôt, ou avec la herfe, ou avec des rateaux; plûtôt ce grain cft couvert, moins il eft en butte aux oyfeaux qui le recherchent avidement, & qui en font un tres-grand dégât, fi l'on n'y prend garde; il faut auffi pour cela mettre un épouvantail dans la Cheneviere pour chaffer ces oyfeaux.

Il y a des pays où on arrofe les Chenevieres lorfqu'elles font femées, & qu'il femble que le hâle les ait frappées trop long-temps. ; ce fein fe prend encore lorfqu'elles commencent à lever, & jufqu'à ce qu'elles puifTent croître fans autre fecours que celuy du ciel. Il feroit à fouhaiter qu'on en fift de même par tout, le Chanvre ne feroit pas fi fujet pendant Les années féches à demeurer à moitié de fon accroiffement.

Du choix de la femence, & de la ceüillette du Chanvre.

LE Chenevy doit être bien nourri, & de l'année, s'il le peut, finon on en prendra de deux ans, il réüffira tres-bien, quoiqu'en difent au contraire la plupart de ceux qui ont écrit fur l'Agriculture. Il est bon de semer le Chanvre un peu épais en bonne terre, afin qu'il en devienne plus beau; c'est à dire, que chaque brin n'en croiffe point trop gros, mais médiocre, parce que dans le premier cas le Chanvre n'est quafi propre qu'à faire des cordes ou de groffe toile, au lieu qu'autrement on en peut faire de bon fil à coudre & de la toile plus fine & plus commode pour le ménage.

Il faut cueillir le Chanvre quand il eft mûr, ce qui fe connoît quand il a le pied blanc, & par d'autres marques dont la longue experience en cela rend tres-certains ceux qui ont coûtume de faire cette recolte. Quand on cueille le Chanvre il faut foigner d'en féparer le mâle d'avec la femelle,commençant par arracher celle-cy & laiffant l'autre en terre jufqu'à

Y y iij

Comment

ce que la graine foit mure; moins on laiffe la femelle du Chanvre en terre quand le temps de la cueillir eft arrivé, plus douce en eft la dépouille qu'on en tire; c'eft à caufe de cela que le Chanvre mâle eft toujours plus rude, parce qu'il refte plus long-temps en terre. On appelle Chanvre mâle celuy qui apporte le Chenevy, & la femelle celuy qui n'a que des feuilles dans le haut, & dont le pied eft plus fréle.

La manicre de cücillir le Chanvre eft de l'arracher, comme on fait les ciieillir le légumes, cela fe pratique féparément, ainfi qu'on l'a dit, puis quand la Chanvre. femelle eft cueillie, on la lie en faifceaux de quinze à vingt pouces de tour qu'on expofe au foleil pour en faire fécher la fane, étant fèche, on la bat fur un billot pour la faire tomber, puis on reprend les faifceaux qu'on porte roüir, comme nous le dirons. Il y a des pays où au lieu d'arracher le Chanvre on le coupe rez terre.

Belle-Forêt 8. Jour de l'AF.

A l'égard du mâle on l'arrache de même que la femelle, on le lie auffi en faifceaux, puis on fait un meúle de tout ce qu'il y a, afin que ce Chanvre ainsi entaffé, donne occafion aux parties de la femence à fermenter, & fe décharger par là de ce qu'elle a de plus groflier; outre que le Chenevy fe détache micux du pied: quelques-uns au lieu de battre le Chanvre mâle, comme on a dit, en coupent tous les bouts où eft la graine qu'ils mettent fur des draps au foieil, puis lorfqu'ils font bien fecs, ils en tirent le Chenevy en les frottant entre leurs mains pour le cribler aprés. Quand le mâle a été un certain temps emmoncelé, ainsi qu'on l'à dit, on le bat avec un bâton; mais comme la graine y eft attachée, & afin de n'en point perdre, on étend un drap à terre pour la recevoir, aprés cela on fonge à le faire roüir de même que la femelle, aprés avoir laiffé fécher la femence au foleil & l'avoir bien criblée, pour la ferrer aprés dans un lieu où elle ne fe gâte point.

T

Roüir le Chanvre, comment cela fe fait.

Out le Chanvre étant préparé, comme on a dit, on le porte à l'eau pour le faire rouir ou éger lelon certains pays, ou naifer selon d'autres. Pour faire que le Chanvre roüiffe bien, & qu'il acquiere certaine couleur d'un roux fale qu'on y recherche, & d'où le nom de rouir eft venu, on fait choix d'une eau claire, qui foit courante, s'il fe peut, & expofée au foleil; une riviere, un ruiffeau, toutes ces eaux font merveilleufes mais bien fouvent on n'eft pas affez heureux pour en trouver de femblables, ce qui fait qu'on fe contente d'une mare, ou de quelqu'autre grand trou où il y a prefque toujours de l'eau, mais cette eau ne rend pas le Chanvre fi beau que les autres.

Et pour le bien accommoder dans l'eau, on prend tous les faisceaux ou toutes les poignées l'une aprés l'autre, on les entaffe en quarré, puis de peur que l'eau ne l'enleve, & que par là toute la maffe du Chanvre ne trempe point; on la charge de groffes pierres, & on la laiffe en cet état pendant huit jours, au bout duquel le roüiment en eft parfait, quand le temps eft chaud.

Mais comme il arrive quelquefois, aprés qu'on a cüeilli le mâle, que

le temps
fe réfroidit, & n'eft plus propre pour roüir le Chanvre, qui fe
pourrit plutôt faute de chaleur, on retarde cet ouvrage jufqu'au mois de
May ou de Juin, & pour lors on peut dire qu'on a du Chanvre-rou à
fouhait.

Le Chanvre étant fuffifamment roüi, on le tire de l'eau, puis on l'étend au foleil pour le faire fécher; & pour cela on dreffe chaque poignée la pointe en enhaut, obfervant pour leur donner une afficte ftable, d'écarter en rond par le bas les brins de Chanvre qui compofent la poignée ou le faisceau; s'il furvenoit quelque pluye pendant qu'il feroit ainfi expofé, il faudroit incontinent l'ôter; car cette pluye fuffit pour le faire moifir; & quand ce Chanvre eft fec, on le ferre à couvert dans un lieu où l'humidité ne regne point; on le tille enfuite, ou on le fait tiller par les domeltiques dans le temps des veillées, ou qu'on ne peut faire dehors aucun autre ouvrage.

Tiller le Chauvre eft rompre le tuyau en plufieurs parties pour en tirer l'écorce, les morceaux qu'on en fait s'appellent Chenevotes, dont on fe fert en bien des endroits où le bois eft rare, à chauffer le four. Quelques-uns au lieu de tiller le Chanvre le broyent avec un batoir dans une machoire; cela fait, ils l'entortillent autour d'une cheville de bois qui eft forte, puis ils le tirent & le rompent de maniere que l'écorce s'en détache fi aifément qu'il n'eft plus queftion que de le paffer par les ferans pour aprés le filer.

Le Chanvre s'employe à plufieurs ufages, ou pour faire des cordes ou Ufage du de la toile; on choifit le plus gros pour le premier, & le plus fin & le Chanvre. plus doux au toucher pour l'autre; on parlera plus amplement fur ce ménage dans le Traité qu'on fera du Commerce général des Danrées qu'on tire d'une maison de campagne.

contri

Chenevic

re.

La Cheneviere ne s'altere point, quoiqu'elle travaille plufieurs années de Avis fur la fuite; mais il faut pour cela ne luy rien épargner de ce qui peut buer à la rendre fertile, comme par exemple, les labours dans les temps, & les engrais néceffaires pour la fournir toûjours de fels en abondance. y en a même incontinent aprés que le Chanvre eft arraché, qui fement des naveaux dans cette terre aprés l'avoir feulement un peu gratée, ils y croiffent fort beaux & fort bons.

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Le Chanvre n'eft pas feulement utile par luy-même, mais encore par la femence qu'il rend, & dont on tire de l'huile; cette femence fert encore Huile de de nourriture à la volaille, & les Poules qui en mangent font toûjours tres- Chenevy. fécondes en oeufs pendant l'hyver-même: l'huile qu'on tire du Chenevy est tres bonne à brûler, & à plufieurs autres choses.

La Liniere.

E Lin veut une bonne terre qui foit douce & aifée à ameublir; car il ne fait que languir dans celles qui font maigres, ou de moyenne valeur : voicy une maniere de femer le Lin qu'un ancien Auteur fur l'Agriculture nous affure tres-bonne.

Il faut, dit-il, d'abord choifir une terre qui luy foit propre, & dés le Belle-Fo

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