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LX.

Confidéra

tion.

C. I.

c. 2.

c. 4.

peine des habits, mais des mœurs : l'indécence des habits AN. 1152. eft la marque du déréglement des efprits & des mœurs. Dans le quatrième livre, faint Bernard propofe au pape, Derniers li- pour objet de fa considération, ce qui est autour de lui: fon vres de la clergé, fon peuple, & fes domeftiques. Votre clergé, dit-il, doit être parfaitement réglé, puifqu'il doit être la règle & le modèle de tous les autres. Quant à votre peuple, tout le monde connoît l'infolence & le fafte des Romains. C'est une nation accoutumée au tumulte, cruelle, intraitable, qui ne fait fe foumettre que quand elle ne peut réfifter. Et enfuite: c'est alors principalement qu'ils veulent dominer, quand ils ont promis de fervir. Ils jurent fidélité pour mieux trouver l'occafion de nuire à celui qui s'y fie. Ils veulent dèslors être admis à tous vos confeils, & ne peuvent fouffrir qu'on les refufe à une porte. Ils font habiles pour mal faire, & ne favent point faire le bien. Odieux au ciel & à la terre, impies envers Dieu, féditieux entre eux, jaloux de leurs voifins, inhumains envers les étrangers; ils n'aiment perfonne & ne font aimés de perfonne & voulant fe faire craindre de tous, ils craignent de tout le monde. Ils ne peuvent fe foumettre, & ne favent pas gouverner : infidelles à leurs fupérieurs, infupportables à leurs inférieurs; impudens pour demander & pour refufer; importuns & inquiets jufques à ce qu'ils reçoivent, & ingrats quand ils ont reçu. Ils parlent magnifiquement & exécutent peu, promettent libéralement & tiennent le moins qu'ils peuvent : flatteurs & médifans, diffimulés & traîtres. C'eft le portrait que fait S. Bernard des Romains de fon temps; & toutefois il ne laiffe pas d'exhorter le pape à travailler à leur converfion, quelque peu d'efpérance qu'il ait du fuccès: puifqu'on n'eft obligé qu'à travailler, & non pas à réuffir.

$2.2.

11. 7. 8.

Sup. n. 21.

Plus ils font rebelles, dit-il, plus vous devez avoir de courage à les attaquer : mais avec la parole, non avec le fer. Vous ne devez plus employer le glaive, depuis qu'il vous a été dit de le remettre au fourreau. Les deux glaives appartiennent à l'églife, le fpirituel & le matériel; mais l'un doit être tiré par la main du prêtre, l'autre par la main du foldat, fuivant le confeil du prêtre & le commandement du prince. Nous avons déjà vu cette allégorie des deux glaives; & le meilleur fens qu'on lui puiffe donner, eft que le glaive matériel ne doit être employé que par l'ordre du prin

ce, mais que le prince doit confulter le prêtre pour favoir fila guerre est juste, ou même suivre ses exhortations pour employer fa puiffance à protéger la religion.

Saint Bernard dit encore en cet endroit ces paroles remarquables: tout le zèle des eccléfiaftiques ne tend qu'à conferver leur dignité; fi vous voulez dans l'occafion vous abaiffer un peu & vous rendre plus fociable, on dit que vous ne favez pas garder votre rang ni foutenir votre perfonnage. Nous ne voyons point que faint Pierre ait jamais paru en public orné d'or & de pierreries, revêtu de foie, monté fur un cheval blanc, environné de foldats & d'officiers marchant à grand bruit. En cela vous n'avez pas fuccédé à S. Pierre, mais à Constantin. Souffrez-le pour vous accommoder au temps, mais faites votre capital de vos devoirs. Quoique revêtu d'or & de pourpre, vous ne devez pas dédaigner les fonctions de pasteur, ni rougir de l'évangile. S. Bernard ne doutoit non plus de la donation de Conftantin, que des fauffes décrétales.

Il vient enfuite au choix des cardinaux, qu'il dit devoir être pris de tout le monde, puifqu'ils doivent le juger; & les plus parfaits qu'il eft poffible, parce qu'il eft plus aifé de venir bon à la cour, que d'y devenir bon. Il infifte particulièrement fur le choix des légats, à qui il demande particulièrement la vie exemplaire & le défintéreffement; & il rapporte des exemples édifians du cardinal Martin légat en Danemarck, & de Geoffroi évêque de Chartres. Il fe plaint de ce que les officiers du pape prétendent avoir rang devant les prêtres, fous prétexte que dans les cérémonies ils font plus proches de lui, quoiqu'ils foient ainsi placés, non pour marque de leur dignité, mais pour la commodité du service. Enfin il confeille au pape de fe décharger entièrement fur quelqu'un de fes domeftiques, du foin de fon temporel, comme indigne d'un prélat, qui fe doit tout entier au fervice de l'églife. Il dir à ce sujet : c'est une chose merveilleufe, que les évêques trouvent de refte fous leur main des perfonnes à qui ils confient les ames, & n'en trouvent point à qui ils puiffent confier leurs biens. Dans le cinquième livre de la Confidération, il traite de ce qui eft au-deffus de nous ; & donne au pape Eugene des fujets de méditations fublimes, fur les anges, fur l'effence divine & fur les myftères de la Trinité & de l'incarnation.

c. 5. 6.

c. 4.

C. 5.

c. 6.

magne.

Jourdain des Urfins avoit été envoyé légat en Allemagne vers le roi Conrad en 1151, & depuis étoit venu en France & en Normandie, laiffant par-tout des traces affreuepift. 290. fes de fon paffage. C'est ainfi qu'en parle faint Bernard dans une lettre à Hugues cardinal évêque d'Oftie, où il ajoute on dit qu'il a commis par-tour des actions honteufes, qu'il a emporté les dépouilles des églifes: qu'il a conféré les dignités eccléfiaftiques à de jeunes garçons bien faits, dans les lieux où il a pu, & qu'il a voulu faire dans les autres. Plufieurs fe font rachetés de fa vifite; & il a rançonné par fes fubdélégués, ceux où il n'a pu aller. Il s'eft rendu la fable des écoles, des cours, des carrefours : tous parlent mal de lui, féculiers, réguliers; les pauvres & les riches, les moines & les clercs s'en plaignent. Il est généralement décrié. Il n'en est pas ainfi du feigneur Jean Paperon, qui a par-tout honoré fon miniftère. Lifez cette lettre au pape : c'est à lui à voir ce qu'il faut faire d'un tel homme; pour moi j'ai acquitté ma confcience. Je dirai toutefois avec ma promptitude ordinaire, qu'il eft bon qu'il acquitte auffi la fienne en purgeant fa cour. J'avois réfolu de me taire fur ce fujet mais le prieur du Mont-dieu m'a preffé d'écrire ; & fachez que j'en ai moins dit que le public. Le Mont-dieu eft une Chartreufe du diocèfe de Reims.

LXI. Jourdain légat en Alle

LXII. Archevêchés

Jean Paperon, cardinal prêtre du titre de faint Lauen Irlande, rent, fut envoyé légat en Irlande par le pape Eugene dès Jo. Halguft. l'année précédente 1151 ; & vint trouver le roi d'Angletom.2. conc. terre, qui refufa de lui donner un fauf-conduit, s'il ne p. 1130. lui faifoit ferment de ne rien faire en ce voyage au préVita antiq. lib. c. 15. judice de fon royaume. Le légat indigné retourna vers le pape, & la cour de Rome en fut mauvais gré au roi d'Angleterre. L'année fuivante 1152, Paperon revint & s'adreffa à David roi d'Ecoffe, pour lui demander paffage en Irlande. David le reçut avec honneur vers la faint Michel, & ainfi le légat arriva en Irlande accompagné de Christien évêque de Lifmore dans la même île, auffi légat. Ils tinrent un concile dans le nouveau monaftère de Mellifont, ordre de Cîteaux, où fe trouvèrent les évêques, les abbés, les rois, les ducs, & les anciens de l'Irlande; & de leur confentement on établit quatre archevêques à Armac, à Dublin, à Caffel & à Touam; & on leur affigna leurs fuffragans. Les quatre premiers archevêques furent Gelafe,

autrement Giolla, Macliach, archevêque d'Armach & pri- AN. 1152. mat d'Irlande, fucceffeur de faint Malachie, Gregoire ou Sup.. LxvIII. Greri, archevêque de Dublin, Donat ou Domnaldo, Lonargam, archevêque de Caffel, & Edan ou Aeda Ohoffin, archevêque de Touam. On voit par cet exemple comment les Irlandois latinifoient leurs noms pour les adoucir. Le légat Paperon diftribua aux archevêques quatre palliums qu'il avoit apportés de Rome. Il affujettit auffi les Hibernois à la loi des mariages, à laquelle ils n'étoient pas accoutumés, & corrigea chez eux plufieurs abus. Il quitta l'Irlande après Pâque l'année fuivante 1153, & retourna par l'Ecoffe par où il étoit venu.

LXIII.

Alain, évêque d'Auxer

En France, le fiége d'Auxerre vaqua environ quinze mois, après la mort de Hugues, que faint Bernard qualifie de faint évêque. Il avoit été moine de Citeaux & premier re. abbé de Pontigni, & mourut le dixième d'Octobre 1151. Hift. Autif tom. 1. Bibl. Comme on vouloit procéder à l'élection felon la coutume, Lab. p. 463. il furvint un jeune homme qui interje:a appel, & défendit Mab. ad ep. de paffer ourre jusques à ce qu'il eût été à Rome & en fût Bern. 280. revenu: mais voyant qu'on méprifoit fon appel, trois jours après l'élection faite par les autres, il affembla ceux qu'il put & fit une autre élection. L'affaire ayant été portée au pape, il ordonna encore une nouvelle élection, & commit pour y préfider trois perfonnes, dont faint Bernard étoit un: il s'accorda avec un des deux autres, mais le troifième réclama. Saint Bernard s'adreffa au pape, qui confirma l'élection faire de la perfonne d'Alain, Flamand de nation, qui après avoir été élevé dès l'enfance dans l'églife de Lifle, fe rendit moine à Clairvaux fous faint Bernard, & fut enfuite le premier abbé de Larivoir au diocèse de Trois, & gouverna douze ans ce monaftère. On fit entendre au roi Louis que, la première élection qu'il avoit permise n'ayant pas eu lieu, on n'avoit pu en faire une autre fans une nouvelle permiffion. Mais faint Bernard lui repréfenta que le premier confentement fuffifoit, & qu'il n'étoit pas néceffaire de recourir au roi toutes les fois que le clergé fe trouvoit partagé fur ce fujet. Alain tint le fiége d'Auxerre treize ans, après lefquels il le quitta par permiffion du pape, & retourna finir fes jours à Clairvaux.

Ep. 281.

Le pape Eugene envoya deux légats en Allemagne, Bernard, prêtre cardinal du titre de S. Clement, auparavant prieur des chanoines réguliers de faint Jean de Latran, &

LXIV.

Henri, ar

chevêque de Mayence 9

dépofé.

༦.9.

Gregoire, diacre cardinal du titre de faint Ange. C'étoit pour juger la cause de Henri, archevêque de Mayence, qui étoit accufé depuis long-temps de diffiper les biens de fon églife, & avoit reçu plusieurs réprimandes fans Otto 1. Frid. fe corriger. Les deux légats fe trouvèrent avec le roi Frideric à Bamberg, où il célébra la fête de Pâque, qui cette année 1153 fut le dix-neuvième d'Avril. Saint Ep. 302. Bernard, ayant appris que l'archevêque de Mayence avoit été cité devant les légats, leur écrivit en fa faveur les priant, autant que la juftice le permettoit, de ne pas pouffer à bout ce malheureux prélat; & d'avoir égard à fa fimplicité, dont on difoit que de faux frères avoient abufé pour le furprendre. Toutefois il fut déposé à la cour que le roi tint à Vormes à la Pentecôte de la même année; & le roi fit mettre à fa place dans le fiége de Mayence Arnold fon chancelier, par l'élection de quelques députés du clergé & du peuple, qui étoient venus à cette cour. Les légats y dépofèrent aussi, par la permiffion du roi, Bouchard, évêque d'Eichftet accablé de vieilleffe, comme incapable d'agir; mais lorfqu'ils vouloient porter auffi leur jugement contre l'archevêque de Magdebourg & quelques autres, le roi les en empêcha & les renvoya chez eux. Henri déposé de Serr. liv. v. Mayence fe retira en Saxe dans un monaftère de Cîteaux, où il mourut pieufement le premier jour de Septembre de la même année.

P. 817.

AN. 1153.

LXV.

Le pape Eugene III mourut auffi la même année Mort d'Eu- 1153, le huitième de Juillet, après avoir tenu le faint gene III. fiége huit ans & près de cinq mois. Il ne venoit jamais Anaftafe IV, célébrer la meffe à faint Pierre fans y faire quelques

pape.

ap. Baron, &

nat.

Vetera mon. préfens, & il donna aux chanoines de cette église la Papebr. Co. quatrième partie des offrandes qui s'y faifoient. Il mourut à Tibur, d'où il fut porté à Rome en grande folennité & enterré dans l'églife de faint Pierre. On le regarda comme faint, quoiqu'il ne paroiffe pas avoir été honoré d'un culte public; & il fe fit plufieurs miracles à fon tombeau, dont on en fpécifie fept opérés fur divers malades. Le lendemain de fa mort neuvième de Juiller, on élut pour lui fuccéder Conrad, évêque de Sabine, Ro. main de naiffance & chanoine régulier, qui fut nommé Anastase IV. C'étoit un vieillard de grande vertu & de grande expérience dans les ufages de la cour de Rome :

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