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AN. 1139. c. 16.

c. 17.

jours il ne fera porté aux malades que par un prêtre, ou un diacre; ou en cas de néceffité par toute perfonne, mais avec un très-grand refpect. Défenfe aux religieuies de porter de fourrures de prix, comme des martres ou des hermines; d'avoir des bagues d'or, ou de frifer leurs cheveux : le tout fous peine d'anathème. Défense aux maîtres de louer à d'autres leurs écoles à prix d'argent.

En ce même concile on parla de remplir le fiége de Cantorberi, vacant depuis deux ans par le décès de Guillaume de Corbeil, qui étoit mort en 1136 après quatorze ans de pontificat. On élur Thibaut abbé du Bec, du confentement de Jeremie prieur de l'églife de Cantorberi; & il fut facré par le légat au commencement de l'an 1139, incontinent après l'épiphanie. C'étoit un homme d'une prudence & d'une douceur fingulière, & il tint le fiége vingtdeux ans. A la fin du concile, le légat invita tous les évêques d'Angleterre & plufieurs abbés à venir à Rome, pour le concile que le pape Innocent devoit tenir à la mi-carême. Pour s'y trouver lui-même à temps, il partit auffitôt après l'octave de l'épiphanie, & fut fuivi par le nouvel archevêque Thibaut, quatre autres évêques & quatre abbés, qui allèrent au concile de Rome pour tous les prélats d'Angleterre. Car le roi Etienne ne voulut pas qu'ils y alla(fent en plus grand nombre, à caufe des troubles dont le royaume étoit agité.

LII.

Depuis que le pape Innocent fut rentré à Rome, il y reFoucher ar- cut Foucher nouvel archevêque de Tyr, qui vint lui dechevêque de Tyr. mander le pallium. Il étoit d'Angoulême, abbé de la Celle, Guill. Tyr. monaftère de chanoines réguliers: mais étant perfécuté par XIV. C. II. fon évêque Girard, chef des fchifmatiques en Aquitaine, il prit congé de fes confrères & s'en alla en pélerinage à Jérufalem, où il vécut régulièrement dans la communauté du faint fépulcre. Alors Guillaume premier archevêque de Tyr d'entre les Latins mourut, & Foucher fut élu pour lui fuccéder. Il étoit médiocrement favant, mais pieux, ferme & amateur de la difcipline. Il gouverna l'église de Tyr douze ans. Après qu'il eut été facré par Guillaume patriarche de Jérufalem, il voulut aller à Rome demander le pallium, à l'exemple de fes prédéceffeurs; mais le patriarche lui fit dreffer des embûches fur le chemin, enforte qu'il n'arriva à Rome qu'à grand'peine, après avoir fouffert de mauvais traitemens & échappé à de grands périls. A fon retour il

trouva encore le patriarche indigné contre lui: enforte qu'il ne voulut pas rétablir l'églife de Tyr dans fon ancienne dignité, ni réparer les dommages que l'archevêque avoit foufferts. C'eft ce qui paroit par une lettre du pape au patriarche de Jérufalem, darée du palais de Latran le dix-feptième de Inn. epift. 4. Décembre apparemment de l'an 1138.

AN. 1139.

Le fiège de Tyr étoit anciennement le premier des treize qui relevoient immédiatement de celui d'Antioche, & qui avoient chacun fous eux plufieurs évêchés. Tyr en avoit quatorze, & portoit le titre de protothrône. Mais depuis Guill. c. 14. la conquête des Latins, le patriarche de Jérufalem prétendit que Tyr devoit être de fa dépendance, en vertu de la conceffion faite par le pape Pafcal II au roi Baudouin & au patriarche Gibelin par laquelle il foumettoit au patriarche de Jérufalem tous les évêchés dont le roi feroit la conquête. Le patriarche de Jérufalem avoit auffi donné à l'archevêque de Tyr le premier rang entre fes fuffragans: mais il lui avoit ôté trois évêchés dépendans de fa métropole, Acre, Sidon & Beryte; & le patriarche d'Antioche lui retenoit Biblis, Tripoli & Antarade : non qu'il niât qu'ils fuffent dépendans de Tyr, mais parce que l'archevêque ne le réconnoiffoit pas pour fon fupérieur. Quand l'archevêque Foucher revint de Rome, le patriarche de Jerufalem lui rendit, quoiqu'avec peine, les trois fuffragans qu'il lui retenoit ; & pour les autres, le pape leur écrivit de revenir à leur métropolitain, & au patriarche d'An- ep. 5. 6. 7. 8. tioche de les rendre.

c. 13.

LIII.

arche d'An

11. 58.

Le patriarche d'Antioche étoit alors Raoul, natif de Domfront, aux confins du Maine & de la Normandie : homme de Raoul patri guerre, magnifique & libéral, & par-là fort agréable au peu- tioche. ple & à la nobleffe. Bernard premier patriarche Latin d'An- Guill. c. 10. tioche, étant mort la trente-fixième année de fon pontificat, Sup. I. LXIV. c'est-à-dire l'an 1135, les archevêques & les évêques dépendans de ce grand fiège s'affemblèrent au palais patriarchal, pour procéder à l'élection: mais le peuple, farfs leur participation, élut tumultuairement Raoul déjà archevêque de Mamiftra, qui eft l'ancienne Mopfuefte en Cilicie, & il fut intronifé dans la chaire de faint Pierre. Les prélats qui s'étoient affemblés pour l'élection, craignant la fureur du peuple dont ils entendoient les cris, fe féparèrent, & refusèrent d'obéir à ce patriarche qu'ils n'avoient point élu; mais il ne laiffa pas de fe mettre en poffeffion de l'église & du

XV. c. 12.

palais patriarchal ; & fans s'embarraffer de demander au pape AN. 1139. le pallium, il le prit auffitôt fur l'autel de faint Pierre. Avec le temps il attira à fa communion quelques-uns de fes fuffragans, & s'il avoit vécu en paix avec fes chanoines, il auroit pu fe maintenir. Mais il les troubla dans leurs biens; & fes richeffes le rendirent fi infolent, qu'il ne comptoit pas les autres pour des hommes. Il chaffa par violence les principaux de fon église; & il en fit mettre quelques-uns en prifon & aux fers, difant qu'ils avoient confpiré contre fa vie. Ainfi il s'attira la haine publique, & fe croyoit à peine en fureté entre fes domeftiques: tant il étoit agité Guill. Tyr. des reproches de fa confcience. Ses deux principaux adverfaires étoient Lambert, archidiacre de fon églife, & Arnoul Calabrois, homme noble, lettré & habile dans les affaires, qui fut depuis archevêque de Cofence. Ils entreprirent le voyage de Rome pour y porter leurs plaintes contre le patriarche Raoul; & Raimond prince d'Antioche, qui les foutenoit, contraignit ce prélat par force à faire auffi le voyage. Arnoul prit les devants; & étant arrivé en Sicile, il alla avec fes amis & fes parens trouver le duc Roger, & lui dit : voici que Dieu met 'entre vos mains le patriarche qui vous a ôté injustement la principauté d'Antioche; il va arriver dans vos terres. Le duc donna fes ordres dans tous les ports; & Raoul qui ne fe doutoit de rien, étant arrivé à Brindes, y fut arrêté, mis aux fers, & envoyé en Sicile. Là par fon adreffe & fon éloquence il fit fa paix avec le duc fous certaines conventions, & fut renvoyé avec honneur pour aller à Rome.

D'abord il y trouva l'accès difficile auprès du pape, étant regardé comme un ennemi du faint fiége, auquel il prétendoit égaler le fien: car il difoit que la chaire de S. Pierre étoit à Antioche auffi-bien qu'à Rome, & que fon église étoit même la fœur aînée. Enfin par le moyen de fes amis il eut audience du pape, & fut reçu en présence de toute la cour avec grande magnificence. Ses adverfaires fe préfentèrent auffi; & ayant donné leurs libelles, ils étoient prêts à pourfuivre leur accufation dans les formes. Mais comme la cour vit qu'ils n'avoient pas les inftructions néceffaires pour convaincre pleinement l'accufé: on fignifia aux deux parties qu'ils fe tinffent en repos, jufqu'à ce que le pape envoyât un légat fur les lieux, pour informer plus amplement de l'affaire. Cependant le patriarche rendit le pallium qu'il

c. 13.

avoit pris à Antioche de fon autorité, au mépris, difoit-on, AN. 1139. du faint fiège; & en reçut un autre de la main du premier diacre, pris fur le corps de faint Pierre felon la coutume. Ainfi il fe retira avec les bonnes grâces du pape, & repaffa en Sicile, où le duc lui donna des galères qui le menèrent en Syrie. Mais quand il y fut arrivé, l'églife d'Antioche ne voulut pas le recevoir, & il fut obligé de fe retirer, premièrement à un monastère de la montagne noire dans le voisinage, puis chez le comte d'Edeffe, qui l'invita à venir auprès de lui. Enfin le patriarche fe réconcilia du moins en apparence avec le prince d'Antioche, & fut reçu folennellement dans la ville.

Cependant le pape envoya pour légat en Syrie, Pierre archevêque de Lyon, qui étant débarqué à Acre, alla d'abord faire fes prières à Jérufalem: mais Lambert & Arnoul le preffant de venir à Antioche; il revint à Acre, où il tomba malade & mourut, étant déjà avancé en âge. On difoit même qu'on lui avoit donné un breuvage empoifonné. Alors les adverfaires du patriarche Raoul fruftrés de leur espérance, & fatigués de la peine qu'ils avoient eue à la pourfuite de cette affaire, cherchèrent à fe réconcilier avec lui. Il rétablit Lambert dans fon archidiaconé: mais il ne voulut point pardonner à Arnoul, qui pouffé à bout & appuyé par le prince, retourna à Rome folliciter l'envoi d'un nouveau légat. Pierre archevêque de Lyon mourut le vingt-neuvième de Mai 1139, & eut pour fucceffeur Falcon doyen de la même églife; qui étant élu fut recommandé au pape par Geoffroi évêque de Langres & par faint Bernard, avec des témoignages avantageux de fon epift. 171.

Gall. Chr.

172.

mérite.

c. 15.

LIV.

tran.

Le concile général, que le pape Innocent avoit indiqué à Rome, fe tint en effet dans le palais de Latran, le huitième Concile géd'Avril 1139, qui étoit le famedi de la quatrième femaine néral de La de carême. Il s'y trouva environ mille évêques, & on le to. x. p. 999. compte pour le dixième concile général. Un auteur du temps Chr. Maurin. rapportant la harangue qu'y fit le pape, lui fait dire entr'autres choses: vous favez que Rome eft la capitale du monde,c

, que l'on reçoit les dignités eccléfiaftiques par la permiffion du Pontife Romain, comme par droit de fief, & qu'on ne peut les pofféder légitimement fans fa permiffion. Jufques ici nous n'avons point vu cette comparaifon des dignités eccléfiaftiques avec les ficfs, dont en effet la nature eft

can. 14.

c. 19. 20.

toute différente. Le difcours du pape tendoit principalement à la réunion de l'églife après le schitine : auffi étoit-ce le principal objet du concile. On y fit trente canons, qui font preique les mêmes que ceux du concile de Reims en Sup. n. 9. 1131, répétés mor pour mot, mais divifés autrement. Il eft vrai qu'on les cite plus ordinairement fous le nom du concile de Latran, comme plus nombreux & plus authentique. En celui-ci on répète la défenfe des tournois; & on fait un nouveau canon contre les arbalètriers & les archers, leur défendant d'exercer leur art contre les chrétiens & les catholiques; mais il ne paroît pas que cette défenfe ait jamais été mieux obfervée que l'autre. On défend aux laïques de pofféder les dixmes eccléfiaftiques; foir qu'ils les aient reçues des évêques, des rois, ou de quelque perionne que ce foit : & on déclare que, s'ils ne les rendent à l'églife, ils encourent le crime de facrilége & le péril de la

damnation éternelle.

AN. 1139.

Le concile défend aux chanoines, fous peine d'anathème, d'exclure de l'élection de l'évêque les hommes religieux mais il veut que l'élection fe faffe par leur confeil, ou du moins de leur confentement fous peine de nullité. Il femble que ces religieux font ceux que nous nommerions encore ainfi, c'est-à-dire, les moines & les chanoines réguliers; & ce canon eft la première preuve que je fache, de l'entreprife des chanoines des églifes cathédrales pour s'attribuer à eux feuls l'élection des évêques, à l'exclufion non-feulement des laïques, mais des curés Sup. I. LIII. & de tout le reste du clergé féculier & régulier. Car toutes ces perfonnes doivent y avoir part fuivant les canons, comme il paroît par les actes que j'ai rapportés en leur temps.

11.33.

6. 23.

6. 26.

c. 27.

Sup. liv.

LXVII. . 2.

On condamne en ce concile certaines femmes, qui fans obferver la règle de S. Benoit, de S. Bafile, ni de S. Augustin, & fans vivre en communauté, vouloient paffer pour religieufes, demeurant dans leurs maifons particulières, où, fous prétexte d'hofpitalité, elles recevoient toutes fortes d'hôtes, même peu vertueux. On défend auffi aux religieufes de venir chanter dans un même choeur avec des chanoines ou des moines. En ce concile on répète mot pour mot le troisième canon du concile tenu à Touloufe par le pape Callifte II en 1119, contre les nouveaux Manichéens qui rejetoient les facremens: ce qui montre que ces hérétiques

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