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Origine ict religieux Moines d'Egypte.

HUITIEME DISCOURS

SUR

L'HISTOIRE ECCLESIASTIQUE.
RELIGIEVX.

| Yant parlé dans tout le cours de cette histoire de l'origine & du progrés de la vie religieuse, selon que 'es occasions s'en ibàit présentées: j'ai crû devoir rassembler en un discours mes réfléxions fur ce grand íùjet,& je l'ai placé au quatorzième siécle, où cette làinte institution étoit en sa plus grande décadence. Quiconque conoît l'ciprit de l'évangile ne peut douter que la profession religieuse ne íbit d'institution divine, puisqu'elle consiste essentiellement à pratiquer deux conseils dej. C. en renonçant hUttk.xu. tti au mariage & aux biens temporels, & embrassant la continence par- tu raitc & la pauvreté. C'est ce que nous votons exécuté par S. Antoine, S. Pacomc & les autres moines d'Egypte reconus par l'antiquité pour . ks plus parfaits de tous ; & qui par conséquent doivent servir de modelés dans tous les siécles à ceux qui voudront ramener la perfection religieuse.

Òurrc les vies particulières d'un grand nombre de ces Saints, nous avons dans les œuvres de Cassicn, fur tout dans ses institutions une description éxactcdeleur maniere de vie, que j'ai raportéc dans I'histoirc & qui renferme quatre principaux articles : la solitude, Je travail, le Mst.liv.xx n. jeûne& la prière. Leur solitude, d'où leur vint le nom de Moines, ne ' 4-&e' consistoit pas seulement à se séparer des autres hommes & renoncer à leur société, mais à s'éloigner des lieux fréquentez, & habiter des déserts. Or ces déserts n'étoient pas, comme plusieurs s'imaginent, de vastes forets, ou d'autres terres abandonnées que l'on pût défricher & cultiver : c'étoit des lieux non-seulement inhabitez, mais inhabitables: des plaines immenses de fables arides, des montagnes stériles, des roches & des pierres. Ils s'arrêtoient aux endroits où ils trouvoient de l'cau, & y bâtissaient leurs cellules de roseaux, ou d'autres matières legercs ; Sí pour y arriver il falloit souvent faire plusieurs journées de chemin dans Tome JsX- *

le désert. Là persone ne leur, disputoit le terrain ; il ne falloit demander à persone la permission de s'y établir; & cene fut que long-tems aprés, H\ft. I. xxvu. lorsque les moines se surent aprochez jusques dans les Villes, que le n. 1%. concile de Calcédoine défendit de bâtir aucun Monastère fans le consen

te.co»e.f.6o9. tcment (Je l'évcque.

Lc travail des mains étoit regardé comme essentiel à la vie monastiHifl./.xix.» 15 que; &cç fut principalement Taversion du travail qui fit condamner les híretiques Massaliens. Les vrais Chrétiens coniìderoicnt que dés' Gcn. 11. l'état d'innocence Dieu avoit mis Thomme dans lc paradis terrestre pour if. y travailler;& qu'aprés son péché il lui donna pour pénitence de cul

tiver la terre, & gagner son pain à la sueur de son visage : que les plus grands Saints de l'ancien testament avoient été paílres & laboureurs : enfin que J. C. meme avoit passé la moitié de fa vie mortelle à un métier sérieux & pénible. Car on ne void pas que depuis 1 âge de douze ans jusques à celui de trente, il ait fait autre chose que travailler avec S. Mire. Ti. j. Joseph:d'où vient qu'on lc nommoit non-feulement fils de charpentier, mais charpentier lui-même. Ainsi il nous a montré par son exemple, que k vocation generalc de tout le genre humain est de travailler en hlence , à moins que Dieu ne nous apelle à quelque fonction publique pour lc service du prochain.. ■

Le travail de ces premiers moines tendoit principalement à deux fins, d'éviter l'oisiveté & î'ennui inséparable de la solitude ; & de gagner de quoi vivre fans être à charge à persone. Car ils prenoient à la-lettre .Tktst. m. 10. cette parole de S. Paul :Si quelqu'un ne veut point travailler, qu'il ne mange point non plus. Ils n'y cherchoient ni glose niexplicatson. Mais ils cnoiíìssoicnt des travaux faciles & compatibles avec la tranquillité d'esprit, comme de faire des nattes fle des corbeilles, qui étoient les Hí/7./jcvii.i>.i. ouvrages des moines Egyptiens. Les Syriens selon S. Ephrem, faisoient Efhr.pMrtn. 47. aussi de la corde , du papier ou de la toile. Quelques-uns même ne dédaignoient pas de tourner la meule,comme les plus misérables esclaves. Ceux qui avoient quelques pieces de terre les cultivoicnt eux-mêmes : mais ils aimoient mieux les métiers, que les biens en fonds , qui demandent des foins pour les faire valoir, & attirent des quereles&des procès.

Je reviens aux Egyptiens les plus parfaits de tous & les mieux conus» Hist l.xxn.t. parles relations de Cassen. Ils jeûnoient toute Tannée hors les dimanches & le tems Pascal ; & soit qu'ils jeûnassent ou non, toute leur nourC*ff.c»ll. 1x1 c. tinirc étoit du pain & de l'eau, à quoi ils s'étoíent fixés aprés de longues s;. expériences. Ils avoient aussi réglé la quantité du pain a une livre Ro

infi.Uh.c. maine par jour, c'est-à-dire, douze onces, qu'ils mangeoient en deux petits repas, l'un à none, l'autre au soir. La différence des jours qui n etoient pas jeûnes, n'étoit que d'avancer le premier repas jusques à midi, fans rien ajoûter à leur pain : mais ils vouloient que Ton prit chaque jour de la nourriture.

C'çtoit-là toute leur austérité : ils ne portoient nicilices.ni chaînes, cu carcans de fer, comme faisoient quelques moines Syriens ; car pour les disciplines ou flagellations il n'en étoit pas encore mention. L'austérité des Egyptiens consistoit dans la persévérance constante en une vie parfaitement uniforme ; ce qui est plus dur à la nature que l'alternative des pénitences les plus rudes, avec quelque relâchement,àpro

fort ion comme à la guerre, le soldat soufre toutes sortes de fatigues dans espérance d'un jour de repos & de plaisir. La prière des moines Egyptiens étoit réglée avec la même sagesse. Ils ne s ailcmbloient pour prier en commun que deux fois en vingt-quatre heures, le soir & la nuit:à ehaque fois ils recitoient douze pseaumes , insérant une oraison aprés chacun ; & ajoutant à la fin deux leçons de l'Ecriturc. Douze frerestour à tour chantoient chacun un pfeaume étant debout au milieu de l'assemblée ; & tous les autres écoutoient assis, gardant un profond silence, fans lê fatiguer la poitrine ni le reste du corps, ce que ne permettoit pas leur jeûne ni leur travail continuel ; pour apcler à la prière, une corne de bœuf leur tenoit lieu de cloche, & iutíiloit dans le silence de leurs vastes solitudes ; & les étoiles que l'on voit toujours en Egypte, leur servoient d'orloge : le tout conformément à leur pauvreté. Le reste du jour ils prioient dans leurs cellules en tra- ll t l4i vaillant : aiant reconu que rien n'est plus propre à fixer les pensées & empêcher les distractions que d'être toujours occupés: c'est ainsi qu'ils ten Joicnt à la pureté de cœur dont la récompense sera de voir Dieu. ^ ( Leur dévotion étoit de même eoût, si je l'ose dire que les pyramides & les autres ouvrages des arcie ìs Egyptiens,c'est-à-dire ,grande,simplc Se solide. Tels étoient ces moines si estimez des plus grands Saints : de S. Basile qui entreprit de si longs voïages pour les conoître par nift. Z.xi»."».u lui-même ;& qui dit, que vivant comme dans une chair étrangère, ils tf.yp. montroient par les effets ce que c'est que d'être voïageurs ici bas, & citoicns du ciel. Vous avez vû combien S. Jean Chrysostome les met- Msi.l.xix «.4. toit au-dessus des philosophes païens ; & comme il prit leur défense con- ». 8. tre ceux qui blâmoient leur institut, par les trois livres qu'il composa fur ce sujet. S. Augustin fait leur éloge en divers end roits de ses ouvra- „, ,7, ges, particulièrement dans le traité des Mœurs de l'Eglife Catholique, Df mof tttitrtm où il désic les Manichéens de lui contester les merveilles qu'il en dit. j,,

La vie monastique s'étendit bien-tôt par toute la chrétienté ; & le H nombre des moines étoit si grand, que dans l'Egypte seule, où ils étoient Règle de S. si parfaits, on en comptoitdés la hndu quatrième siécle plus de foixan- Benoist, tc-seize mille, fans ceux dont nous n'avons pas le dénombrement. La Chanoine», règle de S. Benoist écrite vers l'an 530. nous fait voir distinctement B>st.l.xxxim, l'état de la vie monastique en occident ; & il est remarquable que ce >+• grand Saint ne la donc pas comme un modelé de perfection : mais seulement comme un petit commencement, bien éloigné de la perfection des ficelés précédents. Ce qui montre combien la ferveur s'est ralentie Jitg.s.s frolog. depuis, quand on a regardé cette règle comme trop feverc ; & combien ceux qui y ont apporté, tant de mhigations étoient éloignez de l'esprit de leur vocation. á >j

S. Benoist croioit avoir usé d'une grande condescendance en accordant aux moines un peu de vin, & deux mets outre le pain, fans les obliger à jeûner toute Tannée; & S. Grégoire pape, qui vivoit.dans le même DUL iiccle, 8c cjui pratiquoit cette règle en loue particulièrement la discré

tion : mais la nature corrompuë, trouve toujours de mauvaises raisons pour se flater, & autoriser le relâchement. Nous les examinerons enfuite : j'ajoûte feulement ici, qu'il vaut mieux demeurer dans 1 état d'une vie commune, que de tendre à la perfection par une voie imparfaite.

Cependant s'étoient formées en pluiìenrs églises des communautez de clercs, qui menoient une vie approchante de celle des moines, autant que leurs fonctions le pouvoient permettre. S. Eusebe de Verceil est le premier évêque que l'on trouve avoir fait vivre ainsi son clergé; Hist.l-xiu. ». & S. Augustin suivit son exemple, comme on void par ses deux 1ermons de la vie commune. On nomma ces chanoines , & vers le milieu Wi/r./.xxiv». septième siécle, S. Chrodegang évêque de Mets, leur dona une règle, BiJlJ.xíin. ». ^ut depuis reçûë par tous les chanoines, comme celle de S. Benoist j7. par tous les moines. Ainsi voila deux sortes de religieux, les uns clercs,

les autres laïques ; car les mofhes l'étoient pour la plupart. L'objet de leur institut étoit de travailler à leur salut particulier, soit en conservant l'innocence, soit en reparant les désordres de leur vie passée par une pénitence sérieuse : les clercs vivant en commun imitoient la vie monastique, pour se précautioner contre les tentations de la vie active & de la fréquentation avec les séculiers.

Au commencement du neuvième siécle & prés de trois cens ans aprésS. Benoist, les moines se trouvèrent trés-eloignez de l'observance éxacte de la règle : parce que les monastères répandus par tout l'occident, étant independans les uns des autres, reccurent insensiblement divers ulages fur ce qui n'est point écrit dans la règle; comme la couleur & la figure de l'habit, & la qualité de la nourriture; & ces divers, usages furent des prétextes de relâchement. Pour y remédier fut fait le u 7,tê»t.f.i$oj. rcglement d'Aix-la-Chapelle en 817. au commencement du règne de tí-st.l.XLvi.». Louis le Debonairc,par les foins de S. Benoist abbé d'Anianc, avec *8' le conseil de plusieurs autres abbés de tout Tcmpire François. On y

recommande le travail des mains, dontl'abbé même n'étoit pas exempt; & il paroît qu'il y avoit encore peu de prêtres entre les moines. L'anÚU. n. xx. née précedeute 816. plusieurs évêques assemblez au même lieu, donerent aux c'rtbnoines une règle qui est comme une extension de celle de S. Chrodegang : elle fut envoiéc par tout l'empire & observée pendant plusieurs siécles.

jjl Mais dans le reste de celui-ci & le commencement du dixième, les

Ordie de Clu- ravages des Normans & les hostilitez univcrscles entre les Chrétiens gni. minèrent plusieurs églises & la plupart des monastères , comme on

H.jí./.Liv.» 44. void$)ar les plaintes du concile de Trosté tenu? en pop. L'observance tt.f.ftnf.f.j 10. monastique etoit presque éteinte en occident, quand Dieu suscita de saints personages, dont le zele ardent lui dona comme un nouveau commencement. Dés Tannée suivante 910. Guillaume duc d'Aqui- lUi-f s«r. uine sonda lc monastère de Clugni,&en dona la conduite à l'abbé Ber- Hi/./.tiv.w.+f. non, qui avec lc secours du moine Hugues, tiré de S. Martin d'Autun recueillit la tradition de l'obfervance la plus pure de la rcgle de S. Benoist, qui s etoit conservée en quelques monastères.

S. Odon successeur de Bernon perfectiona rétablissement de Clugni Hi/U.itjt. 14. & y joignit plusieurs autres monastères dont il avoit la conduite , y taisant garder lc même Ordre, c'eft-à-dire la même observance : d'où vint ensuite le nom d'ordre appliqué aux disérentes communautez, a pratiquant la même rcgle, comme l'Ordre de S. Benoist, de S. Augustin, •• de S. François & les autres. Celui de Clugni fut trés-celebre, par la verru Sc la doctrine de ses premiers abbés. S. Maieul, S. Odilon & S. Hugues : mais au bout de deux cens ans il tomba dans une grande obscurité ; & je n'y voi plus d'homme distingué depuis Pierre le Vénérable.

Or je trouve deux causes de cette chute, les richesses & la multiplication des prières vocales. Lc mérite singulier des premiers abbés de CJugni leur attira l'cstimc & l'asscction des princes , des rois & des empereurs qui les comblèrent de bienfaits : dés le tems de S. Odon H»Jf./.iv.».»4. le nombre en fut si grand qu'il en reste jusques à cent quatre-vingthuit Chartres. Ii est à craindre que ces SS. n'eussent pas allez réfléchi fur les inconveniens de la richesse, si bien marquez dans l'évangile, & conus même des philosophes païens. Les riches font naturclement orgueilleux , persuadez qu'ils n'ont besoin de perfonc, & qu'ils ne manqueront jamais de rien. C'est pourquoi S. Paul recommande à Tiino- i.Tà».?i.irj thée d'exhorter les riches à ne point s'élever dans leurs pensees, & ne pas mettre leur espérance dans les richesses incertaines. Les grands biens attirent de grands foins pour les conserver; & ces foins ne s'accordent guerc avec la tranquillité de la comtemplation, qui doit estre l'unique but de la vie monastique : ainsi dans une communauté riche , le fupeperieurau moins, & ceux qui le soulagent dans le maniement des afaires, quand ils ont véritablement l'efpritde leur état, trouvent qu'ils ne font presque plus moines. Ajoûtez que souvent l'amour propre se déguise fous le nom spécieux du bien de la communauté ; & qu'un procureur ou un ccllerier suivra son inclination naturelle pour amasser ou pour épargner, fous prétexte qu'il ne lui revient aucun avantage particulier.

La richesse commune est dangereuse même pour les particuliers. Dans une abbaïe de vingt moines, joiiissans de trente mille livres de rente, chacun est plus fìer de savoir qu'il a part à ce grand revenu; & il est tenté de mépriser les communautez pauvres, & les religieux mandians de profession. II veut profiter de la richesse de la maison, oi^pour fa commodité particulière, & être aussi-bien nourri, vêtu& loge que son observance le permet ;& quelquefois au-delà. C'est ce qui étoit Mst.l.ixvn.nà arrivé à Clugni, comme on void dans l'apologic de S. Bernard. Les moines faisoient la meilleure cherc qu'ils pouvoient en maigre , & °tHíc

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