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AN. 1131. c. 26.

c. 28.

fa dernière maladie; & lui ayant demandé comment il fe portoit, il répondit: feigneur, je fuis maintenant comme vous me voulez. Son fucceffeur fut Guillaume prieur du faint Sépulcre, homme fimple & médiocrement lettré, mais de bonne mine, & recommandable par fes moeurs. Il étoit Flamand de nation, & fort agréable au roi, aux feigneurs & à tout le peuple; & il tint ce fiège quinze ans.

L'année fuivante 1131, le roi Baudouin, fe voyant malade à la mort, fortit de fon palais fans aucune marque de fa dignité, & fe fit porter en la maifon du patriarche pour être plus près du faint Sépulcre. Là, il fit venir Melifende fa fille aînée, le comte Foulques fon gendre, & leur fils Baudouin âgé de deux ans; en présence du patriarche, des prélats & de quelques feigneurs, il leur laiffa le gouvernement du royaume & la pleine puiffance avec fa bénédiction : puis il prit un habit de religieux, & promit d'en garder les vœux s'il vivoit. Ainfi mourut le roi Baudouin du Bourg le vingtunième jour d'Août 1131, & fut enterré au faint Sépulcre avec fes deux prédéceffeurs.

Liv. XIV.C.I.

Foulques fon gendre & fon fucceffeur étoit auparavant comte d'Angers, du Mans & de Tours, fils de Foulques Rechin & de Bertrade ou Berthelée de Montfort, qui époufa depuis le roi Philippe. Foulques le jeune époufa en premières noces Guiburge fille d'Elie comte du Maine, dont il eût deux fils & deux filles. Après qu'elle fut morte il alla en pélerinage à Jérufalem, où il entretint un an durant cent chevaliers à fes dépens, & gagna les bonnes grâces du roi & des feigneurs. Etant de retour chez lui il maria fes enfans & régla fes états; & quelques années après il fut rappelé à Jérufalem par le roi Baudouin qui l'avoit choisi pour fon gendre. Il fut couronné folennellement le jour de l'exaltation de la fainte croix, quatorzième de Septembre, dans l'églite du faint Sépulcre, par le patriarche Guillaume; & quoiqu'il eût plus de foixante ans, il en régna dix.

XV.

Vita I. c. I.

Le pape Innocent étoit cependant en France, & voulut vi Le pape à fiter par lui-même le monaftère de Clairvaux, où il fut reçu Clairvaux. avec une affection fingulière, par les moines vêtus pauvrement, portant une croix de bois mal polie, & chantant modeftement. Les évêques pleuroient & le pape lui-même, & tous admiroient la gravité de cette communauté : voyant que dans une joie fi publique ils avoient tous les yeux arrêtés à terre, fans les tourner de côté ou d'autre par curiofité

riofité; enforte qu'ils ne voyoient perfonne, étant regardés de tout le monde. Les Romains ne virent rien dans cette églife, qui excitât leur cupidité: il n'y avoit que les murailles toutes nues ; & ces moines n'avoient rien de désirable que l'imitation de leurs vertus. La joie de cette réception fut toute fainte; on fervoit à manger du pain bis, des herbes, des légumes; & s'il fe trouva quelque poiffon, ce fut pour le pape. L'année précédente faint Bernard avoit refufé Mabill, Chri l'évêché de Gènes vacant par la mort de Sigefroi ; & cette Bern. année 1131 il refufa l'évèché de Châlons pour lequel il avoit été élu, & y fit mettre en fa place Geoffroi abbé de faint Medard de Soiffons.

AN. 1131.

XVI.

epift. 124.

7.

Pendant que le pape Innocent étoit en France, S. Bernard écrivit plufieurs lettres très fortes à ceux qui ne le recon- Lettres de S. noiffoient pas encore, pour les amener à son obéissance. Il Bernardpour en parle ainfi à Hildebert archevêque de Tours, que Gerard le pape d'Angoulême s'efforçoit d'attirer au parti de Pierre de Leon: tous les princes n'ont-ils pas reconnu qu'il est véritablement l'élu de Dieu ? Le roi de France, celui d'Angleterre, ceux d'Espagne, enfin le roi des Romains, reçoivent Innocent pour pape. Architophel eft le feul qui ne fait pas encore que fon confeil est découvert & diffipé. C'est Gerard 2. Reg. XVII d'Angoulême dont il parle. Il continue: le choix des plus gens de bien, l'approbation du plus grand nombre ; & ce qui eft plus fort, une probité reconnue, rendent Innocent recommandable à tout le monde. Ecrivant à Geoffroi de Loroux docteur fameux, depuis archevêque de Bordeaux, & dès-lors homme de grande autorité, il dit : les rois d'Allemagne, de France, d'Angleterre, d'Ecoffe, des Espagnes & de Jérufalem, avec tout leur clergé & leurs peuples, adhèrent au pape Innocent. Et c'eft avec juftice que l'églife reçoit celui dont la réputation eft plus entière & l'élection plus légitime, par le nombre & le mérite de ceux qui l'ont faite. Il excite ce docteur à s'oppofer à l'évêque d'Angoulême, & à ramener à l'unité de l'église le comte de Poitiers.

Enfin faint Bernard écrivit fur ce fujet une grande lettre à quatre évêques d'Aquitaine : favoir, ceux de Limoges, de Poitiers, de Perigueux & de Saintes; où il décrit ainfi la conduite de Gerard d'Angoulême. Dans la lettre qu'il a écrite depuis peu au chancelier, il demande la légation d une manière baffe & indigne ; & plût à Dieu qu'il l'eût obtenue, il n'eût guère nui qu'à lui-même. Voyez ce que fait Tome X.

C

epift. 125:

epift. 126,

l'amour de la gloire. La légation eft une charge pefante; AN. 1131. principalement à un vieillard, & toutefois cet homme fi âgé trouve plus de peine à paffer fans cette peine le peu de jours qui lui restent. Et enfuite : il écrit des premiers au pape Innocent, il demande la légation & ne l'obtint pas. Il fe fàche, il quitte le pape & paffe au parti de fon compétiteur, il se vante d'être fon légat. S'il ne l'avoit pas demandé auparavant au premier, ou s'il ne l'avoit pas enfuite reçu de l'autre, on pourroit croire que dans fa prévarication il auroit eu quelque autre vue, quoique mauvaise : mais à présent son ambition n'a point d'excuse. C'est qu'après avoir long-temps paffé pour grand entre les fiens, il rougit de fe dégrader; & voilà cette honte criminelle dont parle l'écriture, qui fait que celui qui n'est que terre & cendre craint non-feulement de fe foumettre, mais de ne pas dominer. Déjà ce légat fait à fon pape de nouveaux évêques chez vous, afin qu'il ne foit pas pape pour lui seul; & il n'attend pas que les évêques foient morts pour leur donner des fucceffeurs, il met de leur vivant des ufurpateurs dans leurs fiéges: s'appuyant de la puiffance tyrannique des feigneurs, injuftement irrités contre les évêques de leurs villes.

Eccli IV. 25.

2.

I uc. XVII.

Eft-ce gratuitement que ce légat agit ainfi pour fon pape? Il fe vante que ce pape a ajouté à fon ancienne légation la France & la Bourgogne. Il peut y joindre, s'il veut, les Medes & les Perfes, & tous les lieux où il mettra le pied, pour fe glorifier au moins de vains titres. Il ne voit pas qu'il eft la rifée de tous fes voifins: femblable à un négociant qui marchande avec plufieurs vendeurs, jufqu'à ce qu'il ait trouvé celui qui lui donne ce qu'il défire au plus bas prix, il choifit pour pape celui qui veut bien le faire légat. Ainfi Rome ne pourra avoir de pape à moins que tu ne fois légat: d'où te vient ce privilége dans l'églife de Dieu ? Tant que tu as eu quelque efpérance d'obtenir d'Innocent la grâce que tu lui demandois impudemment, il étoit faint & pape dans tes lettres: comment donc l'accufes-tu maintenant d'ètre fchifmatique ? Sa fainteté & fa dignité fe font-elles évanouies avec ta vaine espérance? Hier il étoit catholique & fouverain pontife: aujourd'hui c'est un méchant, un schitinatique, un féditieux. Hier c'étoit le faint pere Innocent: aujourd'hui c'eft Gregoire diacre de faint Ange. C'eft reffembler à ce juge inique, qui n'avoit ni crainte de Dieu, ni égard pour les hommes.

:

Saint Bernard dépeint enfuite l'ambition, qui fe décrie à mesure qu'elle fe découvre, & ne réuffit que par le fecours de l'hypocrifie; puis venant au fond de la queftion du fchifme, il parle ainfi du prétendu pape Anaclet celui-là n'eft-il pas l'homme de péché, qui après l'élection, canoniquement faite par les catholiques, a ufurpé le lieu faint, non comme faint, mais comme le plus éminent? qui l'a ufurpé, dis-je, par le fer & le feu, à force d'argent, fans mérite & fans vertu ; & qui s'y maintient de même. Car l'élection dont il fe vante n'en eft qu'une ombre & un prétexte pour couvrir la malice de fes partifans. On peut l'appeler élection, mais impudemment & fauffement: car la maxime eccléfiaftique eft conftante, qu'après une première élection il ne peut y en avoir une feconde. Suppofé donc qu'il eût manqué quelque formalité à la première, comme prétendent les ennemis de l'unité, falloit-il procéder à une autre élection, fans avoir auparavant examinė la première & l'avoir caffée juridiquement? C'eft pourquoi ceux-là font les plus coupables, qui fe font preffés, contre la défense de l'Apôtre, d'impofer les mains à ce téméraire ufurpateur : ils font les auteurs du schisme.

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Au reste, ils demandent à préfent le jugement qu'ils devoient attendre auparavant ; & ils nous offrent à contre-temps la juftice, qu'ils ont refufée quand on leur offroit: afin que fi on la leur refuse, vous parciffiez injuftes ; & que fi on l'accepte, la conteftation apporte un, délai pendant lequel il puiffe arriver quelque chofe. Vous défiez-vous de votre droit, & ne craignez-vous point que le mal augmente, quelque iffue que la cause puiffe avoir? Quoi qu'il en foit du paffé, difent-ils, nous demandons maintenant audience nous fommes prêts à fubir le jugement. C'est une fuite. Ils n'ont plus autre chofe à dire pour féduire les fimples & armer les malintentionnés. Dieu a déjà jugé, non par une fentence mais par l'évidence du fait. Ce jugement de Dieu a été reconnu & approuvé par les archevêques Gautier de Ravenne, Hildegaire de Tarragone, Norbert de Magdebourg, Conrad de Salsbourg. Il a été reconnu & fuivi par les évêques Ecbert de Munfter, Hildebrand de Piftoye, Bernard de Pavie, Landulfe d'Aft, Hugues de Grenoble, Bernard de Parme. La fainteté & l'autorité de ces

prélats, refpectable à leurs ennemis mêmes, nous a facilement perfuadés de les fuivre, nous qui leur fommes fi inférieurs en mérite & en rang, duffions-nous nous égarer avec eux. Je ne parle point de tous les autres archevêques & évêques de Toscane, de Campanie, de Lombardie, de Germanie, d'Aquitaine, des Gaules & des Espagnes, & de toute l'églife Orientale. ·

Tous de concert ont rejeté franchement Pierre de Leon, & ont reçu Gregoire pour pape fous le nom d'Innocent, fans être ni gagnés par argent, ni féduits par artifice, ni attirés par affection de la parenté, ni forcés par la crainte de la puiffance féculière; mais obéiffant à la volonté de Dieu, qu'ils n'ont ignorée ni diffimulée. Je ne nomme en cette lettre aucun de nos prélats, parce que je ne pourrois les y comprendre tous, ni en nommer quelques-uns fans foupçon de flatterie. Mais je ne dois pas omettre les faints qui font morts au monde, & ne cherchent qu'à plaire à Dieu. Les Camaldules, ceux de Vallombreuse, les Chartreux, ceux de Clugni & de Marmoutier, mes confrères de Citeaux, ceux de S. Etienne de Caën, de Tiron & de Savigni enfin toutes les communautés régulières de clercs & de moines, font attachées à Innocent à la fuite de leurs évêques.

Que dirai-je des rois & des princes de la terre? ne reçoivent-ils pas tous Innocent unanimement avec leurs fujets ? y a-t-il enfin quelque homme diftingué par fa vertu & fa réputation, en quelque rang que ce foit, qui ne foit du même avis? & ceux-ci toutefois s'opiniâtrent encore à réclamer. Ils appellent en cause toute la terre, & veulent qu'elle entre en jugement avec leur petit nombre. Qui pourroit, je vous prie, affembler une fi grande multitude de prélats & de feigneurs, pour ne pas dire de peuple? qui pourroit perfuader à tant de milliers de faints perfonnages de détruire ce qu'ils ont édifié & de fe rendre prévaricateurs? quel lieu feroit affez grand & affez sûr pour une telle affemblée ? car c'eft l'affaire de toute l'églife, & non d'un particulier. Vous voyez que vous chicanez votre mère en lui demandant l'impoffible, & vous forgez des chaînes pour ne pas rentrer

dans fon fein.

Mais foit: que Dieu change d'avis, je parle humainement; qu'il révoque fa fentence, qu'il affemble un concile de toute la terre quels juges fe donneront-ils ? car tous ont pris

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