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enfin de préter ainfi leur fecours à un AN. 1644 peuple étranger pour déchirer leur Patrie; ou du moins il fe flattoit que la France ne feroit pas long-tems en état de fournir à la fubfiftance de ces troupes, foit par l'épuifement de fes finances, foit par les diffenfions civiles que la jeuneffe du Roi Louis XIV. devoit naturellement occafionner fous une Reine Efpagnole & un premier Miniftre Etranger. Alors toute la puiflance de la Suede feroit tombée d'elle-même, & tous les membres de l'Empire fe réuniffant à leur Chef légitime, devoient confpirer à rétablir le calme dans l'AIlemagne. Enfin au défaut de toutes ces rellources, la Maifon d'Autriche comptoit toujours que l'adreffe de fes Miniftres, ou des intérêts particuliers faifant naître tôt ou tard quelques divifions entre la France la Suede, & les autres Alliés, lui donneroient l'avantage fur des ennemis qui n'étoient redoutables que par leur union.

V.

Plein de ces grandes espérances, Plénipoten Ferdinand, quoiqu'il défirât fincétiaires Impériaux. rement la paix, croyoit devoir en

éloigner

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éloigner plus que jamais la conclufion, pour attendre des conjonctu- AN. 1644. res plus favorables; & tels furent en effet les ordres qu'il donna au Comte de Naflau & à M. Volmar fes Plénipotentiaires à Munfter. Jean-Louis Comte de Nallau - Hadamar, étoit un Prince affable & poli d'un caractere doux & bienfaifant ; mais le peu de part qu'il avoit eu jufqu'alors aux affaires, ne lui avoit pas permis d'acquérir toute l'expérience néceffaire pour foutenir le poids d'une négociation aufli importante que celle de Munter. Car il n'avoit encore eu qu'un vain titre de Plénipotentiaire à Cologne, où il avoit demeuré plufieurs années dans une entiere inaction. M. Ifaac Volmar qu'on lui avoit donné pour adjoint, étoit, difent quelques Hiftoriens un Jurifconfulte qui avoit corrigé le Pédantifme des Univerfités par l'ufage de la Cour & le commerce des Grands, & qui avoit appris à manier les affaires avec aflez d'habileté. Cependant le Comte d'Avaux n'ayant trouvé à Munfter que ces deux Plénipotentiaires de la Cour de Tome III, B

Pufendorf

Bafnage

AN. 1644,

Lettre du

yeaux

¿ La

Reine, du 1.

Avril 1644. »

Vienne, jugea, comme il étoit vrai, que l'Empereur avoit peu d'empreflement pour la paix. » J'aurai, écriComte d'A-» vit il à la Cour de France, meil» leure opinion de la difpofition des Impériaux à la paix, lorfque je » verrai arriver ici le Comte de » Trautmansdorff ou le Vice-Chan» celier Curtz. « En effet le Comte de Naflau & le Docteur Volmar n'apporterent à Munfter que des inftructions générales & un pouvoir limité, & leur principal objet devoit être d'éloigner la négociation. Le Comte d'Averfberg & M. Crane, qui avoient le même emploi à Ofnabrug, avoient aufli reçu en partant les mêmes ordres, & ce fut- là la fource des chicanes & des contestations prefques puériles, qui retarderent dans ces deux endroits le commencement de la négociation.

VI. Intérêts du Roi d'Efpagne.

Philippe IV. Roi d'Espagne Chef de la branche aînée de la Maifon d'Autriche, fe trouvoit par rapport à la guerre, dans une fituation à peu près femblable à celle où étoit Ferdinand; & par rapport à la paix, fes difpofitions étoient préci

fément les mémes. Depuis la fameu

fe tréve de 1609. que l'Espagne AN. 1644. avoit été forcée d'accorder aux Provinces - Unies, c'eft-à-dire, depuis plus de vingt ans, elle avoit repris les armes contre la Nouvelle Répu blique, & lui faifoit une guerre fanglante par terre & par mer, dans PEurope & dans le nouveau monde. Les Provinces - Unies trop foibles pour résister seules à des forces fi redoutables, tirerent de grands avantages de la diverfion des Proteftans en Allemagne. Elles reçurent auffi des fecours confidérables de la Fran

& firent de fi grands efforts pour la défense de leur liberté, qu'elles balancerent long-tems toute la puiffance de la Monarchie Espagnole. En 1635. la déclaration ouverte de la France contre l'Espagne leur donna la fupériorité, & les mit en état de s'étendre par de nouvelles conquêtes. L'ambition de Philippe & rentêtement de fes Miniftres contribuoient encore à l'affoiblir; car au lieu d'employer toutes les forces à reconquérir les anciens Domaines des Païs-bas, fuivant l'avis du fa

toutes les forces du Royaume. Elle AN. 1644. fe flattoit enfin de diviler fes ennemis, & de les obliger ainfi à traiter féparément avec moins davantage. Ce fut fur ce plan que Philippe dreffa les inftructions qu'il donna à fes Plénipotentiaires à Munfter. Il y en avoit envoyé trois; mais le Comte de Zapata, l'un des trois étant mort, le Cointe Diego de Saavedra, & M. Brun fe trouvoient feuls chargés de la négociation. Le Comte de Saavedra Plénipoten- extrêmement prévenu en faveur de tiaires Eipa- fa nation & de fon Prince, avoit

VII.

gnols.

dans fa maniere de négocier beaucoup de hauteur & de fierté. Il avoit d'ailleurs de l'adreffe, & il fçavoir diffimuler; mais il parut qu'il n'avoit été envoyé à Munfter que pour y attendre l'arrivée d'un Miniftre plus expérimenté. Antoine Brun fon Collégue, étoit un des plus habiles Miniftres que le Roi d'Espagne pût employer dans cette négociation. Il étoit né à Dole, où il avoit exercé la Charge de Procureur Général au Parlement. Il avoit l'efprit cultivé par l'étude des fciences & des belles-lettres. Il écrivoit avec beaucoup

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