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Sup. liv.

P. 177.

rois Normands. Hugues archevêque de Rouen, qui avoit affifté ce prince à la mort, en écrivit au pape Innocent AN. 1136. en ces termes : le roi mon maître, étant fubitement tombé XLV. n. 5. malade, nous a auffitôt appelés pour le confoler, & nous Guill, Malm. avons paffe trois jours fort triftes avec lui. Il confefloit hift. Novor. fes péchés fuivant ce que nous lui difions, frappoit fa poi- "Order. lib. trine & renonçoit à toute mauvaise volonté. Par notre xi. p. 901. confeil & celui des évêques, il promettoit l'amendement de fa vie; & fous cette promeffè nous lui avons donné trois fois l'abfolution pendant ces trois jours. Il a adoré la croix de Notre-Seigneur, a reçu dévotement fon corps & fon fang, & ordonné fes aumônes en difant : que l'on acquitte mes dettes, que l'on paye les livrées & les gages que je dois, & qu'on donne le refte aux pauvres. Entin nous lui avons propofé l'autorité de l'églife touchant l'onction des malades; il l'a demandée, & nous lui avons donnée: ainfi il a fini en paix. Tel fut le témoignage de l'archevêque.

Le corps du roi fut porté à Rouen, puis à Caen: on le garda jufques à ce que la faifon permît de le porter en Angleterre, & il fut enterré au monaftère de Radingues qu'il avoit fondé. Mathilde ou Mahaud, fa fille unique, avoit époufé en premières noces l'empereur Henri V dont elle n'avoit point eu d'enfans. Après fa mort elle époufa Geoffroi comte d'Anjou, furnommé Plante-geneft, fils de Foulques alors roi de Jérufalem. Elle devoit fuccéder au royaume d'Angleterre, fuivant l'intention de fon père; mais elle fut prévenue par Etienne comte de Boulogne fon coufin-germain, fils d'Alix fœur du roi Henri, & d'Etienne comte de Blois & de Champagne. Le comte de Boulogne paffa en Angleterre, & y fut couronné roi le dimanche vingt-deuxième de Décembre 1135, par Guillaume archevêque de Cantorberi, affifté des évêques de Vincheftre & de Salisberi.

Le roi Etienne, à fon avénement à la couronne, promit de conferver les libertés de l'églife Anglicane, comme il

paroit par une chartre donnée à Oxford l'an 1136, où il tom. x. conc. reconnoît d'abord que fon élection a été confirmée par le P. 991. pape Innocent. Il promet de ne rien faire par fimonie dans les affaires eccléfiaftiques, & ne rien permettre de femblable. La juridiction fur les perfonnes eccléfiaftiques, & la dif

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tribution des biens de l'églife, demeurera aux évêques. La

AN. 1136. dignité & les priviléges des églifes & leurs anciennes coutumes feront inviolablement confervées. Les églifes poffederont librement & fans trouble, tous les biens dont elles ont joui du temps du roi Guillaume le conquérant. Si elles ont perdu quelque chofe de ce qu'elles poffèdoient alors, ou de ce qu'elles ont acquis depuis, le roi Etienne promet de leur en faire juftice. Il confervera les difpofitions que les évêques, les abbés & les autres eccléfiaftiques auront faites de leurs biens avant leur mort. Pendant la vacance du fiége tous les biens de l'église feront à la garde du clergé, ou de perfonnes de probité de la même églife. Toutes les exactions & les injuftices introduites par les vicomtes & les autres officiers, feront abolies. C'est ce que promit le roi Etienne; mais Guillaume de Malmesburi, auteur du temps, remarque que ce prince étoit léger & peu für en fes promeffes.

Il paffa en Northumbre avant le carême de la même année 1136, pour voir le roi d'Ecoffe; & le vingt-neuvième de Mars, qui étoit l'octave de Pâque, il fit tenir un concile où préfida Turstain archevêque d'Yorck, affifté de plufieurs évêques, abbés & feigneurs. Le fiége d'Excefter étoit vacant par le décès de Guillaume de Varelvaft, & l'archidiacre Robert fut élu en ce concile pour lui fuccéder: on y donna auffi deux abbayes. XXXV. Cependant l'empereur Lothaire vint en Italie, où le L'empereur Lothaire en pape l'avoit appelé dès l'année précédente: lui envoyant Italie. le cardinal Gerard & Robert prince de Capoue, chaffe Chr. Benev. de fon état par Roger roi de Sicile. C'étoit contre ce prince, l'unique protecteur de l'antipape, que le pape epift. 190. Innocent imploroit le fecours de Lothaire; à qui faint Bernard écrivit de fon côté fur le même fujet, l'exhortant à défendre l'églife contre les fchifmatiques, & epift. 140. fa couronne contre Roger qu'il traite d'ufurpateur. Il écrivit auffi à l'empereur en faveur des Pifans, à qui l'on avoit rendu de mauvais offices auprès de lui, & lui repréfenta fortement les fervices qu'ils avoient rendus à l'églife & à l'état. Et pour confoler le pape en attendant l'arrivée de l'empereur, faint Bernard lui écrivit au nom d'Alberon, archevêque de Trèves, par Hugues archidiacre de Toul, qui alloit à Rome. Il affure le pape de la fidélité de l'églife de deçà les Monts;

ap. Baron. 1135.

P. 278.

& ajoute que l'empereur prépare une puiffante armée pour la délivrance de l'églife Romaine.

AN. 1136.

En effet Lothaire paffa les Alpes en 1136, fuivi d'une epift. 176. armée nombreuse, qui répandit la terreur dans toute l'Italie; mais les affaires de Lombardie l'obligèrent à féjourner dans cette province le refte de l'année. Cependant comme il favoit quelle étoit l'autorité de l'abbé du mont. Caffin, & les grands domaines que ce monastère poffedoit dans la Campanie & dans la Pouille, il écrivit à Seignoret qui en étoit abbé, que fi quelque crainte l'avoit féparé de l'unité de l'églife, il revînt au pape Innocent reconnu de tout le monde, promettant de fa part à ce monaftère toute forte de protection. Il écrivit de même aux moines, & leur fit écrire par l'impératrice Richife fon épouse.

XXXVI.

Tentative du roi Roger fur

c. 97. 98.

Mais le roi Roger, retournant en Sicile, avoit laiffé en Pouille Guerin fon chancelier, qui voulut s'affurer du mont-Caffin pour fon maître. Il manda donc à l'abbé Sei- le mont-Cafgnoret de le venir trouver à Capoue, pour traiter des af- fin. faires du royaume avec les feigneurs du pays. L'abbé étoit Chr. Caff. v. alors grièvement malade; & étant guéri il envoya avant Noël deux de ses moines trouver le chancelier à Benevent, & lui faire fes excuses. Le chancelier lui manda de venir à Capoue après la fête, finon qu'il iroit lui-même le trouver. Les deux moines revinrent au mont-Caffin le jour de faint Jean l'évangélifte; & dirent qu'en allant & en venant ils avoient appris, par les amis du monaftère, que le deffein du chancelier n'étoit que de prendre l'abbé. Il feignit d'être encore malade; mais l'évêque élu d'Aquin manda au chancelier, que l'abbé n'étoit point pour le roi Roger, & qu'au contraire il se préparoit à recevoir l'empereur Lothaire & le pape Innocent.

Le chancelier vint au mont-Caffin la veille de l'Epiphanie, cinquième de Janvier 1137,& commanda à l'abbé de la part du roi de lui livrer auffitôt le monaftère, de fe retirer avec vingt moines, ou autant qu'il voudroit, à la fortereffe nommée Bantra ; & y emporter le tréfor de l'églife & tous leurs meubles. Que les autres moines feroient féparés dans les obediences, c'est-à-dire les prieurés dépendans de l'abbaye; dans laquelle on laifferoit quatre prêtres, & trois ou quatre autres moines, pour faire le fervice divin devant le corps de faint Benoît. Le chancelier ajouta : ce qui nous

oblige d'en ufer ainfi, c'eft que le monaftère du mont-Caffin AN. 1137. eft d'une grande réputation dans tout le monde chrétien, comme étant le plus riche d'Italie; enforte que fi l'empereur Lothaire, ou d'autres ennemis du roi s'en rendoient les maîtres, il en arriveroit de grands maux à fon royaume. L'abbé, furpris d'un tel ordre, demanda permiffion d'en délibérer, & appela les anciens du monaftère: qui lui déclarèrent tout d'une voix, qu'il ne falloit en aucune manière livrer cette maifon aux laïques, & qu'ils étoient réfolus de fouffrir plutôt les dernières extrémités; parce que, fi on confervoit le chef, on pourroit fauver les membres qui en dépendoient.

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L'abbé répondit donc au chancelier: cette affaire eft de telle importance, que nous ne pouvons vous répondre fi promptement. C'eft pourquoi nous vous demandons un délai pour appeler tous nos frères qui font dans les obediences & en délibérer en commun. Pourquoi délibérer, dit le chancelier en colère ? Vous n'aurez point de délai je vous commande de la part du roi de me donner tout maintenant une réponse précise. Et la caufe de cet ordre, c'est que Lothaire viendra avec fon pape Innocent; & nous voulons éprouver fi vous demeurerez fidelles au roi, & fi vous combattrez pour conferver fa couronne. L'abbé répondit: nous fommes prêts de le faire quand il fera befoin, & de vous en faire dèsà-préfent prêter ferment par nos vaffaux. Nous promettons de plus, de nous préparer contre les ennemis du roi, & de défendre le mont Caffin contre l'empereur. Le chancelier lui demanda avec quoi il le défendroit; & l'abbé répondit nous ferons venir de la ville de faint Germain, & de toutes les terres de notre monastère, les hommes les plus braves & les plus forts, & nous les joindrons à vos troupes. Le chancelier rejeta cette offre avec mépris & indignation: chargea les moines d'injures, les appelant fourbes & trompeurs; & fe retira en grande colère, demandant réponse dans le jour. N'en ayant point reçu, il faifoit fes préparatifs pour affiéger le mont-Caffin; ce qui obligea l'abbé de faire venir Landulfe de faint Jean, qui tenoit le parti de l'empereur. Ses troupes furent reçues dans le monaftère le troisième jour d'après l'Epiphanie, & on leur en livra les fortereffes; mais on fit une pénitence particulière dans le monaftère, pour avoir rompu le filence

en ces jours de tumulte. Cependant toutes les terres de l'abbaye fe révoltèrent contre l'abbé & les moines, excepté le château de S. Pierre du Mont-Caffin; & l'on envoya deux moines en donner avis à l'empereur Lothaire.

Le chancelier Guerin mourut à Salerne le dix-feptième jour après qu'il fut venu au mont-Caffin, dont les moines regardèrent fa mort comme une punition divine ; & un d'entre eux vit fon ame plongée dans un lac de feu. Mais l'abbé Seignoret ne le furvécut pas long-temps, & mourut le jeudi quatrième de Février 1137. Avant que l'on fut fa mort, le doyen & les moines congédièrent les gens de Landulfe, qu'ils avoient reçus dans le monaftère. Six jours fe pafsèrent avant qu'on pût procéder à l'élection d'un nouvel abbé; enfin le jour de fainte Scholaftique dix de Février, la communauté s'affembla pour cet effet: mais elle fe trouva divifée; les uns vouloient élire Rainald de Collemezzo, les autres Rainald le Tofcan. Les premiers vouloient différer l'élection, jufqu'à ce qu'on envoyât des députés au roi Roger & au pape Innocent qui étoit toujours à Pife, & que l'on reçut leurs avis; mais ils ne purent en faire convenir les autres, qui, malgré leur oppofition, prirent Rainald le Tofcan, le mirent dans la chaire de S. Benoît, & le reconnurent pour leur abbé.

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Les premiers, indignés de ce choix, envoyèrent fecréte ment un courrier aux deux moines que Seignoret avoit députés à l'empereur Lothaire : avec des lettres par lefquelles ils marquoient que Rainald le Tofcan avoit été élu féditieufement; & les chargeoient de prier l'empereur & le pape de leur donner un abbé. Ce que Rainald le Tofcan ayant appris, il traita fecrétement avec les ferviteurs du roi Roger; & fe fit confirmer l'abbaye par ce prince & par l'antipape Pierre de Leon, dont il avoit été fous-diacre. L'empereur, qui étoit à Ravenne, écouta favorablement la remontrance des députés du mont-Caffin: & fe déclara contre le nouvel abbé Rainald, en haine principalement du roi Roger, qu'il regardoit comme le plus grand ennemi de l'empire, Au mois de Mars 1137, le pape Innocent partit de Pife & vint à Viterbe pour conférer avec l'empereur, qui lui envoya Henri duc de Bavière fon gendre, avec trois mille chevaux, lui ordonnant de fe tenir aux environs de Rome, Italie. & de rétablir Robert dans fa principauté de Capoue: car Chr. Benev. l'empereur avoit réfolu cependant d'aller dans la marche ap. Baron. d'Ancone. Le pape avoit écrit à faint Bernard de venir au c. 7. n. 41.

XXXVII.
Troisième

voyage de S.

Bernard en

Vita lib. 11,

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