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balance, qu'elles n'y souffrent du deschet. Et qui vouldroit rendre raison de ce que Arrius, et Leon (a) son pape, chefs principaux de cette heresie, moururent en divers temps de morts si pareilles et si estranges (car retirez de la dispute, pai douleur de ventre, à la garde-robe (6), touts deux y rendirent subitement l'ame), et exaggerer cette vengeance divine par la circonstance du lieu, y pourroit bien encores adiouster la mort de Heliogabalus, qui feut aussi tué en un retraict (c): mais quoy! Irenee se treuve engagé Les bons en mesme fortune. Dieu nous voulant apprendre vais succès que les bons ont aultre chose à esperer, et les ne prouvent mauvais aultre chose à craindre, que les fortunes ni leur démé ou infortunes de ce monde : il les manie et applique selon sa disposition occulte, et nous oste le moyen d'en faire sottement nostre proufit. Et se mocquent ceulx qui s'en veulent prevaloir selon l'humaine raison: ils n'en donnent iamais une touche, qu'ils n'en reçoivent deux. Saint Augustin en faict une belle preuve sur ses adversaires. C'est un conflict qui se decide par les armes de la memoire, plus que par celles de la raison. Il

ou les mau

des hommes

ni leur mérite

rite.

(a) Voyez SANDIUS, Nucleus Hist. Eccles., et les Centuriateurs de Magdebourg, cent. 4, c. 10. C.

(b) S. Athanase, Epist. ad Serapionem, et Épiphane, de Morte Arii, rapportent la mort d'Arius de la même manière. C.

1.2,

(c) C'est-à-dire, dans des latrines : in latrinâ ad quam confugerat occisus. ÆLII LAMPRIDII Heliogabalus. E. J.

se fault contenter de la lumiere qu'il plaist au soleil nous communiquer par ses rayons; et qui eslevera ses yeulx pour en prendre une plus grande dans son corps mesme, qu'il ne treuve pas estrange, si, pour la peine de son oultrecuidance, il y perd la vue. Quis hominum potest scire consilium Dei? aut quis poterit cogitare quid velit Dominus? (1)

CHAPITRE XXXII.

De fuir les voluptez, au prix de la vie.

L'AVOIS bien veu convenir en cecy la pluspart des anciennes opinions : Qu'il est heure de mour rir lors qu'il y a plus de mal que de bien à vivre; et que de conserver nostre vie à nostre torment et incommodité, c'est chocquer les regles mesmes de nature, comme disent ces vieux enseignements:

Η ζῆν ἀλύπως, ἢ θανεῖν εὐδαιμόνως.

Καλὸν τὸ θνήσκεν οἷς ὕβριν τὸ ζῆν φέρει.

Κρεῖσσον τὸ μὴ ζῆν ἐστὶν, ἡ ζῆν ἀθλίως. (2)

(1) Quel homme peut connoître les desseins de Dieu, ou imaginer ce que veut le Seigneur? Sapient. c. 9, v. 13.

(2) Ou une vie tranquille, ou une mort heureuse.
Il est beau de mourir lorsque la vie est un opprobre.
Il vaut mieux cesser de vivre, que de vivre dans le

Mais de poulser le mespris de la mort iusques à tel degré, que de l'employer pour se distraire des honneurs, richesses, grandeurs et aultres faveurs et biens que nous appellons de la fortune, comme si la raison n'avoit pas assez à faire à nous persuader de les abandonner, sans y adiouster cette nouvelle recharge, ie ne l'avois veu ny commander ny practiquer, iusques lors que ce passage de Seneca (a) me tumba entre mains, auquel conseillant à Lucilius, personnage puissant et de grande auctorité autour de l'empereur, de changer cette vie voluptueuse et pompeuse, et de se retirer de cette ambition du monde à quelque vie solitaire, tranquille et philosophique; sur quoy Lucilius alleguoit quelques difficultez : « Ie suis d'advis, dict il, que tu quittes cette vie là, ou la vie tout à faict: bien te conseille ie de suyvre la plus doulce voye, et de destacher plustost que de rompre ce que tu as mal noué; pourveu que, s'il ne se peult aultrement destacher, tu le rompes : il n'y a homme si couard qui n'ayme mieulx tumber une fois, que de demourer tousiours en bransle ». I'eusse trouvé ce conseil sortable à la rudesse stoïcque; mais il est plus estrange qu'il soit emprunté d'Epicurus, qui escript à ce propos choses toutes pareilles à Idomeneus. Si est ce que

malheur.

On trouve dans Stobée, serm. 20, des sentences toutes semblables à ces trois-là. C. (a) Epist. 22. C.

ie

pense avoir remarqué quelque traict semblable parmy nos gents, mais avecques la moderation chrestienne.

Sainct Hilaire, evesque de Poictiers, ce fameux ennemy de l'heresie arienne, estant en Syrie, feut adverty qu'Abra, sa fille unique, qu'il avoit laissee par deçà (a) avecques sa mere, estoit poursuyvie en mariage par les plus apparents seigneurs du païs, comme fille tresbien nourrie, belle, riche, et en la fleur de son aage: il luy escrivit (comme nous veoyons) qu'elle ostast son affection de touts ces plaisirs et advantages qu'on luy presentoit; qu'il luy avoit trouvé en son voyage un party bien plus grand et plus digne, d'un mary de bien aultre pouvoir et magnificence, qui luy feroit presents de robbes et de ioyaux de prix inestimable. Son desseing estoit de luy faire perdre l'appetit et l'usage des plaisirs mondains, pour la ioindre toute à Dieu; mais à cela le plus court et le plus certain moyen luy semblant estre la mort de sa fille, il ne cessa par vœux, prieres et oraisons, de faire requeste à Dieu de l'oster de ce monde, et de l'appeller à soy, comme il adveint; car bientost aprez son retour elle luy mourut, de quoy il montra une singuliere ioye. Cettuy cy semble encherir sur les aultres, de ce qu'il s'adresse à ce moyen de prime face, lequel ils ne prennent que subsidiairement, et puis, que c'est à l'en

(a) Dans les Gaules.

droict de sa fille unique. Mais ie ne veulx obmettre le bout de cette histoire, encores qu'il ne soit pas de mon propos. La femme de sainct Hilaire, ayant entendu par luy comme la mort de leur fille s'estoit conduicte par son desseing et volonté, et combien elle avoit plus d'heur d'estre deslogee de ce monde que d'y estre, print une si vifve apprehension de la beatitude eternelle et celeste, qu'elle solicita son mary avecques extrême instance d'en faire autant pour elle. Et Dieu, à leurs prieres communes, l'ayant retiree à soy bientost aprez, ce feut une mort embrassee avecques singulier contentement commun.

CHAPITRE XXXIII.

La fortune se rencontre souvent au train de la

raison.

La fortune L'INCONSTANCE du bransle divers de la fortune, snit quelque faict qu'elle nous doibve presenter toute espece

fois le train de la raison.

de visages. Y a il action de iustice plus expresse que celle cy? le duc de Valentinois, ayant resolu d'empoisonner (a) Adrian, cardinal de Cornete, chez qui le pape Alexandre sixiesme, son pere et luy alloyent souper au Vatican, envoya de

(a) En 1503. Historia di Francesco Guicciardini, l. 6, p. 267. In Vinegia, appresso Gabriel Giolito, an 1568. C.

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