autour du monde. Elle frappa Teucer, fils de Télamon, après l'enlèvement d'Hélène. Elle punit également le chef qui commandait les mille vaisseaux. Bienheureux Ménélas! dans quelque condition que tu te sois trouvé avec ton épouse chérie, elle ne t'a causé aucun chagrin. Que le vent suspendit ou favorisât la traversée, rien ne nuisit à votre amour; ni les airs ni les flots n'arrêtèrent vos baisers; vous étiez toujours prêts à vous élancer dans les bras l'un de l'autre. Puissé-je naviguer ainsi, ma chère Pénélope! tu apaiserais le courroux des flots; avec toi, je n'aurais aucun malheur à redouter. Maintenant même, en apprenant par ta lettre que Télémaque est, comme toi, sain et sauf, tous mes maux me paraissent légers. Cependant je me plains de ce qu'il voyage encore sur des mers orageuses pour se rendre à Sparte et à Pylos. La piété filiale s'altère au milieu de tant de périls; on a eu tort d'exposer Télémaque à l'inconstance des flots. Mais son voyage touche à sa fin. Un devin a prédit que nous nous rencontrerions sur le même rivage. « Cher enfant, tu jouiras des embrassements des tiens. Je me ferai reconnaître à toi seul. Cache bien ta joie; renfermela dans le fond de ton cœur. Point de lutte violente, point de guerre ouverte. » Tel a été l'avis du devin inspiré par Apollon. Peut-être, avant qu'on ait goûté aux vins et aux mets, ma vengeance trouvera-t-elle l'occasion de vider mon carquois; et le mépris qu'on avait pour Ulysse, ô ma chère Pénélope, se changera tout à coup en admiration. Qu'il se hâte donc, qu'il se hâte de luire cet heureux jour qui ravivera notre ancien hyménée, et qui fixera enfin ton époux près de toi! II DEMOPHOONTIS AD PHYLLIDEN RESPONSIO. PHYLLIDI Demophoon patria dimittit ab urbe, THESEA, quo socero2 nequicquam, Phylli, timebas, Turpe pati nobis3! regno ferus expulit hospes : ARGUOR exsilii, quis credat? causa fuisse; II RÉPONSE DE DÉMOPHON A PHYLLIS. C'EST de sa ville natale que Démophon écrit à Phyllis, et Démophon n'a pas oublié qu'il lui doit sa patrie. Il n'a brûlé que pour Phyllis, il n'a désiré qu'elle pour épouse, et il est maintenant moins heureux qu'il ne le fut près d'elle. O ma chère Phyllis, les infortunes de Thésée, que tu craignais à tort d'avoir pour beau-père, auraient-elles ébranlé ton amour?... Quelle honte pour moi!... Un étranger l'a chassé de son trône. Voilà le terme où l'a conduit une longue vieillesse, lui qui, naguère digne émule du grand Alcide, vainquit les Méotides armées de boucliers, lui qui força Minos, son redoutable ennemi, à devenir son beau-père, Minos, qu'avait frappé d'étonnement la fuite du monstre issu de son sang. Qui le croirait? on m'accuse d'avoir été la cause de son exil; et mon frère ne me laisse pas libre de me justifier ou de me taire. << Tandis que tu pressais ton mariage avec ta chère Phyllis, me dit-il, tandis que tu fixais tes feux auprès d'une étrangère, le temps a fui d'une aile rapide, et le jour du deuil a devancé ton retour. Si tu n'as pu prévenir ce désastre, tu peux du moins le réparer. Quel charme trouves-tu donc dans le royaume de Thrace, pour préférer une maîtresse à ta patrie? » Telles sont les vives remontrances d'Acamas; tels sont aussi les reproches d'Éthra, qui touche à la fin de sa triste carrière; elle craint que ses petits-fils ne lui ferment point les P. Min. yeux, et 2 Et quod non condant nati sua lumina palmæ, << Poscunt, Demophoon, quid cessas? carbasa venti : Demophoon patrios respice jure deos. Respice; et exemplum, qua gaudes, Phyllida sume: Sic amat, ut terra nolit abire sua; Utque redire velis, non ut comitetur euntem, Te rogat; et præfert barbara regna tuis. II Quum staret cursus. jam mihi certa dies. Denique Threicia veni rate; non dare Phyllis 12 Quam potuit, jussit tardius ire ratem 12. Ignosce et fasso! memor es Minoidos ipse; Antiquus necdum pectore cessit amor; Et quoties oculis circumdat sidera, dixit : Quæ fulget cœlo, nostra puella fuit. Illum dilecta Bacchus sibi cedere jussit Conjuge; desertæ crimen at ille subit. » EXEMPLOQUE patris perjurus dicor et ipse. Nec quæris causas, Sithoni dura, moræ ; sans cesse elle m'accuse d'avoir par mes délais occasionné ce malheur. Enfin, te le dirai-je ? lorsque mon navire mouillait dans les eaux de la Thrace, tous deux ils s'écrièrent : «Que tardes-tu, Démophon? les vents appellent tes voiles. Songe, songe à tes dieux Pénates. Fais comme celle que tu adores: son amour l'a fixée dans sa patrie. Sans doute elle désire que tu la rejoignes; mais elle ne s'engage point à t'accompagner au retour. Elle préfère à ton empire un royaume étranger. » Souvent, je m'en souviens, j'opposai le silence à ces reproches, et je fis des vœux pour que les vents me fussent contraires; souvent, au moment du départ, t'enlaçant dans mes bras, je voyais avec plaisir la mer enfler ses vagues menaçantes. Non, je ne craindrai pas de le déclarer même devant mon père : « C'est à tes bienfaits que je dois ma liberté. Ce n'est point avec indifférence que je me suis séparé de ma chère Phyllis. Au lieu de me hâter de mettre à la voile, j'ai confondu mes larmes avec les siennes, et, plus d'une fois, occupé de la consoler, j'ai oublié le jour fixé pour mon départ. Enfin, je suis parti avec des rameurs de la Thrace. Phyllis n'avait pu me les refuser; mais elle leur avait recommandé de conduire lentement mon navire. O mon père, pardonne-moi cet aveu. Toi-même, souviens-toi de la fille de Minos; ton cœur n'a pas encore oublié cet ancien amour; et, toutes les fois que tu regardes les astres, tu te dis en secret : L'étoile qui brille au ciel fut jadis mon amante. Dans la suite, Bacchus te supplia de lui accorder cette épouse chérie; mais on lui reproche de l'avoir abandonnée. » Et moi aussi, comme mon père, on me traitera de parjure; et la cruelle Phyllis n'examinera pas les causes |