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troupes au-devant du faint abbé jusques à fept milles. Ils AN. 1134. lui baifoient les pieds, fans qu'il pût s'en défendre; ils ar

1. 10.

1. 11. 12. 13. &c.

6. 18.

rachoient des poils de fes habits, pour fervir de remèdes aux maladies : ils marchoient devant & après avec des acclamations de joie, & le conduifirent ainfi à fon logis. On traita en public de l'affaire pour laquelle le faint abbé & les cardinaux étoient venus: toute la ville fe foumit, l'églife fut réconciliée, & la paix établie entre les peuples.

Pendant ce féjour de Milan, faint Bernard fit plufieurs miracles, principalement fur des poffédés: il les attribuoit à la foi de ce peuple, & le peuple à la vertu du faint abbé. On lui amena une femme connue de tout le monde, tourmentée depuis fept ans de l'efprit malin, le priant de la délivrer. Le faint homme étoit confus de l'opinion qu'on avoit de lui, & l'humilité lui défendoit d'entreprendre des chofes extraordinaires; d'un autre côté il rougiffoit d'avoir moins de foi que ce peuple, & craignoir d'offenfer Dieu en fe défiant de fa toute-puiffance : enfin il s'abandonna au Saint - Efprit; & s'étant mis en prière, il chaffa le démon & rendit la femme tranquille. Les affiftans, tranfportés de joie & levant les mains au ciel, rendirent grâces à Dieu; & le bruit s'en étant répandu par la ville, la mit toute en mouvement: on s'affembloit de tous côtés, on ne parloit que de l'homme de Dieu, on ne pouvoit fe raffafier de le voir ou de l'entendre: on s'empreffoit pour le toucher, ou recevoir fa bénédiction.

Il délivra encore d'autres poffèdés par la vertu de la fainte euchariftie, par l'eau-bénite & le figne de la croix : il guérit auffi plufieurs malades ; & la foule du peuple étoit fi grande à fa porte depuis le matin jufques au foir, que la foibleffe de fon corps n'y pouvant résifter, il fe mettoit aux fenêtres pour fe montrer & leur donner fa bénédiction. Ils apportoient du pain & de l'eau qu'ils lui faifoient bénir, & les gardoient comme des chofes facrées. On accouroit à Milan pour le voir des villages & des villes voifines. Il guérit plufieurs malades de la fièvre, leur impofant les mains & leur faifant boire de l'eau-bénite : il rétablit des mains féches & des membres paralytiques en les touchant ; il rendit la vue à des aveugles par le figne de la croix, en préfence de plufieurs témoins. Au milieu de tant de miracles & de tant d'applaudiffemens, le faint abbé conferva tou

Bern. ep.

131.

jours une humilité profonde; & refufa constamment l'archevêché de Milan, qu'on le preffoit opiniâtrément d'ac- AN. 1134. cepter. Ribalde fut donc élu archevêque à la place d'Anfelme fchifmatique; & le pape rendit à Milan la dignité de métropole qu'il lui avoit ôtée. S. Bernard y fit tant de converfions, qu'il y eut de quoi peupler un nouveau monaftère defon ordre, qui fut fondé dans le voisinage l'année suivante 1135, & nommé Caravalle. De Milan il paffa par ordre du pape à Pavie & à Crémone pour pacifier la Lombardie: epift. 134. mais le Crémonois, enflés de leur profpérité, ne profitèrent point de fa médiation.

nalMatthieu. Petr. Clun.

Le cardinal Matthieu, évêque d'Albane, retourna à Pife XXVI. malade d'un cours de ventre, qu'il avoit contracté tant Fin du cardi par la fatigue du voyage, que par l'ardeur du foleil : car c'étoit l'été. Il combattit pendant quatre mois & 11. mir. c demi contre fon mal, fans vouloir fe mettre au lit, ni 17. rien omettre de fes occupations ordinaires. Il travailloit affidument à la cour du pape aux affaires eccléfaftiques, il s'acquittoit fidellement de l'office divin & de la longue pfalmodie de Clugni, & difoit tous les jours la meffe fuivant fa coutume. Il réfifta ainfi depuis le quinzième de Juillet, jufques au premier de Décembre, fans que perfonne lui pût perfuader de de ménager. Enfin la première femaine de l'avent, la nature défaillant, il fut obligé de fe mettre au lit; & voyant que fa fin étoit proche, il appela les moines qui le fervoient, & les chargea de faluer de fa part l'abbé & les principaux officiers de Clugni, & fur-tour fes chers enfans de S. Martin des champs. Il faifoit fa confeffion à tous ceux qui le venoient voir, & leur demandoit l'abfolution fuivant l'ufage monaftique; c'est-à-dire leurs prières pour la rémiffion de fes péchés. En recevant le viatique il fit fa profeffion de foi fur c. 22. ce facrement, & dit : je confeffe que ce facré corps de mon Sauveur eft vraiment & effentiellement celui qu'il a pris de la fainte Vierge, qui a été crucifié pour le falut du monde, qui eft reffufcité & monté au ciel, & qui viendra juger les vivans & les morts: par lequel j'espère lui être incorporé, devenir un avec lui, & avoir la vie éternelle. Il mourut fur la cendre & le cilice, le matin du jour de Noël, & fut enterré le lendemain, après que le pape eut célébré lui-même la meffe folennelle fur le corps.

C. 20.

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c. 23.

XXVII. Retour de S.

Cependant S. Bernard revint en France; & comme il Bernard.

Diij

Vital. 11. C. 5. 11. 28.

paffoit les Alpes, les pâtres defcendoient du haut des roAN. 1134 chers & lui demandoient de loin fa bénédiction: puis ils retournoient à leurs troupeaux; fe réjouiffant de l'avoir vu, & de ce qu'il avoit étendu la main fur eux. Arrivant à Clairvaux il fut reçu par fes frères avec une joie qui éclatoit fur leurs vifages, mais fans préjudice de la gravité & de la modeftie religieufe. Il ne trouva rien de dérangé dans fa communauté après une fi longue abfence: ni plaintes à écouter, ni différents à apaifer; l'union s'y étoit confervée parfaite. Ceux dont il prenoit confeil, favoir fes frères, & le prieur Geoffroi depuis évêque de Langres, lui repréfentèrent que le monaftère ne pouvoit plus fuflire à une communauté fi nombreufe, & qu'il étoit bâti dans un lieu trop ferré pour pouvoir l'étendre; lui en montrant un plus commode. Le faint abbé leur dit vous voyez que cette maifon a été bâtie à grands frais, fi nous l'abattons, les gens du monde nous accuferont de légèreté, ou diront que les richeffes nous font tourner la tête, quoique nous ne foyons point riches: car vous favez que nous n'avons point d'argent; & par conféquent il y auroit de la témérité, felon l'évangile, à entreprendre un bâtiment. Luc. xiv. 28. Ils répondirent: cela feroit bon, fi, depuis que notre maifon eft achevée, Dieu avoit ceffé d'y envoyer des habitans: mais puifqu'il augmente tous les jours fon troupeau, il faut chaffer ceux qu'il envoie, ou pourvoir à leur logement; & il ne faut pas douter qu'il n'en prenne foin lui-même. L'abbé fe rendit; & le deffein du nouveau bâtiment étant devenu public, Thibaud comte de Champagne donna de grandes fommes pour cet effet, & en pro. mit encore plus; les évêques voifins, les nobles, les riches marchands y contribuèrent volontairement & avec joie; les moines travailloient eux-mêmes avec les ouvriers à tailler les pierres, à maçonner, à couper le bois, à conduire l'eau de la rivière par des canaux: ainfi ce grand ouvrage fut achevé beaucoup plutôt qu'on ne l'espéroit.

XXVIII.

C'est le temps où mourut l'abbé Ruper fameux par fes L'abbé Ru- écrits. Il fut premièrement moine à faint Laurent près de

pert, & fes écrits.

Liège, où il cut pour maîtres Berenger abbé de ce monaftère, & Heribrand fon fucceffeur. Il paffa fa vie à étudier & compofer des livres, dont le premier fut celui des divins offices, écrit en 1111. Il fit enfuite des commentaires fur l'écriture, fuivant un deffein qu'il s'étoit propofe, de

rapporter tout ce qu'elle contient aux œuvres des trois perfonnes de la fainte Trinité. L'œuvre du Père eft la création, depuis le commencement jufques à la chute du premier homme. L'œuvre du Fils eft la rédemption, depuis cette chute jufques à la paffion de JESUS-CHRIST : ce qui comprend la plus grande partie des livres faints. L'œuvre du Saint Efprit eft le renouvellement de la créa ture, depuis la réfurrection de JESUS-CHRIST jufques à la fin du monde. Il dédia ce grand ouvrage en 1117 à Cuno abbé de Sigeberg, & depuis évêque de Ratisbonne, fon protecteur, qui le fit connoître a Frideric archevêque de Cologne; & ce prélat le fit abbé de Duits, vis-à-vis de la même ville.

lib. 11. in

Quelques-uns fe plaignoient que Rupert & les autres fa- epift. ad Cun. vans de ce temps écrivoient trop; & ils difoient, comme il pro div. cf. le rapporte lui-même les écrits des faints nous fullifent, nous ne pouvons pas même lire tout ce qu'ils ont écrit: beaucoup moins ce que ces docteurs inconnus & fans autorité écrivent de leur tête. On reproche en particulier à Rupert d'avoir dit, que la fubftance du pain & du vin Exod. c. 10. n'eft point changée dans l'euchariftie, non plus que la fubftance du verbe dans l'incarnation. Mais il s'explique luimême, en difant que la fubftance du pain & du vin n'est point changée quant aux efpèces fenfibles; & il dit ailleurs nettement : croyons fur la parole du Sauveur ce que nous epift. ad Cun. ne voyons pas, c'eft-à-dire que le pain & le vin a paffé Jo. dans la vraie fubftance de fon corps & de fon fang. Il s'en v. Gebron explique encore en plufieurs autres endroits de fes ouvra- apol.prokup. ges. L'abbé Rupert mourut le quatrième de Mars 1135, & quelques-uns l'ont compté entre les Saints. Son nom p. 29. eft le même que Robert, felon la prononciation Allemande.

ante Evan.

Boll. 4.

Mart. 1. 6.

XXIX.

S. Bernard patte enAqui

S. Bernard ne demeura pas long-temps à Clairvaux après fon retour d'Italie. Geoffroi évêque de Chartres, légat du *pape Innocent en Aquitaine, le demanda & l'obtint, pour tame. lui aider à délivrer cette province du fchifme où Gerard . 6. n. 34. d'Angoulême l'avoit engagé. Bernard y confentit & promit de faire ce voyage, après qu'il auroit établi l'abbaye de Buzai, nouvellement fondée par Ermengarde comtesse

de Bretagne, qui fe fit elle-même religieufe. Bernard avoit l. epift. 117. déjà fait un premier voyage en Aquitaine avec Jofielin évé. & linot. que de Soiffons, par ordre du pape Innocent lorfqu'il étoit Vita n. 35.

en France, c'est-à-dire en 1131. Ils vinrent jufques à AN. 1135. Poitiers, pour conférer avec le duc & avec l'évêque d'Angoulême; mais cette entrevue fut fans effet: l'évêque Gerard s'emporta contre le pape Innocent, & anima fi furieufement fon clergé, que dès-lors ils commencèrent à perfécuter ouvertement les catholiques. Jufques-là qu'après que S. Bernard fut parti, le doyen de Poitiers brifa l'autel où il avoit célébré la meffe.

Le duc d'Aquitaine, feul appui du fchifine deçà les Alpes, étoit Guillaume IX du nom, né l'an 1099, qui t. 4. p. 438. fuccéda en 1126 à Guillaume VIII fon père. Il recon

Boll. 10. Feb.

nut d'abord le pape Innocent; puis il fe laiffa entraî-
ner dans le fchifme par l'évêque d'Angoulême. Ayant
infulté les moines de S. Jean d'Angeli le jour même de
la S. Jean, lorfqu'ils célébroient l'office, & enlevé les
offrandes, il leur en fit réparation en plein chapitre :
puis en leur préfence & de fes barons, il alla à l'église
nus pieds, des verges à la main; & profterné à terre
devant l'autel, il fe reconnut coupable; & pour répa-
ration fit au monastère une donation considérable, dont
l'acte eft daté de l'an 1131, & du pontificat d'Anaclet.
Du confentement de ce prince, Gerard s'étoit emparé
de l'archevêché de Bordeaux, fans toutefois quitter l'é-
vêché d'Angoulême. Mais l'argent qu'il avoit diftribué
à fes partisans venant à fe diffiper, & la vérité se re-
connoiffant de plus en plus, les feigneurs commençoient
à l'abandonner. Il demeuroit donc dans les lieux où il
fe croyoit le plus en fureté, & ne fe trouvoit pas volon-
tiers aux affemblées publiques.

pvns Befli.

XXX.

Cependant on fit favoir au duc, par des perfonnes qualiConverfion fiées qui l'approchoient avec plus de liberté, que l'abbé deGuillaume de Clairvaux, l'évêque de Chartres, d'autres évêques & duc d'Aquitaine. d'autres hommes pieux demandoient à conférer avec lui, 2.37. pour traiter de la paix de l'églife ; & on lui perfuada de ne pas éviter cette entrevue, parce qu'il pourroit arriver que çë qu'on croyoit impoffible deviendroit facile. On s'affembla donc à Parthenai, & on parla fi fortement fur l'unité de l'églife & le mal du fchifme, que le duc déclara qu'il pour roit confentir à reconnoître le pape Innocent: mais qu'il ne pouvoit le réfoudre à rétablir les évêques qu'il avoit chaffés de leurs fiéges, parce qu'ils l'avoient trop offenfé, & qu'il avoit juré de ne leur jamais accorder la paix. On

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