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ANN. de appeller au Confeil. Il eût cependant bien voulu caufer quelque derangement dans le Gouvernement de cette Cour par

J. C. 1522.

DON JEAN III. ROL

par haine pour Seraph qui lui étoit odieux, & dont il craignoit D. EDOUARD également les artifices & les défiances. A cet DE MENESES effet il follicita deux Cheqs voifins & tributai

GOUVER

NEUR.

res du Roi d'Ormus, qui lui promirent d'abord d'exciter quelque mouvement, & puis après lui manquerent de parole. La négociation néanmoins alloit toûjours fon train entre Seraph & lui. Enfin il fut reglé que le Roi reviendroit à Ormus; qu'il payeroit deformais vingt-cinq mille Seraphins d'or de tribut; que tout le dommage qui avoit été fait aux Portugais feroit compenfé; mais que ceux-ci ôteroient les Of ficiers qu'ils avoient dans les doüanes, & ne se mêleroient plus des affaires du. Gouverne

ment.

Le traité figné,Cha-Mahmud envoya des préfents confiderables en joyaux & en bijoux pour le Roi & la Reine de Portugal, pour le Gou verneur des Indes & pour Don Louis, Mais Don Louis dans toute fa conduite, fit paroître un defintéressement digne d'admiration. Il est vrai qu'il n'ofa refuser le prefent du Roi d'Ormus ; mais il ne voulut pas le recevoir pour foi, & le fit joindre au prefent destiné pour la Cour de Portugal. Je fuis perfuadé que Don Louis fuivit en cela les fentimens que lui infpiroit la noblesse de son sang. Je crois néanmoins que ces

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fentimens furent un peu reveillés en lui par ANN. de une Lettre qu'il reçut d'Ignace de Bulhon facteur d'Ormus. Cet homme qui avoit été élevé dans la maison du Prieur de Crato pere de Don III. Rot. Louis, ufant de cette autorité que prennent D. EDOUARD fouvent de vieux domestiques accredités, lui GOUVER écrivit une Lettre qui prévint fon arrivée, & dans laquelle il lui difoit avec une liberté qu'on ne fçauroit trop louer, que les Miniftres des Rois d'Ormus étoient gens à qui les plus grands crimes ne coutoient rien, parce qu'ils étoient en poffeffion de les effacer par leur argent. Mais que le connoiffant comme il faifoit, il ofoit fe flatter qu'il ne voudroit pas faire une tache à son sang & à sa naissance en faisant comme les autres. Cette Lettre eut fon effet für Don Louis plus que fur Don Edouard son frere, qui lors qu'il vint ensuite à Ormus, donna lieu de foupçonner qu'il avoit fuivi d'autres maximes, ce qui irrita tellement Don Louis, qu'il fe brouilla avec lui, & s'en fépara.

Don Louis néanmoins me paroît avoir flétri le bien qu'il avoit fait d'un côté, par la trahifon qu'il fit de l'autre. Car prévoyant bien que Seraph ne tiendroit pas le principal article du traité, qui étoit de reconduire le Roi à Ormus, il entra en négociation fecrete avec Raix-ChaMifir parent de Seraph, celui-là même dont Seraph s'étoit fervi pour étrangler le Roi Torun-Cha. Il lui promit de le faire Sabandar d'Or

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ANN. de mus, s'il vouloit affaffiner Seraph & Raix Sabadin, entre les mains de qui refidoit toute l'autorité du jeune Monarque. Cha-Mifir écouta la propofition; mais ne pouvant exécuter la choD. EDOUARD fe pendant que la Flote Portugaise étoit dans le port, à caufe des mesures que prenoit Seraph pour fa conservation, il ne put s'engager qu'autant que le tems lui en donneroit la commodité. Cela obligea Don Louis à retourner dans les Indes, où il perfuada au Gouverneur fon frere d'aller en perfonne à Ormus, pour y confommer ce qu'il n'avoit fait qu'ébaucher, & fut expédié peu après lui-même pour la mer

Rouge.

Cha Mifir tint parole. Dès que Seraph & Sabadin virent la Flote partie, ils se crurent en liberté, & ne prirent plus tant de précautions pour la fûreté de leurs perfonnes. Alors ChaMifir profitant de l'occafion, Sabadin, qui tomba le premier dans fes piéges, fut maffacré. Seraph en eut tant d'effroi à la premiere nouvelle qu'il en eut, qu'il fe fauva de maifon en maison, comme un homme que la juftice poursuit. Néanmoins étant revenu à foi, il retourna chez lui, fit charger fes tréfors dans une Terrade, les mit à couvert, alla hardiment se fauver entre les mains des Portugais, & prit leur Forteresse pour afyle. Cha-Mifir devenu maître de la Cour par la retraite de Seraph, fit écrire à Norogna Gouverneur de la Fortereffe d'Ormus, au

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nom du Roi & au sien pour arrêter Seraph com- ANN. de me coupable d'une longue fuite de crimes, dont il lui envoyoit la lifte. Il l'inftruifoit enfuite de tout ce qui s'étoit paffé entre Don Louis & lui. III. Ro. Seraph fut arrêté fur ces Lettres, & conftitué D. EDOARD prifonnier dans la tour; ce qui fut fuivi du re- GOUVER tour du Roi à Ormus. Mais Seraph tout coupable qu'il étoit trouva le moyen de faire sa cause bonne. Norogna devint lui-même son plus grand partifan; & quand Don Edoüard de Menefes fut arrivé, Norogna l'engagea à voir fecretement fon prifonnier, avec lequel il conclud de le retablir dans toutes ses honneurs, moyennant deux cens mille Seraphins, dont il donneroit la moitié fur le champ, le refte payable en divers termes, & l'augmentation du tribut annuel jusques à foixante mille Seraphins. Poids énorme que l'Etat ne pouvoit comporter dans sa splendeur, & qu'il pouvoit bien moins foutenir à cette heure, qu'il étoit épuisé & ruiné. Mais c'est le propre de l'intérêt d'aveugler. Ainfi Seraph l'ennemi mortel des Portugais, fut rétabli par les Portugais même, & Cha-Mifir qui les avoit fervis, fut obligé avec fes créatures de pourvoir à fon falut par la fuite.

par

Don Louis de Menefes retournant d'Ormus aux Indes, avoit perdu un de ses Vaisseaux le gros tems. Il étoit commandé par Edouard

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ANN. de Coutinho, à qui Norogna avoit succedé dans le Gouvernement d'Ormus. Don Edouard de Meneses faisant route pour cette même Ville, perdit une de ses Galeres par un accident, dont D. DOUARD fans doute il ne fut pas le maître,mais qui flétrit beaucoup fa gloire & celle de fa nation. Sebaftien & Louis de Norogna tous deux freres, & commandant chacun une Galere, étant de l'avant de la Flote du Général, donnerent chasse à un Navire de Reinel, Ville du Golphe de Cambaïe, qui revenoit du Royaume de Pegu richement chargé, & fe trouvoit dans le parage de Diu, où il faifoit mine d'aller. Les deux freres l'ayant joint, le battirent de leur artillerie jufques à l'entrée de la nuit, se contentant alors de le garder à vûë, & comptant de le prendre le lendemain. Le Navire étoit fi criblé, qu'il couloit bas d'eau. Ceux qui étoient dedans sentant le péril, s'en fauverent par un ftratagême des plus hardis. Ils font accofter leur Vaisseau de celle des Galeres où ils entendoient le moins

de bruit, se gliffent dedans par la vergue, & d'abord à coups de pierres & de traits acculent jusques à la poupe les Portugais, qui sans faire la moindre refiftance, fe jettent à la mer pour gagner la Galere de Louis de Norogna. Celui-ci ayant recueilli une partie de ces malheureux, parmi lesquels étoit fon frere, cût pu reprendre facilement la Galere perduë; mais il n'en eut pas la penfée ou le courage. Les

Maures

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