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J. C.

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ANN. de aller contre fon Confeil l'affembla plufieurs fois, fans pouvoir le plier à venir à son sentiment; ce qui l'obligea à se tenir quelques jours dans l'inaction. Comme néanmoins il ne vouloit D. ENRIQUE pas en avoir le démenti, il eut recours à l'artifice, fecretement Don Jean de Lima à at

DON JEAN

III. RO.

DE MENESES

GOUVER

NEUR.

& engagea
taquer le boulevard des ennemis, qui étoit au
bout de la demie lune du côté duMidi.L'avis fut
envoyé à Lima par un plongeur qui portoit une
lettre dans une boule de cire.L'attaque du bou-
levard fe fit à la vûë de la Flote avec beaucoup
de fuccès. Don Enrique loua beaucoup l'action,
& après en avoir conclu qu'avec peu de mon-
de on pouvoit vaincre une multitude de barba-
res, il déclara au Confeil qu'il étoit réfolu d'at-
taquer lui-même avec toutes les forces, & par
cette déclaration, il réunit tous les avis, qui
jufques alors lui avoient été contraires.

Don Enrique ayant felicité Lima de la belle action qu'il avoit faite, avoit souhaité sçavoir de lui en quel endroit il pouvoit plus facilement débarquer. Celui-ci lui fit réponse par Don George de Lima, qui entreprit d'aller à la Flote dans un petit bateau conduit par un seul matelot. Le bateau fut coulé à fond par les ennemis; mais Don George trouva moyen de fe fauver, & ayant gagné la capitane à la nage, inftruifit de tout le Général.

Sur cela Don Enrique ayant fait avancer ses Vaiffeaux le plus près de terre qu'il lui fut

possible,

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poffible, nettoya fi bien le rivage avec fon ar- A N N. de tillerie, que les ennemis n'ofant pas s'y montrer, il fit jetter deux nuits de fuite dans la Fortereffe cent-cinquante hommes à chaque III. ROI. fois fans aucun obstacle. Le Zamorin ne l'igno D. ENRIQUE ra pas, & n'en fut pas fâché, se perfuadant que MERE le Général n'ofant en venir à une action avec NEUR lui, fe contenteroit de fournir la Citadelle de monde & de provifions, après quoi il se retireroit, ce qui ne lui ôtoit pas l'efperance qu'il avoit de s'en rendre maître; mais il fut trompé dans fon attente.

Car quelque tems avant jour,la même nuit où le fecond fecours étoit entré; DonEnrique étant convenu avec Lima de tous les fignaux, descendit dans les chaloupes avec toutes les troupes de débarquement, voguant à rames fourdes pour n'être pas preffenti. Lima en même tems fit attaquer les lignes des ennemis par Hector de Sylvéïra, & Fernand de Morales d'un côté, & lui-même il donna l'affaut par l'autre avec beaucoup de vigueur. Ceux qui étoient dans les retranchemens les abandonnerent avec beaucoup de précipitation; mais ils furent bientôt fecourus par d'autres, qui defcendirent dans les foffés, & qui croyant n'avoir affaire qu'à une poignée de gens comme dans les forties ordinaires, fe flattoient d'en venir bientôt à bout. Cependant Don Enrique débarquoit tranquillement au bruit des trompettes & des

DE MENESES
GOUVER

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ANN. de fanfares. Don George de Menefes & Don George de Tello Menefes s'étant gliffés dans les foffés chacun avec foixante hommes, y jetterent quantité de grenades, qui mirent le trouD. ENRIQUE ble parmi les ennemis. Peu après, le Général DE MENESES ayant auffi pénétré avec le corps des troupes

DON JEAN III. Roi.

GOUVER

NEUR..

y

qu'il commandoit,ce ne fut plus qu'une étrange confufion parmi les affiégeans. Les Portugais comme des loups affamés entrés dans une bergerie, ne faifoient que tuer & affommer. On admira Don George de Menefes, qui après avoir fait des coups prodigieux avec une épée à deux mains, s'étant lancé au fort de la mêlée pour fauver un des fiens qui s'étoit trop engagé, le délivra, & ayant reçu un coup dont il eut la main droite eftropiée, ne ceffa point de combattre de la gauche, avec l'épée de celui qu'il avoit fi noblement fecouru.

Enfin les ennemis après avoir perdu trois mille hommes, abandonnerent leurs retranchemens pour fe fauver dans la Ville & dans un bois de palmiers qui étoit au voifinage, & où le Général ne voulut pas qu'on les pourfuivît. Cette victoire fut une des plus belles qu'on eût remportées dans l'Inde. Le bruit s'en étant répandu jusques à la Porte, Soliman qui regnoit alors en fut rempli d'étonnement & d'admiration par la haute idée qu'il avoit des forces du Zamorin, & par la comparaison qu'il faifoit du petit nombre des Portugais avec la

multitude innombrable des ennemis qu'ils ANN. de

avoient en tête.

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DON JEAN

DE MENESES

Prefque tous les Rois tributaires du Zamorin s'étant retirés chez eux après cette action, III. Roi. ce Prince se trouva fort embarraffé, apprehen. D. ENRIQUE dant furtout extrémement que le vainqueur GOVERne fit couper les bois de palmier qui étoient NEUR. auprès de la Ville. Outre la perte que cela lui eût caufé, comme c'eft dans les Indes la marque la plus éclatante d'une victoire, c'eût été pour lui l'affront le plus fanglant qu'il eût pû recevoir. Agité de cette inquiétude, il fit venir Coje-Bequi, qui, dès l'entrée des Portugais dans les Indes, s'étoit déclaré pour eux, & avoit toûjours été leur ami fidelle. Il lui promit de le faire Sabandar de Calicut, s'il pouvoit feulement lui obtenir quatre jours de treve pour pouvoir parler de paix. Coje-Bequi s'excufa fúr fon grand âge, & demanda la charge pour un de fes enfans, fuppofé qu'il réüffît dans fa négociation; mais le Zamorin prévenant ce fuccès, la lui donna fur le champ, témoignant par-là, combien la paix lui tenoit

au cœur.

La treve fut facilement accordée en confideration de l'entremeteur; il n'en fut pas de même de la paix. Les conditions que propofoit le Général étoient extrémement dures, & le Zamorin ne pouvoit les accepter fans fe deshonorer. L'article furtout, qui lui caufoit le

AN N. de plus de peine, étoit la demande que faifoit le Général, qu'on lui livrât l'Arel de Porca.

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DON JEAN III. ROI.

Ce Seigneur qui étoit voisin & tributaire du Zamorin, avoit toûjours fuivi le parti des PorD. ENRIQUE tugais contre les intérêts de fon Prince. A l'afDE MENESES faire de Coulette Don Henrique l'ayant ap

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NEUR.

perçu qui se tenoit les bras croifés plus attentif au moment du pillage, qu'empressé à se mêler dans l'action, fit tirer fur lui, pour le reveiller une petite piece de campagne, dont il eut une jambe caffée. L'Arel outré d'un procedé fi choquant, tourna cafaque, fit fa paix avec le Zamorin, & chercha depuis les occafions de se venger, comme il fit pendant ce fiége, & peu après contre George d'Albuquerque, qui étant relevé de fon Gouvernement de Malaca, & revenant seul dans un Jonc, fut attaqué par vingt-cinq Caturs conduits par 1 Arel en perfonne; mais Albuquerque le malmena fi fort, qu'il l'obligea de fe retirer avec perte de plus de trois cens hommes.

La paix n'ayant donc pû fe terminer à l'amiable, Don Henrique qui faisoit peu d'état du Zamorin, dont il n'avoit pas befoin, & qui avoit reçu des ordres de la Cour de détruire les Fortereffes de Calicut, de Pacen & de Ceilan comme inutiles, prit le parti de les exécuter, fit évacuer la place, la fit bien miner, & fe remit à la voile. Le Zamorin & fa Cour, à qui on ne put cacher tous les apprêts d'un départ

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