Comme il n'eft permis à aucun Chrêtien d'y entrer, je ne fçai que par out-dire, que les dedans de la Mofquée font magnifiques; que fon Dôme eft foutenu par un grand nombre de riches colomnes de marbre; que ces colomnes foutiennent une Galerie qui eft au deffous du Dôme, & qui fait le tour de l'Eglife; enfin, que de fa voute defcend une infinité de lampes, qui éclairent ce vafte lieu. Voilà tout ce que j'en puis dire.

Mais pour ce qui eft de fes dehors, je les ay bien confideré. Sa figure cft octogone, fon Dôme lui donné un grand agrément. Ses murailles font revêtuës de beaux ouvrages à la Mofaïque, & faits de piéces raportées. Comme elles font de diverfes couleurs, elles forment divers orne

mens. Les Turcs y ont peints de G..

Tom. V.

grandes lettres Arabes, qui répréfentent des Sentences choifies de l'Alcoran.

La Ville a fept grandes Portes, dont fix font ouvertes, la feptiéme qu'on appelle la Porte Dorée, eft fermée & murée. Ce fut par cette Porte, que le Sauveur fit fon entrée triomphante

en cette Ville.

Les Turcs l'ont fait murer, parce qu'ils ont une tradition parmi cux, qu'un Prince Chrêtien doit un jour retirer les Sts. Lieux de leurs mains, & entrer victorieux par cette Porte dans la ville de férufalem.·

Le plus rare morceau d'antiquité que j'y aye vû, est la fameufe Pifcine probatique, que Salomon fit bâtir pour l'ufage du Temple. Cette Pifcine eft extrêmement profonde. Elle a près de cent cinquante pieds de long

& quarante de large. Elle eft revêtue de belles pierres de tailles. Sa figure cft quarrée & un peu oblongue; elle eft préfentement déféchée & de nul usage.

J'ay très-peu de chofe à vous dire, Mon R. Pere, des autres Antiquitez de la Ville. Je ne fais que vous les nommer, parce qu'elles n'ont confervé que les noms, de tout ce qu'elles étoient autre fois.

Près de la Porte qui va au Mont de Sion, on nous montra la Maifon d'Anne, ou plûtôt le lieu, où elle étoit fituée; car il n'eft pas poffible que cette Maifon, & les autres dont je vais parler, ayent depuis ce temps fubfifté jufques à prefent. On nous fit cependant remarquer dans la Maifon d'Anne un vieux Oli-* vier, où l'on dit, que NôtreSeigneur fut lié. Ce qui eft de

vray, c'eft qu'il n'eft permis à perfonne d'en couper. Il eft environné d'une baluftrade, qui le défend, contre ceux qui voudroient en approcher. Son tronc eft fort ancien, fes branches portent d'excellentes olives, dont les noyaux fervent à faire des Rofaires & des Chapelets, que les Chrêtiens achétent.

De la Maifon d'Anne il faut pafler toute la Ville pour aller au Sérrail du Bacha, qui étoit autrefois le Prétoire de Pilate. On y montoit par vingt-huit dégrez de marbre blanc, qui ont été tranfportés à Rome, & qui y font honorez fous le nom de Scala Sancta. :

Près du Sérrail, il y a un petit bâtiment quarré bien vouté. Les Chrêtiens, & les Turcs mêmes difent que ce fut en ce lieu, que le Sauveur fut flagelié &

couronné d'Epines. Dieu a voulu manifefter la Sainteté de ce lieu, par deux faits très-averez. Le Fils d'un Bacha ayant voulu y placer fes chevaux, & ayant fait conftruire une chambre au deffus pour fes Domestiques, lés chevaux furent trouvez morts dès le lendemain au lieu où on les avoit placés,, & la chambre fupérieure fondit tout à coup.

Un peu plus bas que la Maifon du Bacha, il y a une Arcade fort ancienne, où l'on dit que Pilate fit paroître au Peuple le Fils de Dieu dans le pi-' toiable état où il avoit été mis par fon ordre. On voit affez diftinctement gravé fur une pierre le commencement de ce mot Tolle.

C'est à quelques pas de cette Arcade, que commence la Voye