grande & plus logeable. Le Château que Louis XIII. avoit fait bâtir, n'étoit alors compofé que d'un corps de logis fimple. de deux aîles & de quatre pavillons; deforte que pour fuffire à une Cour auffi nombreuse & auffi brillante qu'étoit celle de Louis le Grand, ce Prince l'a fait augmenter dans l'état où vous le verrez, & qui vous doit enchanter, puifqu'il fait l'admiration de tout l'Univers. Ce Château eft à préfent le plus grand & le plus magnifique Palais du monde; les beaux Arts y ont réparé, non feulement les défauts que la nature y avoit laiffé; mais ils l'ont auffi enrichi de tout ce qu'il y a de plus rare & de plus exquis dans toutes les Maifons Royales. Enfin, il n'y a point de véritables connoiffeurs & d'étrangers defentêtez de leur Patrie, qui n'avouent fincérement & de bonne foi, que Versailles eft aujourd'hui la huitiéme merveille du monde. C'est le célébre Jules - Hardouin Manfard, qui y a donné ce beau luftre, ayant conduit tous les ouvrages qui y ont été faits depuis qua rante ans. On arrive à Versailles par trois avenues différentes, formées de quatre rangées d'ormes, d'où l'on découvre le Château. Celle du milieu, appellée l'avenue de Paris, a vingt-cinq toifes de largeur. Celle fur la droite en arrivant,eft l'avenue de S. Cloud; & fur la gauche, celle de Séaux, qui ont chacune dix toifes de largeur: ces trois ave nues fe terminent à la grande Place d'armes vis-à-vis le Château. Dans l'avenue de Paris vous verrez à main droite, LE CHENI, où demeuroient, le Grand Véneur de France, les principaux Officiers de la Vénerie; & où l'on tient les équipages, & les chiens de chaffe. Le logement du Cheni eft féparé par trois grandes cours, qui en ont quatre autres de chaque côté, où font huit corps de logis, outre celui du grand Veneur. Cet édifice a un portique orné de colonnes & de pilaftres d'ordre dorique, avec douze fenêtres de même fimétrie : les combles font terminez par des vafes à la maniére des plus beaux Palais d'Italie; les appartemens font fort commodes: il y a un jardin qui fe trouve plus haut que les cours. L'HÔTEL DE CONTI eft de l'autre côté, il eft des plus magnifiques; il fait face au Cheni, & a été bâti dans la même fimétrie. La Princeffe de Conti l'a beaucoup fait réparer & embélir: elle l'occupe depuis la mort du Duc de Vermandois fon frere pour qui Louis XIV. l'avoit acheté. Les entrées des cours font fermées par des portes de fer grillées; ces cours font environnées d'arbres jufqu'a l'appartement de cette Princeffe. Le portique ou veftibule donne entrée dans un falon qui conduit fur la droite à un appartement; & par la gauche, à une galerie accompagnée de deux cabinets. L'appartement eft compofé d'antichambres, chambres, cabinets, & d'une Chapelle. La galerie des bains & les logemens de cet Hôtel ont des beautez qui doivent exciter votre curiofité, mais le détail en feroit trop long. LA PLACE D'ARMES eft auffi nommée la Place Royale; elle a 180 toifes de large, & fe trouve environnée de pavillons que les Princes & Seigneurs de la Cour y ont fait bâtir; & de maifons particulières qui font partie de cette nouvelle Ville. De la grand Place d'Armes vous verrez entierement le Château en face; obfervez en même temps LES ECURIES qui font entre les trois avenues; elles font un effet des plus riches, & méritent votre attention particulière. La grande Ecurie eft du côté de la Chapelle, & la petite de l'autre côté les bâtimens font uniformes & d'égale beauté. Elles font du deffein de JulesHardouin Manfard: on ne voit rien ailleurs en ce genre ni de ce goût, ni de cette magnificence. Elles font fermées des par grilles terminées en pointes dorées, avec : d'autres ornemens, & par deux pavillons ornez de trophées. Il y a auffi deux beaux Manéges, dont l'un eft couvert & l'autre découvert. D'ici, remarquez que LE CHATEAU a la représentation d'un magnifique théâtre, à caufe de l'élevation en glacis du terrein, & de la diminution de la largeur des cours, de la hauteur & grandeur des bâtimens, qui font plus petits & plus refferrez à méfure qu'ils s'éloignent de l'entrée ; ce qui forme une charmante perspective. Renouvellez cette obfervation lorfque vous ferez au haut de l'avant-court; c'est l'endroit le plus avantageux pour remar quer l'agrément de cette perfpective. Votre vûe paffant par le milieu de la grande cour & de la petite cour de marbre, perce au travers des arcades de la face, & s'étend dans les jardins où elle fe perd. Par un demi tour à droite, ou à gauche fi vous voulez, joignez-y une feconde obfervation fur les Ecuries & les trois avenues qui les accompagnent; vous avouerez fans doute n'avoir jamais rien vû de plus charmant ni de plus admirable. LA GRILLE DORE'E, qui fépare la Place Roiale d'avec l'avant-cour, a douze pieds de hauteur; elle eft élevée fur un foubaffement de pierre de cinq pieds; termi née par deux guérites: elles foutiennent deux groupes qui repréfentent les victoires de la France fur l'Empire & fur l'Efpagne, faits le premier, par de Marfy, & l'autre, par Girardon. L'avant-cour formée en demilune, s'éleve en glacis vers le Château : elle a 85 toifes de long; & aux quatre coins, quatre gros Pavillons qui étoient occupez par les Miniftres & Sécrétaires d'Etat. En entrant dans l'avant-cour, on voit à droite & à gauche de la demi-lune, deux rampes de huit toifes de large; elles occupent le deffus de plufieurs corps de gardes voutez, qui s'étendent fous les Pavillons. Elles font féparées du refte de l'avant-cour par des baluftres ou appuis de pierre, accompagnées de deux Fontaines. Les Soldats des Gardes Françoifes & Suiffes étoient fous les armes dans cette avant cour, rangez en haye près les corps de gardes : les Suiffes du côté de la Chapelle, & les François de l'au tre côté. Avant que d'entrer dans la cour, faites l'expérience de l'obfervation dont je vous ai parlé. Remarquez enfuite, à droite; la rue des réservoirs, où eft le Château d'Eau & plufieurs Hôtels confidérables ; à gauche; la rue de la Surintendance, à l'entrée de laquelle eft un grand Pavillon fur la droite : & fur la gauche, le Grand Commun ; & aubout, la Surintendance. Liiij |