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parti & ne conviendront pas aifément des juges: ainfi on
ne fe fera affemblé à fi grands frais que pour difputer. Je
voudrois favoir encore à qui l'antipape voudra cependant
confier Rome, qui lui a tant coûté à acquérir, qu'il possède
avec tant de fafte, qu'il craint tant de perdre. Cependant
le monde entier fe feroit affemblé inutilement, fi l'antipape
perdoit fa caufe fans perdre Rome; & d'ailleurs le pape ne
peut entrer en cause tant qu'il demeure dépouillé : ni les
lois ni les canons ne l'y obligent. Il s'agit lequel des deux
doit plutôt être reconnu pour pape. Si on compare les per-
fonnes, je dirai, fans médifance & fans flatterie, ce que l'on⚫
dit par-tout: que la réputation d'Innocent ne craint pas même
fes ennemis; & que celle de l'autre n'eft pas en fureté même
chez fes amis. Si vous examinez les élections, celle du nôtre
est la plus pure, la plus raisonnable & la première. Le
temps eft certain, les deux autres points fe prouvent par
le mérite & la dignité des électeurs. Vous trouverez, fi je
ne me trompe, que c'eft la plus faine partie des évêques,
des cardinaux, diacres & prêtres, qui ont le principal in-
térêt à l'élection du pape ; & en nombre fuffifant pour élire
felon les canons. Pour la confécration, n'avons-nous pas
l'évêque d'Oftie à qui elle appartient spécialement? S. Ber-
nard conclut fa lettre, en exhortant les évêques d'Aquitaine
à réfifter courageufement aux fchifmatiques, fur-tout à
l'évêque d'Angoulême.

ar.

XVII. Vulgrin, chevêque de

Ils lui résistèrent en effet, comme il paroît par les lettres adreffées à Vulgrin, archevêque de Bourges, par trois d'entre eux, Guillaume de Saintes, Guillaume de Péri- Bourges

93.

Inno

gueux, & Guillaume de Poitiers. Ils avoient recours à pour cent. * ce prélat comme primat d'Aquitaine, parce que Gerard Patr. Bitur. lui-même avoit envahi le fiége de Bordeaux leur métro- c. 62. tom. 2. pole. L'évêque de Saintes donna avis à l'archevêque, que bibl. Lab. p. Gerard, foutenu par le prince, a chaffé de leurs fiéges l'évêque de Poitiers & celui de Limoges, & y en a intrus d'autres. Mais, ajoute-t-il, il ne les a pas facrés, parce qu'il n'a pu avoir d'évêques. Il a auffi chaffé de fon monastère l'abbé de faint Jean d'Angeli. Il nous a tellement rendus odieux à notre prince, parce que nous n'avons pas voulu facrer fes intrus, que nous & nos chanoines avons été contraints de fortir de la ville, & d'abandonner nos maifons. Mais Dieu a permis que ce fcélérat, paffant par notre diocèfe, a été pris par Aimar

Ep. 127.

brave chevalier, notre beau-frère, qui le tient prifonnier.

C'est pourquoi nous vous prions d'écrire à l'églife de Bordeaux, qui l'a élu archevêque, & aux évêques d'Agen, de Périgueux, de Poitiers, de Limoges, & à nous, pour nous défendre de lui obéir, & caffer fon élection faite par la violence du comte, fans le confentement des fuffragans, & nonobftant l'oppofition formelle de l'évêque d'Agen: que vous donniez l'abfolution à ceux qui l'ont pris, & excommuniez ceux qui feront quelque violence pour le délivrer. Enfin que vous ordonniez aux évêques nos confrères d'aider Aimar d'argent & d'autres fecours, pour fe défendre contre notre prince & le comte d'Angoulême.

L'évêque de Périgueux prie l'archevêque de Bourges, au nom de toute la province, de les affurer qu'il demeure ferme dans l'obéiffance du pape Innocent; & qu'il les protégera pour ce fujet, & leur procurera la protection du roi de France. L'évêque de Poitiers prend le titre d'exilé pour la juftice, & prie l'archevêque d'excommunier de nouveau Gerard & fes complices. L'archevêque de Bourges écrivit, fuivant leur défir, aux quatre évêques d'Agen, de Poitiers, de Périgueux & de Saintes: qui, avec celui d'Angoulême, étoient alors tous les fuffragans de Bordeaux. La lettre eft auffi adreffée au peuple & au clergé de Bordeaux, & il les exhorte tous à demeurer fermes dans l'obéiffance du pape Innocent; à méprifer les menaces des princes & la perfecution qu'ils pourront fouffrir pour une fi juste cause, & à résister de tour leur pouvoir à Gerard d'Angoulême fchifmatique manifefte. Dans une feconde lettre il leur marque que le pape Innocent eft reconnu par les rois de France, d'Angleterre, d'Allemagne, d'Espagne, de Jérufalem, & prcfque par tous les princes du monde ; & que Gerard a été condamné & dépofé au concile de Reims.

Le duc d'Aquitaine étoit le feul au-deçà des Alpes, qui foutînt le parti de l'antipape: & S. Bernard lui écrivit vers le même temps au nom de Hugues, duc de Bourgogne, fon parent, pour l'exhorter à quitter le fchifme. Dans cette lettre il dit entre autres chofes, parlant des fchifmatiques : ils ont le duc de Pouille, mais c'est le feul prince : encore l'at-on gagné par le ridicule appât d'une couronne ufurpée. Au refte, quelles font les vertus & les bonnes qualités qu'ils publient de leur prétendu pape, pour nous exciter à le fa

vorifer? Si ce que l'on en dit par-tout eft véritable, il n'est pas digne de gouverner un village: fi ces bruits font faux, il convient toutefois au chef de l'églife d'avoir non-feulement les mœurs bonnes, mais la réputation entière.

XVIII. Traité d'Ar

les

Nous apprenons ce que l'on difoit alors contre l'antipape Anaclet, par un traité d'Arnoul, archidiacre de Séez, & noul de Seez depuis évêque de Lifieux, adreffé à Geoffroi, évêque de contre Chartres & légat du pape Innocent. Arnoul étoit alors en fchifmatiItalie, où le défir d'apprendre les lois Romaines l'avoit ques Tom, 2. Spi conduit: c'est pourquoi ne pouvant rendre d'autre fervice cil. p. 336. à l'églife pendant fon abfence, il écrivit ce traité: où il examine toute l'affaire du fchifme; & parle premièrement de Gerard d'Angoulême, puis de Pierre de Léon, & enfin du pape Innocent. Quant à Gerard, il dit que la baffeffe de fa naiffance, & la pauvreté de fes parens, l'obligèrent à quitter la Normandie & à paffer en un pays étranger, c'est-à-dire en Aquitaine; & qu'il fut élu évêque, non par fon mérite, mais par hafard: parce que deux partis divifės ne trouvèrent point d'autre moyen de finir & de faire une élection. Tu fis, lui dit-il, bátir une églife pour avoir un prétexte d'amaffer de l'argent : tu élevas aux dignités eccléfiaftiques tes neveux, gens fans lettre & fans mérite, & leur confias le gouvernement de l'églife. Tu donnois les autres bénéfices à ceux qui avoient le plus d'argent, & ne faifois ni dédicaces d'églifes, ni bénédic tions d'autels, ni ordinations, fans en tirer quelque profit. Il vient enfuite à la légation de Gerard, qui lui donnoit juridiction fur cinq archevêchés. Il convient qu'il avoit de l'habileté pour les affaires, de la fcience & de l'éloquence: mais il prétend qu'il abufa de fon pouvoir pour contenter fon avarice & fon ambition, affemblant des conciles fans befoin pour avoir le plaifir d'y préfider, & aviliffant la dignité de ces faintes affemblées.

Quant à Pierre de Léon, l'auteur dit que le Juif fon aïeul, ayant amaffé des richeffes par fes ufures, fe fit chré tien pour devenir plus puissant; & que Pierre dont il étoit queftion, portoit encore fur fon visage les marques de fon origine. Il fut, ajoute-t-il, envoyé en France, pour acquérir la bienveillance de la nation, par la conformité des mœurs & du langage; & s'étant étrangement décrié pendant fa jeuneffe, par fon infolence & fes débauches, il entra à Clugni, pour couvrir l'infamie de fa vie paffee, par la

c. I.

C. 2.

c. 3.

XIX.

réputation de ce monastère, le plus illuftre des Gaules. Etant devenu cardinal par le crédit de fa famille, il fut envoyé en diverfes légations, ou il ne fongeoit qu'à fatisfaire fa cupidité, & vivoit avec un luxe fcandaleux : deux grands repas par jour, des viandes exquifes & parfumées, une profufion qui épuifoit les revenus des évêques & des abbés; encore pilloit-il les ornemens des églises. Enfin on l'accufoit de débauches les plus abominables, d'avoir eu des enfans de fa propre fœur, & de mener avec lui une fille déguisée en homme. Telle étoit la réputation de l'antipape Anaclet.

La lettre de S. Bernard à Hildebert, archevêque de Tours, Fin d'Hil- ne fut pas fans effet ; & ce prélat demeura attaché au pape chevêque de Innocent le refte de fa vie, qui ne fut pas long. Car il mourut

debert, ar

Tours.

Vita.

dans une heureuse vieilleffe le dix-huitième de Novembre de l'année 1133, ou de la fuivante. Il est célèbre par fes écrits, qui font fes lettres au nombre de cent trente, cent quarante fermons, la vie de fainte Radegonde & celle de S. Hugues de Clugni, quelques traités moraux & théoLib. 111. ep. logiques, & grand nombre de poéfies. Il avoit auffi com.al. 83. mencé un recueil de canons; & quelques-uns lui attribuent la préface qui fe trouve à la tête de celui d'Ives de Chartres.

Foulques Rechin, comte d'Anjou, ayant fait vœu d'aller en pélerinage à faint Jacques, Hildebert lui en écrivit ainfi : Lib. 1. ep. je ne nie pas que ce ne foit un bon deffein; mais quiconque 15. al, 59. eft chargé du gouvernement, eft attaché à un devoir qu'il ne peut quitter que pour quelque chofe de plus grand & de plus utile. Entre les talens que le père de famille diftribue à fes ferviteurs, aucun docteur ne compte celui dé courir par le monde ; & faint Hilarion étant près de Jérufalem n'y alla qu'une fois, pour ne pas paroître mépriser les lieux faints. Hildebert repréfente enfuite au comte, qu'il se met en péril en paffant par les places du duc d'Aquitaine fon ennemi, & que le roi d'Angleterre défapprouve ce voyage. Puis il continue: vous me direz peut-être : j'ai fait un væu, & je me rends coupable fi j'y manque. Mais confidérez que c'est vous qui vous êtes engagé à ce vou, & que c'eft Dieu qui vous a imposé une charge: voyez fi le fruit que vous retirerez de ce voyage récompensera la perte de l'interruption de vos devoirs. Si ce dernier bien eft fans comparaison plus grand, comme on ne le peut nier: demeurez

dans votre palais, vivez pour votre état, rendez juftice, prorégez les pauvres & les églifes.

11. ep. 41.

Dans une autre lettre il parle ainfi au pape Honorius II: je vous supplie de ne pas prendre en mauvaife part al. 82. ce que je vous écris par pure néceffité & pour la juftice. Nous n'avons point appris au-deçà des Alpes, & nous ne trouvons point dans les maximes eccléfiaftiques, que l'églife Romaine doive reeevoir toutes fortes d'appellations indifféremment ; & fi on établit cette nouveauté, l'autorité des évêques périra, & la difcipline de l'églife n'aura plus aucune vigueur. Qui fera le raviffeur, qui, étant menacé d'anathème, n'appelera pas auffitôt ? Qui fera le prêtre, qui ne continuera pas fa vie fcandaleufe à l'abri d'un appel fruftratoire? Les facriléges, les pillages, les adultères inonderont de toutes parts, tandis que les évêques auront la bouche fermée par des appellations fuperflues. Et enfuite je fais, & toute l'églife l'enfeigne, que le fecours de l'appellation eft dû à ceux qui font bleffés par un jugement, qui tiennent leurs juges pour fufpects, ou qui craignent la violence d'une multitude emportée. Sur quoi il cite une fauffe décrétale du pape S. Corneille; mais il foutient qu'il faut rejeter les appellations frivoles, qui ne tendent qu'à retarder le jugement.

Dans une autre lettre Hildebert blâme un prêtre, qui avoit fait donner la queftion à un homme qu'il foupçonnoit lui avoir pris de l'argent: apparemment un homme de condition fervile. Il dit que cette procédure convient aux cours féculières, & non à la discipline de l'église; qu'il ne fied pas à un prêtre d'être bourreau, & qu'il doit plutôt laiffer un coupable impuni, que de faire fouffrir un fupplice certain pour un crime incertain. Sur quoi il cite la lettre de S. Auguftin à Macedonius.

Aug. ep. 153.

al. 54.

Les fermons d'Hildebert contiennent plufieurs points remarquables de doctrine & de difcipline. Quoiqu'il eût été difciple de Berenger, il parle très-correctement de l'eucharif

Sup. 1. XXII.

n. 2.

L'évêque de Chartres avoit interdit un prêtre pour avoir tué d'un coup de pierre un voleur qui le vouloit tuer. Après que ce prêtre eut été fept ans féparé du faint autel, l'évêque de Chartres confulta Hildebert s'il devoit le rétablir. Hildebert répondit qu'il n'en étoit pas d'avis, quoiqu'il n'eût tué que pour défendre fa vie: alléguant fur ce fujet l'autorité de 111. Off. c. 4. S. Ambroife.

ep. 6o.

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