tuez, tuez tous ces Moines & ces. Prêtres, exterminez tous ceux qui fe mélent de gouverner. Corneille s'ap prochant luy dit confidemment qu'il étoit le Fils de Dieu. Helas mon pere, ajoûta-t'il, prenez pitié, de ce pauvre peuple. Alors le Prophete paroiffant emeu fit tirer un gobelet de biere du tonneau & le prefenta à Corneille, en luy difant Soyez rempli du faint Efprit. Corneille vuida le gobelet & fe mit à fauter & à faire mille fingeries: il commanda à tout le monde de fe defhabiller & montant fur une chaife il déclara qu'il étoit le Fils de Dieu & pouffa l'infolence jufqu'à demander à fa mere qui étoit prefente, fi elle n'étoit pas bien perfuadée d'avoir enfanté le Fils de Dieu. La bonne mere ne s'attendoit pas à une femblable demande : elle demeura interdite: enfin comme elle vit que. chacun avoit les yeux fur elle, elle prit la refolution de dire ouy: mot qu'elle ne prononça neanmoins qu'avec une espece de frayeur, & d'une voix fort baffe, cela fit naître du foupçon dans l'efprit de la plus part

de ceux qui étoient prefens, le pretendu Fils de Dieu s'en étant offenfé, & voulant charger un de ceux qui faifoient paroitre ces foupçons, il attira fur foy un orage de coups dont-il eut bien de la peine à échaper. Le faux Prophete fut peu après executé à mort. Cependant le fiege de Munfter continuoit: le faux Roy venoit de trancher luy même la tête à une de fes femmes : il voyoit rous fes projets fur la Hollande échoüez: un de fes confidens nommé Hilverfum avoit pris le parti de l'Evêque: la famine augmentoit tous les jours, & il eft prefque incroya ble que dans une femblable extre mité ce malheureux ait eu affez d'éloquence & d'habileté pour engager le peuple à fouffrir tant de miferes, plutôt que de rentrer dans fon devoir. Il avoit cependant eu foin de pourvoir fa maifon de vivres pour lix mois. Un foldat nommé Нanske Van de Langeftraat, livra la ville à l'Evêque le 24. de Juin en 1535. Le pretendu Roy fut pris & on luy fit fouffrir les fupplices les plus cruels. On voit à la page 181. une lettre de

Jacob Hutter aux Magiftrats de Moravie, qui fuffit pour prouver que l'erreur & l'impieté affectent fouvent le langage de la picté & de l'innocence, & qui peut paffer pour un rare chef d'œuvre d'hypocrifie.

On feroit trop long fi on fuivoit l'Auteur dans tout le detail qu'il fait de ce qui eft arrivé aux Anabaptiftes depuis la prife de Munfter,& fur tout de leurs frequentes divifions: mais on ne peut fe difpenfer de dire un mot de l'origine des Anabaptiftes qui font aujourd'huy répandus dans la Hollande & dans l'Angleterre. On leur donne le nom de Mennonites; parce qu'ils fuivent les fentimens d'un certain Mennon: qui de Curé Catholique s'étant fait Anabaptifte devint fort confidera-. ble parmi eux. Pour procurer à fa fecte la faveur des Puiffances qui la perfecutoient à outrance, il prit le contrepied des Anabaptiftes de Munfter; il enfeigna qu'il n'étoit pas permis aux Chrêtiens d'exercer aucune Magiftrature, de fe fervir. du glaive en aucune maniere, de faire la guerre ny de jurer: il con

damna,comme tous les autres Anabaptiftes, le baptême donné aux enfans il enfeigna après un certain Melchior Holman que la nature humaine de JESUS-CHRIST étoit confubftantielle à la Divinité; il retint beaucoup des autres erreurs que les anciens Anabaptiftes avoient enfeignées.

L'ufage de l'excommunication eft ce qui a produit de plus grandes divifions parmi les Anabaptiftes: les uns voulant que la femme & le mari dans le cas de l'excommunication de l'un des deux, fe feparaffent, par un divorce entier; les autres moderant cette rigueur; & les autres enfin ne voulant point que l'excommunication obligeât les perfonnes mariées à aucune feparation.

L'Auteur page 223. parle d'un✨ nommé Henry Nicolaï, homme ignorant mais fin & rufé, qui dogmatifoit en 1556. Il fe vantoit d'avoir des revelations de l'Ange Gabriel,il fe mettoit au deffus de Moyfe & de JESUS-CHRIST, & il feduifit plufieurs perfonnes en Angleterre. Cette hiftoirc eft bien écrite: la

narration en eft vive,liée avec beaucoup d'art, judicieufe, exacte. Les refléxions y font rares, mais folides; & la lecture en peut-être auffi agreable qu'utile. Elle peut beaucoup fervir à faire connoître de quels égaremens l'efprit humain elt capable, quand il a abandonné la regle en matiere de Religion.

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L'Auteur a omis un fait confiderable qui regarde l'hiftoire des Anabaptiftes & que nous apprenons de Caffander dans fon traité de duobus in Chrifto naturis & de quelques autres Auteurs. Au même tems que Mennon devint chef d'une fecte d'Anabaptiftes, un certain Adam Paftoris Flamand en forma auffi une, il publia fur l'Incarnation des erreurs directement oppofées à celles de Mennon. Comme celui-ci avoit pris pour maîtres les Eutychiens; Adam s'attacha à Neftorius : il parla même plus clairement que cet ancien héréfiarque,& nia ouvertement la Divinité de JESUS-CHRIST. Il fut condamné à mort l'an 1546. Je croirois aifément que ce Fla mand nommé Esprit, qui fema le