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fecours de l'églife, & les cardinaux avoient joint leurs AN. 1137. prières; enforte qu'il ne put se dispenser de faire un troifième voyage en Italie. Il fallut donc interrompre fes fermons fur le cantique & fes autres occupations. En partant il affembla fes moines de plufieurs endroits, leur repréfenta l'état de l'églife & la foibleffe du fchifme; les exhortant à prier pour achever de l'abattre, & à conferver la régularité pendant fon abfence. Etant Serm. 26. in arrivé en Italie il vint trouver le pape à Viterbe, Cant. n. 14. où il penfa perdre fon frère Girard qui l'avoit accompagné & qui fut malade à la mort.

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Le pape & les cardinaux ayant communiqué à Bernard leur deffein fur l'affaire préfente, il fut d'avis de la conduire par une autre voie, ne mettant point son espérance dans la force des armées. Il s'informa, par diver fes converfations, quelle étoit la puiffance des fchifmatiques & la difpofition de leurs protecteurs ; fi c'étoit par érreur ou par malice, qu'ils entretenoient ce mal. Il apprit, de ceux qu'il entretint en particulier, que les eccléfiaftiques attachés à l'antipape étoient en peine de leur fituation; qu'ils connoiffoient bien leur faute, mais qu'ils n'ofoient revenir, de peur de fe voir méprifés & couverts d'infamie: aimant mieux demeurer ainfi fous une ombre d'honneur, qu'être chaffés de leurs fiéges & exposés à mendier publiquement. Les parens de Pierre difoient que perfonne ne fe fieroit plus à eux, s'ils contribuoient à la ruine de leur maison & en abandonnoient le chef. Les autres s'excufoient fur le ferment de fidélité qu'ils lui avoient prêté ; & perfonne ne s'attachoit à ce parti, par un vrai motif de conscience.

Vita n. 42.

Bernard leur déclaroit que les confpirations criminelles, contraires aux lois & aux canons, ne pouvoient être autorifées par les fermens, ni foutenues fous prétexte de religion, puifque l'autorité divine oblige à les diffoudre. Ces difcours retiroient plufieurs perfonnes du parti de Pierre, qui fe diffipoit de jour en jour; luimême perdoit courage, voyant augmenter le crédit d'In. nocent, à mesure que le fien diminuoit. L'argent lui man. quoit, on voyoit fondre fa cour & fes domeftiques; fa table, peu fréquentée, n'étoit plus fervie que de viandes communes; fes officiers n'avoient plus que de vieux habits; ceux qu'il tenoit à fes gages étoient maigres &

chargés de dettes: la trifte image de fa maifon montroit fa ruine prochaine.

AN. 1137.

Après la conférence avec l'empereur à Viterbe, le XXXVIII. pape s'approcha de Rome, fans toutefois y vouloir en- Le pape & l'empereur trer, pour ne pas s'embarraffer dans les affaires des Roen Campa mains; mais il foumit à son obéiffance la ville d'Albane nie. & toute la Campanie. Le duc Henri gendre de l'empe- Chr. Benev Chr. Caff. Iv. reur étoit avec lui : & comme ils fe trouvèrent près du c. 105. mont-Caffin, ils y envoyèrent Richard chapelain du pape & moine de cette abbaye, savoir fi on les y vouloit recevoir, & reconnoître le pape Innocent, auquel cas ils mettroient le monaftère fous la protection de l'empereur. L'abbé Rainald, qui s'étoit livré au roi Roger & à l'antipape, résista d'abord, & chaffa l'envoyé du pape ; mais au bout d'onze jours il fe rendit au duc Henri, & reçut dans le monastère l'étendard de l'empereur. Capoue fe rendit enfuite avec toute la principauté, & Robert y fut rétabli.

Le vingt-troisième de Mai le pape & le duc Henri cam- Chr. Benev pèrent près de Benevent, où le pape envoya le cardinal Gerard propofer un accommodement. L'archevêque Rofceman, intrus par l'antipape Anaclet, s'y oppofa, & excita les citoyens à fe défendre; mais après quelque combat contre les Allemands, la ville fe rendit : le pape la garantit du pillage, délivra les prifonniers, & permit aux exilés de rentrer. On lui amena le cardinal Crefcence, qui foutenoit dans la ville le parti d'Anaclet, & le pape y mit de fa part le cardinal Gerard : l'archevêque Rofceman s'enfuit. Enfuite le pape alla joindre l'empereur au fiége de Bari, qu'il prit, & fe foumit toute la Pouille.

Alors il manda à Rainald abbé du mont-Caffin de fe Chr. Caf. v. trouver à Melfe, pour la cour qu'il y devoit tenir à la c. 108. S. Pierre. Après plufieurs ordres réitérés, l'abbé partir à la S. Jean, accompagné de plufieurs de fes moines; entr'autres de Pierre diacre & bibliothécaire du mont-Caf fin, qui a écrit cette hiftoire. L'empereur étoit campé au lieu nommé Lagopéfole près de Melfe, & le pape Innocent avec lui. Quand les moines du mont-Caffin y furent arrivés, le pape leur envoya dire, qu'avant que d'entrer au camp, ils vinffent nus pieds lui faire fatisfaction, demander pénitence d'avoir adhéré au fchifme, anathémati fer Pierre de Leon, & promettre obéiffance au pape par

ferment. L'abbé Rainald étonné appela à l'empereur, & dit AN. 1137. qu'il fuivroit fon confeil: l'empereur voulut bien fe rendre arbitre entre le pape & les moines, pour favoir s'ils devoient pafler pour excommuniés ; & l'on députa devant lui de part & d'autre.

arbitre entre

moines du mont-Caffin. c. 109.

XXXIX. Ce fut le neuvième de Juillet que l'empereur commença L'empereur à examiner l'affaire, étant affifté de Peregrin patriarche d'Ale pape & les quilée & de plufieurs autres évêques & abbes. De la part du pape y étoient le chancelier Aimeri, trois autres cardinaux,' S. Bernard & plufieurs autres: de la part du mont-Caffin, Henri duc de Bavière, Conrad duc de Suabe & plufieurs Chr. Sax. autres feigneurs, Henri évêque de Ratisbonne, & Adalbe1137. J. ron de Bafle qui mourut peu de temps après. Ainfi c'étoit un concile, où l'empereur affiftoit à l'exemple de plufieurs autres. On choifit premièrement ceux qui devoient parler; favoir Gerard, cardinal du titre de fainte Croix, pour l'églife Romaine; & Pierre diacre, pour le mont-Caffin: on nomma auffi des interprêtes pour expliquer en Allemand ce qu'on diroit en latin, & en latin ce qu'on diroit en Allemand.

34.

Le cardinal Gerard dit : l'églife qui vous a facré, invin cible empereur, ne peut affez s'étonner que vous ayez reçu des excommuniés. L'empereur répondit : c'eft de quoi il s'agit en cette difpute, de favoir s'ils font excommuniés. Gerard dir enfuite: l'églife a ordonné qu'ils promettent, Matth. v. par ferment, obéiffance au pape Innocent. A quoi Pierre diacre oppofa la défenfe générale de jurer, portée dans l'évangile; & la défenfe particulière de la règle de faint Benoît à l'égard des moines, confirmée par les lois de Charlemagne & de fes fucceffeurs. L'empereur Lothaire, les ayant vues, chargea les députés du pape de le prier de fa part de n'y point donner d'atteinte; & termina la première féance. Le lendemain le cardinal Gerard dit, que le pape ne pouvoit accorder ce que l'empereur demandoit, favoir de difpenfer les moines du ferment; & qu'il quitteroit plutôt les ornemens pontificaux. Et comme Pierre diacre dit, que fa communauté avoit toujours été fidelle à l'églife Romaine, le cardinal dit : quand vous avez laiffé le pape Innocent pour adhérer au schifmatique, n'avez-vous pas été infidelles ? Pierre répondit: dites-moi, je vous prie, eft-ce nous qui l'avons quitté, ou lui qui nous a abandonnés ? accufant Innocent d'avoir abandonné fon troupeau comme un pafteur mercenaire, lorfqu'il s'enfuit en France. Sur quoi l'empereur

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110.

dit: ce moine fait voir que, fi les ouailles ont failli, c'est la faute du pafteur, & non la leur; c'eft pourquoi il faut AN. 1137. prier le pape de leur pardonner, comme nous leur pardonnons ce qu'ils ont fait contre nous. Ainfi finit la feconde feance.

A la troisième l'empereur dit, que ce différent ne devoit point paroître une conteftation juridique; puifqu'il ne s'agiffoit que de réunir un membre au chef, & réconcilier les enfans à un père irrité, qui, après être apaifė, en fauroit gré à ceux qui les auroient tirés de fes mains. Le cardinal Gerard dit : ne favez-vous pas, feigneur, qu'ils ont conjuré, avec Roger comte de Sicile, contre l'églife Romaine & contre vous, & qu'ils ont même ofé nous anathématifer? L'empereur répondit: je fouffre patiemment ce que les moines du Mont-Caffin ont fait contre moi, & je leur pardonne de bon cœur; que le pape leur pardonne auffi ce qu'ils ont fait contre l'églife Romaine & contre lui. Le cardinal reprit: quoique nous agiffions ici pour le pape, nous ne pouvons toutefois décider fans lui une affaire de cette importance. Ainfi l'on fe fépara. La nuit fuivante comme l'empereur, à fon ordinaire, ne dormoit point, Pierre diacre fe mit à genoux devant lui, & lui fit un difcours pathétique pour relever la dignité du MontCaffin, & montrer à l'empereur qu'il étoit de fon propre

intérêt de la conferver.

C. III.

C. 112.

Dans la quatrième feflion le cardinal Gerard dit, que le pape ne pouvoit abandonner le droit épifcopal qu'il avoit fur le Mont-Caffin: mais Bertulfe chancelier de l'empereur foutint, que ce droit fe réduifoit à la confécration de l'abbé. Et comme le cardinal infiftoit fur le ferment que le pape demandoit aux moines, & difoit que le pape étoit furpris que l'empereur prit leur parti contre lui; l'empereur en colère dit:& moi je m'étonne qu'il ne veuille rien faire à ma prière, V. c. 115. n. vu qu'il y a quatorze mois que je fuis en campagne avec mon armée pour l'amour de lui: que j'ai employé à fon fervice l'argent deftiné au fervice de l'état : que je l'ai rétabli fur le faint fiége, & lui ai concilié tous les peuples de delà les Monts. Il releva enfuite la dignité du Mont-Caflin & conclut: ou l'églife Romaine recevra ce monaftère, ou l'empire fe féparera d'elle. Le cardinal promit d'en faire fon rapport au pape, & la féance finit.

Le lendemain le cardinal Gerard déclara que le pape, en

2047.

C. 113.

faveur de l'empereur, remettoit aux moines le ferment AN. 1137. de fidélité, mais non le ferment d'obéiffance; & ajouta : il nous a donné ordre de contefter l'élection de l'abbé faite par des excommuniés, en faveur d'un excommunié & d'un fchifmatique. Et premièrement le cardinal fe plaignit que cette élection eût été faite fans le confentement du pape mais Pierre diacre foutint que l'élection de l'abbé fe devoit faire librement par les moines, fuivant la règle de S. Benoît & l'ufage; & répondit aux exemples que l'on alléguoit au contraire. Le cardinal Gerard objecta enfuite que l'on avoit élu Rainald, quoique feulement fous-diacre; au lieu que les canons ordonnoient d'élire un prêtre, ou du moins un diacre, afin qu'il pût lire l'évangile. Certe objection fut fans réponfe, & l'empereur en revint à prier le pape de pardonner aux moines. Ainfi finit la cinquième féance. Alors l'empereur, touché d'eftime pour le diacre Pierre, qui avoit fi bien défendu la caufe du monaftère, le retint à son service.

c. 115.

Enfin le pape se rendit aux inftances de l'empereur, & confentit de pardonner aux moines & à l'abbé du Mont-Caffin. Donc le jour de fainte Symphorose martyre dix-huitième de Juillet, l'empereur envoya avec l'abbé Rainald & les moines, fon gendre Henri duc de Bavière, & plufieurs autres feigneurs & prélats. Quand ils approchèrent de la tente du pape, quelques cardinaux vinrent au devant, & firent faire à Rainald un ferment, par lequel il renonçoit au fchifme, à Pierre de Leon & à Roger de Sicile, & promettoit obéiffance au pape Innocent & à fes fucceffeurs. Les moines faifoient difficulté de prêter ce ferment, mais Rainald les y obligea par l'obéiffance qu'ils lui devoient. Alors étant abfous de l'excommunication, ils entrèrent nus pieds, & fe jetèrent aux pieds du pape, qui les reçut au baifer de paix. Rainald fut enfuite mené à l'empereur, à qui jufques-là il ne s'étoit point présenté: mais alors il le reçut avec grand honneur, & le mit au nombre de fes chapelains.

XL. Ambaffade de Conftanti

En ce temps-là arrivèrent auprès de l'empereur Lothaire, des ambassadeurs de Jean Comnene empereur de Conftantinople près de nople, pour le féliciter de fa victoire contre le roi Roger. Entre ces Grecs étoit un philofophe, qui commença à déclamer contre le faint fiége & toute l'église d'Occident: difant que le pape étoit un empereur, & non pas un évêque; & traitant le clergé Romain d'excommuniés & d'Azymites.

Lothaire.

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