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Bauf.

Graiffe de
Bœuf.

Li

E Bœuf falé eft encore une provifion qu'on doit faire à la campagne; à la difference du Cochon, qui ne prend pas plus de fel qu'il luy en faut, le Bœuf au contraire eft fufceptible de tout celuy qu'on luy donne, & il en prend quelquefois tant qu'il en est défagreable au goût; c'est pourquoy eft bon d'agir en cela avec prudence, felon que les pieces font plus ou moins épaiffes.

il

Le fecret d'y bien réüffir,confifte à mettre les pieces qu'on veut faler dans un fac à deux ouvertures, avec du fel à difcretion, puis deux perfonnes prennent ce fac chacun par un bout, obfervant de tenir les deux ouvertures fermées, & le fac fortement tendu, elles l'agitent tant qu'il leur eft poffible, & c'est par le moyen de ces fecouffes que le fel penetre audedans de la viande; c'eft ainfi qu'il en faut agir à l'égard de toutes les pieces l'une aprés

l'autre.

Etant bien falées, on le place dans un Saloir, ou autre vaiffeau femblable, on les y laiffe prendre fel pendant huit ou dix jours, puis on les en fort pour les mettre efförer fur des planches bien nettes pendant deux jours; enfuite on les remet dans le Saloir avec un peu de nouveau fel, dont on les frotte piece par piece, on les y laiffe pendant cinq à fix jours pour les retirer aprés pour la derniere fois; car alors elles ont affez pris fel, il faut auffi les étendre fur des planches comme auparavant afin de les faire fecher, étant feches, on les pend au plancher d'où on les tire lors qu'on en a befoin. Telle eft la méthode de faler du Boeuf tant & plus qu'on en souhaite; mais avant que d'en venir là, il eft bon que la chair en foit un peu mortifiée, elle en prend mieux fel, & ne rifque pas tant à fe gâter à caufe de l'humidité qui en fort, ce qui feroit capable de la corrompre, fi elle y restoit. Dans les gros Domaines où il y a quantité de Domestiques, on ne feint point quelquefois de tuer une Vache qu'on a engraiffée exprés. On fait d'abord manger aux Valets toutes les dépouilles du dedans, puis quelques pieces de chair où il y a le plus d'os, & moins propres par confequent à être falées. Cela peut aller jufqu'à quinze jours avant que cette chair fe gâte, puis aprés on la fale comme on a dit. C'eft un ménage que d'en agir de la forte pour ceux qui ont beaucoup de train à la campagne, car il eft constant que le Boeuf bien fouvent ne leur revient pas à deux fols la livre.

On ne s'avife gueres auffi de faler une grande quantité de Boeuf à moins que le hazard ne nous en offre à bon prix, parce que lorfqu'on le prend à la Boucherie, il vaut mieux le manger frais que de le faler; on fale ordinairement le Boeuf au commencement de l'Automne & à la fin de l'Hyver, afin d'en avoir pendant toute l'année.

On aura foin de bien ferrer la graiffe de Boeuf ou Vache, c'est la même chofe, on s'en fert pour faire du Suif lorfqu'elle eft mêlée avec celle de Mouton & de Chèvres; les peaux feront auffi confervées foigneufement, crainte que les chiens, les chats ou les fouris ne les endommagent.

Lors qu'on veut faire ce ménage, on ne choifit ordinairement que les Boeufs, Vaches ou Chévres qui font trop vieilles, & dont on ne sçauroit

plus tirer de profit; fi c'eft quelque Taureau ou Bouc qu'on égorge, il aura dû avoir été châtré cinq ou fix mois auparavant ; ear fans cette précaution leur chair eft fade & defagreable au goût, outre qu'elle n'eft jamais graffe.

I

Oyes.

L n'eft rien de fi excellent que la chair d'Oye falée, la chair d'Oye falée, il feroit à fouhaiter que l'ufage en fut plus commun qu'il n'eft pas, on éprouveroit de quelle grande utilité cela feroit.

On ne fale point d'Oyes qu'elles n'ayent été engraiffées, parce que c'eft la graiffe qui donne le relief à la chair, qui fans cela ne fent rien, ou a peu de faveur. Pour bien faler les Oyes on les plume proprement, on les vui de de même, puis aprés qu'elles ont mortifié pendant deux ou trois jours, on les coupe par quartiers, on les met dans un grand pot de terre verniffé, & on les fale comme le Cochon, c'est à dire lit par lit; on juge bien qu'il n'y faut pas tant de fel, parce que la chair n'en eft pas fi épaiffe; ce pot fera bien bouché, crainte que ce qu'il contient ne contracte l'évent.

On en ferre la graiffe qu'on fale comme le lard pour fervir dans les ragoûts pendant une bonne partie de l'année. Il eft aifé de juger par ce qu'on a dit qu'il faut tuer plufieurs Oyes pour en être ainfi fourni. La plume a'Oye apporte encore du profit ; il faut la conferver foigneufement par rapport aux ufages aufquels elle eft propre. La plume des Oyes mortes n'eft pas fi bonne que la plume de celles qu'on tue exprés. On ne peut pas en dire la raison, il n'y a que l'experience qui nous l'a fait remarquer.

Autres Provifions.

Non contente des Provisions dont on vient de parler & qu'elle prend

chez elle, une bonne ménagere en aura encore d'autres qu'elle tirera d'ailleurs, foit par échange des danrées qu'elle aura avec d'autres perfonnes qui manqueront de ce qu'elle a, ou par le moyen de l'argent qu'elle en fera, c'eft la même chofe. Elle aura donc outre ces chairs & felon les faifons, fa provifion de Harang & de Morue pour le Carême, elle aura de l'huile de Noix pour brûler & faire quelque friture, des oeufs en quantité, du beurre fondu, des fromages affinez par fes foins, des fruits de plufieurs fortes tant fecs qu'en nature, elle fe pourvoira de fel, poivre, canelle, mufcade, confitures de toutes fortes & bon fucre, elle aura pour fes amis quelques liqueurs agreables à boire, & tout cela fera foigneufement mis fous clef, dont la Maîtreffe fera la feule gardienne.

Ces fortes de provifions femblent à bien des gens n'être que de l'effence du ménage, parce qu'ils ne font pas au fait des douceurs qui peuvent fe trouver dans une maifon bien reglée, fans l'alterer en aucune maniere; tels font neanmoins les avantages qu'on tire d'une veritable œconomie ; il est vray que pour être ainfi muni de tout, il faut avoir bien du revenu, mais enfin à proportion de l'étendue du Domaine, on peut être fourni plus ou moins de tout ce qu'on vient de dire. Jugeons donc combien il eft avantageux de mener une vie champêtre, & ne devoir qu'à fon feul ménage,

Plume d'Oye.

Foin, A voi

mille chofes qu'on eft obligé d'acheter bien cher dans les Villes.

Il faut auffi avoir fa provifion deFoin,d'Avoine,& de Paille pour les Che ne, Pailles, vaux,& d'autres fourages pour les beftiaux. On ne fe laiffera point au dépourFourages, vu de Bois, tant pour chauffer le four, que pour le feu de la Cuisine, & la

Buis.

Chandelles de fuif.

Linge.

Meubles.

Chambre du Maître.

Nous traiterons dans la fuite de cet Ouvrage de la maniere de faire les Beurres, Fromages, Confitures de toutes fortes & Liqueurs de plufieurs façons, n'étant proprement ici qu'un memoire des provifions généralement qu'il convient avoir à la Campagne, pour n'être point obligé d'aller chercher chez fes voifins ce qu'on peut avoir chez foy.

Il faut encore avoir pour la provifion de la Cuifine des Pois, des Haricots fecs & verts felon les faifons, des Féves pour le Carême, du Millet, du Ris, du Panis, de l'Orge mondé, du Gruau felon la commodité des lieux qu'on habitera, des Artichaux & des Champignons fecs, des Concombres, & du Pourpié confits au vinaigre, tout cela s'amaffe à pcu de frais dans une maifon de campagne. Il ne faut qu'un certain foin, une certaine attention pour l'ordonner, c'eft l'ouvrage d'une ménagere avec fes Servantes, & rien plus.

Il y a diverfes matieres qui fervent à nous éclairer pendant la nuit ; telles font les Chandelles de fuif & les Lampes. Il faut donc en avoir fa provifion, & ne point manquer d'huile pendant toute l'année : on fe munira beaucoup de linge, car on n'en fçaura trop avoir pour la table, les lits & autres ufages aufquels on l'employe.

Un des principaux foins que doit avoir une femme ménagere, eft de s'appliquer à faire faire beaucoup de toile, elle n'en fçauroit trop avoir dans fon ménage, & pour commencer par la fource elle aura des morceaux de bonnes terres où elle ordonnera qu'on feme du Chanvre ou du Lin, puis lors qu'ils feront venus & ceüillis, elle foignera au refte à tout ce qui peut contribuer à rendre leur dépoülle en état de lui être utile.

Outre les Fileufes de la maifon, elle en aura encore dehors aufquélles elle diftribuera fon Chanvre & fon Lin par poids, & dont elle tiendra un Registre, afin qu'on luy rende auffi pefant de fil. Ces Fileufes étrangeres fe payent fouvent en danrées qui fortent du logis. Il eft vray que les danrées. font de l'argent, mais il n'importe, c'eft toûjours autant de vendu, & une commodité tres-grande.

Excepté les linges courans, dont la Maîtreffe chargera une principale Servante pour luy en rendre compte, tout le refte fera mis fous clef; il ne faut point les laiffer déperir, quand on voit qu'ils font percez, ou découfus, une petite reparation alors les met en état de rendre encore de bons fervices, au lieu que fi on les délaiffoit ils tomberoient en ruine en peu de temps.

Pour tenir une maifon bien fournie de linge, il faut tous les ans avoir foin de luy en donner de nouveaux, tout s'ufe à force de fervir, & où il y a grand train il faut beaucoup de linge.

Les autres meubles de la maifon regardent encore le foin d'une mere de famille ; c'est à elle à voir s'ils font en bon ordre, & de foigner autant qu'elle pourra que ce foit fon induftrie qui les luy donne la plupart, comme

par

par exemple, d'avoir des Lits, des Couffins & des Oreillers par le moyent des plumes d'Oyes ou de Canes qu'elle aura amaffées, ou d'autres volailles pour des Lits de Domeftiques; des tours de Lits, à l'aide des laines dont elle aura eu foin de faire faire de la farge, ces mêmes laines la fourniront en core de Matelats.

Si elle veut pouffer fa petite ambition plus loin & qu'elle ait des filles qu'elle veuille occuper, elle les employera à la tapifferie, ce travail eft honnête, divertiffant, & digne de l'occupation d'une fille de famille, puifque nous voyons même celles du premier rang qui en font leurs amufe

mens.

La Cuifine doit être fournie d'une baterie qui convienne à l'employ plus ou moins confiderable qu'on y en veut faire. Ces meubles tombent bientôt en ruine fi l'on n'y veille de prés, foit parce que les Domestiques les laiffent déperir tout à fait, faute d'avertir qu'il les faut racommoder quand il en eft befoin, foit parce qu'ils les manient trop rudement, & les laiffent tomber étourdiment : c'eft pourquoy il eft bon de quelque matiere qu'ils foient, de les donner par compte à une Servante, & de l'obliger à vous en répondre ; fon intereft pour lors la rendra vigilante, & vôtre baterie en durera plus long-temps.

Dans les pays où il ya des laines, on trouve ordinairement beaucoup Laine. d'Ouvriers qui les travaillent, les uns les employent à des farges & des draps, les autres à de la tiretaine, & de la bure ou bureau: ces étoffes conviennent à habiller les Domestiques, & nous voyons beaucoup de bonnes ménageres en faire fabriquer de leurs laines pour vêtir les leurs; elles les leur donnent fur leurs gages, c'eft autant de payé ; ces Valets ou Servantes qui ne l'achettent point fi cher que chez les Marchands, font bien aifes de ne point perdre une pareille occafion, ainfi que le Maître qui y trouve auffi fon avantage, tellement que les uns & les autres font contens, & c'eft un mé-nage de part & d'autre; car la plupart de ces laines font filées à la maifon & à des heures qui ne détournent en rien les travaux les plus importans de PAgriculture. Les laines font encore d'un grand fecours pour faire tricoter des bas pour fon ufage.

Si l'on eft dans les lieux où la foye foit commune par le moyen des vers Soye qui la donnent, on aura foin d'en nourrir, & de ce qui en proviendra de foye, on en fera filer autant qu'on le jugera à propos, foit pour la vendre oul'employer chez foy à la tapifferie ou autre chofe; cet employ à la ve rité ne convient gueres qu'à des filles de famille qui ne peuvent paffer leur temps à d'autres ouvrages à la campagne.

Toutes ces maximes établies fur la veritable œconomie femblent être détaillées affez au long pour qu'un bon ménager de campagne y trouve fuffifamment de quoi remplir fa curiofité: la ménagere y apprend ce qui eft de fon reffort, & tous les deux font inftruits de ce qu'il faut qu'ils faffent également s'ils veulent que leur maifon fe foutienne, & joüir du plaifir d' voir regner l'abondance.

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CHAPITRE X V.

Qu'il ne fuffit pas d'ufer des alimens dont on a fait provision, qu'il eft à propos encore d'en fçavoir les proprietez, afin de s'en nourrir avec avantage pour la fanté.

Ln'y a perfonne qui ne sente à chaque inftant le befoin indifpenfable qu'il a d'alimens pour reparer la perte qui fe fait des parties folides & fluides du corps & conferver fa vie & fa fanté. Quand il y a long-temps qu'on n'a pris d'aliment on fe fent attenué, & certains picotemens qui inCommodent l'estomac, ce qui provient de la maffe du fang qui devient plus âcre qu'elle n'étoit auparavant, ce qui qui fait pour lors invite à chercher des fecours, pour réparer les principes de ce sang qui font la nature nous épuifez à la réparation des parties folides.

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que

Nous avons donc befoin d'alimens tous les jours pour nourrir & rétablir ces parties, & les entretenir dans un même état; & quoique le pain foit l'aliment le plus fimple qu'on prenne, c'eft neanmoins celuy dont corps fe trouve le mieux, & qui luy eft le plus convenable. Il en eft d'autres qui font plus ou moins nourriffans fuivant qu'ils abondent d'avantage en parties huileufes, balfamiques, & propres à s'attacher aux parties folides, & fuivant qu'il a plus de rapport par là tiffure de fes parties avec celles de nôtre corps.

C'est donc cette neceffité d'alimens qui doit nous obliger d'ufer de précautions, faifant en forte d'en avoir fa provifion pour toute l'année à la campagne. C'est un trait de prudence auquel un bon ménager ne doit pas manquer; mais comme il ne fuffit pas de fe fervir indifferemment des alimens qu'on prend fans fçavoir à quoy ils font propres pour la fanté, & que cette connoiffance ne peut que faire plaifir; voicy quelques proprietez d'une partie de ceux dont on a parlé dans le Chapitre précedent; nous réfervons à traiter de la vertu des autres à mesure qu'ils tomberont fous nôtre plume, & felon que nous le jugerons à propos. Voyons à quoy le pain peut être propre pour nos corps.

On mange de plufieurs fortes de pains. Le Pain de Froment eft tres-nourriffant, & fort agreable au goût; mais felon quelques Medecins, moins on laiffe de fon avec la farine, plus il eft de difficile digeftion & plus pefant fur l'eftomac, parce, difent-ils, que les parties fubtiles de la farine s'uniffent fi étroitement les unes aux autres, qu'elles ne fouffrent entre elles presque aucuns pores, ce qui rend le Pain compacte, au lieu que lors qu'il y a un peu de fon mêlé dans le Pain, ce fon par ces parties groffieres empêche l'union trop étroite des parties de la farine, rend le Pain plus poreux, & par confequent plus ailé à digerer, parce que le fon produit de tres-bons

effets.

Le Pain trop tendre gonfle l'eftomac, il vaut mieux attendre qu'il foit raffis, il produit de mauvais effets quand on en ufe avec excés, ou qu'on

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