faifonne touts les autres. Parlons donc; puifqu'il eft doux & naturel de parler: Mais parlons bien; puifque nous ne pouvons faire paroître la beauté de nos pensées que par la beauté de nosexpreffions. Il eft en effet bien difficile qu'une perfonne qui ne met aucune diftinction dans les termes ne confonde pas auffi les chofes : Qu'un langage fade & groffier vienne d'un efprit fin: Et que mauvais arrangement des mots ne foit pas un peu l'effet du dérangement des idées. Mais en quoi confifte cette belle maniere de parler? Pour moi, je la trouve dans -1 le la pureté du Langage & dans le tour de l'Exprellion. J'entens par pureté de Langage l'emploi des bons termes de la Langue dans un ordre clair & naturel: Je nomme tour d'Expreffion une maniere fine & agréable de dire les chofes. L'ufage regle le beau Langage: Le bon goût décide de la beauté de Expreffion. Il n'eft point ici question du Langage; ce n'est pas une Grammaire que je donne au public: Il ne s'agit pas même de tout ce qui peut contribuer à la beauté de l'Expreffion, que je crois dépendre principalement de deux cho fes. La premiere eft un choix de termes propres, qui rend le difcours jufte & délicat, & qui fait parler en homme d'efprit. La feconde est un tour figuré, qui rend le difcours fublime & fleuri, & qui fait parler en Orateur. Celleci feroit la matiere d'une Rhétorique; mais le but de mon travail eft la premiere; dont j'ofe dire, fans neanmoins vouloir rien diminuer du prix de la feconde, qu'elle lui eft préferable; parcequ'elle eft d'un mérite & plus réel & plus étendu. La Jufteffe convient par-tout, elle plait toûjours, & l'on voudroit n'entendre & ne dire jamais rien que de jufte; au lieu que les expreflions figurées peuvent quelquefois le trouver hors de leur place, elles fatiguent. quand elles font trop fréquentes, & l'on en revient toûjours aux expreffions fimples & naturelles. Les Connoiffeurs favent parfaitement bien faire la différence de ces deux manieres de s'énoncer: Ils ne donnent leur applaudiffement aux termes les plus brillants qu'autant qu'ils les trouvent propres au fujet Et ils veulent que l'expref fion rende toute la force de la penfée, comme la pensée doit représenter toute la vér rité de l'objet, La Jufteffe fait donc le mérite effenciel & fondamental du Difcours: Elle plait feule, & rien ne plait fans elle. Mais cette Jufteffe ne peut s'acquérir que par une parfaite connoiffance de la force des Mots; en forte qu'on puisse faire un jufte difcernement de leur propre valeur ; & qu'on fache bien diftinguer les divers degrés d'énergie qu'ils ont & la différence des idées qu'ils présentent. Ces différences font plus ou moins fenfibles. Quelquefois elles font grandes, claires, & connues de tout le monde; telles que feroient celles qui fe trouvent entre |