XXVI.

fir de Doria 8c de fes galeres.

l'autorité du roi, il avoit obtenu de fa majefté AN. 1528. le revenu de Pimpôt du fel à Savonne, qui lui procuroit dix à douze mille écus par an, On envoie La crainte d'en être privé l'obligea a s'entenBarbelieux dre avec le chancelier du Prat, pour examipour fe fai ner devant le roi le traité que Langey avoit apporté, & ce chancelier qui flatoit Mont. morency, lorfqu'on mit l'affaire en déliberation au confeil, rejetta les propofitions de Doria, & les traita de ridicules, comme s'il eut eu deffein de donner la loi à fon maître ; il fit réfoudre enfuite qu'on lui ôteroit le generalat, & qu'on mettroit en fa place Antoine de la Roche-foucaud feigneur de Barbefieux qui fut auffi tôt envoyé avec le titre d'amiral de la mer du Levant, avec ordre de fe rendre à Genes, & de fe faifir d'André Doria & de toutes fès galeres. Mais l'affaire ne fut pas conduite fi fecretement que Doria n'en fut informé, même jufqu'aux moindres circonftances. De Savonne où il étoit, il fe retira dans Genes, où Barbefieux l'alla trouver pour conferer avec lui. Il ne refufa pas l'entrevûë que celui-ci lui demandoit, avec les préCautions neceffaires pour n'être pas furpris il fit entendre à Barbefieux, qu'il fçavoit le fecret de la commiffion, mais qu'il ne l'executeroit pas auffi aifément qu'il le croïoit; qu'il avoit ordre de fe faifir de fes galeres & de fa perfonne, qu'il ne craignoit point pour lui ; que quant aux galeres il vouloit bien readre celles du roi, mais qu'il garderoit les fien

nes.

XXVII. Doria quitAprès cette converfation qui ne fut pas te le parti longue, Doria fe retira à Portofino, & achede la Fran- va fon traité avec l'empereur à des condice, & traite tions fort avantageufes. Le marquis du Guât l'em- fon prifonnier en avoit été le médiateur ; il lui

avec

perear.

Guicciardin

lib. 6.

offrit au nom de fa majefté imperiale la charge d'amiral de toutes les flotes de la maifon AN. 1528; d'Autriche, la liberté de Genes & l'affujettiffement de Savonne à celle-ci, auffi tôt que procla ces deux places feroient ôtées aux François, Mem. du outre la principauté de Melphi & foixante Bellay, liv. mille écus d'appointemens. Cette défertion 3. de Doria fauva à l'empereur la couronne de Aug. Juft. Naples. Barbefieux fut contraint pour s'op-Raynalde pofer à un ennemi fi redoutable fur la riviere ad hunc an. de Genes, de s'arrêter long-temps à Savon- n, 19. ne pour la mettre en sûreté. Il débarqua pour renforcer la garnifon de Genes cinq cens fantaflins François, & douze cens Allemans qu'il avoit ordre de mener à Lautrec, dont l'armée périffoit de jour en jour par la contagion, outre que l'argent lui manquoit depuis long-temps. Barbefieux fut encore arrêté près de trois femaines par le pape pour lui aider à recouvrer Civita-vecchia, au lieu de porter droit à Naples le prince de Navarre, frere du roi Henri de Navarre avec le renfort qu'il conduifoit. Tous ces retardemens donnerent à Philippin Doria le temps de ravitailler Naples avec les huit galeres, & André Doria y vint lui-même conduire un convoi à la vûë de l'armée Françoise; ne faifant plus myftere de fa trahison.

2

Lautrec attendoit toujours avec beaucoup XXVIII. d'impatience le renfort qu'on lui faifoit efpe- La pefte rer, il le reçut enfin, mais au nombre de dix- continue de huit cens hommes feulement, aufquels il fal- ravager lut envoyer une escorte à Nôle, parce que Françoife.

la tempête avoit empêché de defcendre plus près. L'efcorte fut battue par les Imperiaux, & la pefte étant devenue plus violente, l'armée Françoise fut réduite au tiers dès le commencement du mois d'Août. On confeilla à

l'armée

Lautrec pour éviter la malignité de l'air, de AN. 1528. fe retirer à Capoue ou ailleurs; mais fon obfination le conduifit à fa propre ruine, & la raifon qu'il alleguoit, fut qu'il avoit écrit au roi, qu'il obligeroit ceux de Naples de fe rendre à difcretion, & qu'il y alloit prefentement de fa réputation de tenir parole; l'évenement juftifia qu'il avoit trop promis. Le camp des François devint d'abord un hôpital, & enfuite un cimetiere; le comte de Vaudemont feul capable de commander l'armée, & de fucceder à Lautrec, mourut le premier des perfonnes de qualité, Charles frere bâtard du roi de Navarre, Camille, Trivulce, & beaucoup d'autres le fuivirent de près. Lautrec fut attaqué comme eux, & fuccomba de même, il mourut la nuit du quinziéme au feiziéme d'Août de cette année 1528. & juftifia par fa mort le reproche que les Espagnols lui avoient fait fouvent, d'aimer mieux s'égarer en fuivant fon caprice, que d'aller droit, en fuivant l'avis des autres,

XXIX.

Mort d'Odet de Foix

Son corps fut porté dans Naples, & enfer mé dans une cave, où il auroit manqué de feigneur de fepulture, fi vingt-huit ans après un feigneur Lautrec. Efpagnol, ajant trouvé ce corps que fes gens Paul Jove avoient laifié dans un tombeau très-commun, in clog. ne lui en cut fait dreffer un très magnifique dans l'éloge de marbre, dans l'églife de fainte Marie la de M. de neuve de Naples, en la chapelle du duc de Lautrec. Seffa, où on lit une épitaphe latine, qui dit, Mom. de que le petit-fils du grand Gonfalve de Cor

Brantôme

Bellay 1.3.

*

* Epitaphe de Lautrec. Odeto Fuxio Lautreco Gonfalvus Ferdinandus filius Ludovici Corduba,magni Gonfalvi nepos cum ejus offa, quamvis hoftis, ut belli fortuna inlerat, fine honore jacere comperiffet, humanarum miferiarum memor, ita in avito facello duci Gallo Hifpanus princeps pofuit.

dolie voyant le corps d'Odet de Foix feigneur de Lautrec, enfeveli fans honneur, quoi- AN. 1528. qu'ennemi de la nation, après avoir fubi le fort de la guerre, lui avoit fait ériger ce monument dans la chapelle de fes ancêtres. Il avoit épousé Charlotte d'Albret troisième fille de Jean feigneur d'Orval, dont il avoit eu Gofton, François & Henri morts affez jeunes, & Claude de Foix mariée d'abord à Gui comte de Laval, enfuite à Charles de Luxembourg vicomte de Martigues. Le pape lui fit faire de magnifiques obfeques à Rome, & François I. fit la même chose dans l'église de Nôtre-Dame de Paris.

XXX.

fe retirent à

Belcarius

Après fa mort, le marquis de Saluces prit la conduite des reftes de l'armée Françoife, Les Fran& la premiere fonction qu'il en fit, fur d'écrire çois levent à Rence de Ceri & au prince de Melfi, de le le fige de venir joindre pour l'aider à lever le fiege de Naples, & Naples. Ce dernier étoit devant Gayette, & Averfe. l'avoit réduite à l'extrêmité, lorfque Doria Guicciardin vint la ravitailler avec douze galeres. Le mar- lib. 19 quis de Saluces né l'attendit Paul Jove il décampa pas bift. lib. 28. pendant la nuit, mais il ne put le faire fi fecretement que les Imperiaux n'en fuffent lib. 20. avertis; la garnifon de Naples fit une fortie Raynald. n. génerale; tous ceux des François qui étoient 10. demeurez pour former une efpece d'arrieregarde, moururent les armes à la main, & les moindres officiers & foldats furent faits prifonniers. Pierre de Navarre qui commandoit cette arriere garde, fut du nombre de ces derniers. Ce capitaine fi célebre, né d'une famille de la lie du peuple dans la Biscaye, s'étoit élevé par fon propre mérite aux premieres dignitez militaires. Il fut le premier qui inventa les mines, quoique quelques anteurs affurent que les Genois s'en étoient fer

J

XXXI.

vis avant lui. Aiant été fait prifonnier par les AN. 1528. François à la bataille de Ravenne en 1512. les Elpagnols fe mirent fi peu en peine de le faire fortir de prifon, où il languit long-temps, que dégouté d'une nation qu'il avoit fervi fi utilement, & qui étoit fi peu reconnoissante, il s'engagea au fervice du roi François I. auquel il fut toujours fidelle jufqu'en cette année 1528. qu'il fut fait prifonnier. Les Espagnols pour punir fa défertion le menerent enchaîné dans le château de Naples, où il les avoit inMort de troduits par fon adreffe vingt-huit ans auparaPierre de vant, & le firent étrangler la nuit par ordre de Paul Jove Charles V. quoiqu'il y ait des auteurs qui rapin elogio. portent qu'on l'étouffa entre deux matelats, Alwar. Go. & que felon d'autres, il foit mort de chagrin. mez bift.lib. Gonfalve Ferdinand prince de Seffa fit enterrer fon corps dans l'églife de fainte Marie la neuve wie des ca- à Naples, & y fit mettre une infcription fur pitaines é fon tombeau, qui finit par ces paroles, que la vertu a cela de propre, qu'elle fe fait admirer dans l'ennemi.

Navarre.

4.

Brantôme

trangers.

XXXII.

vent dans

riaux.

Le marquis de Saluces avec les François Les Fran qui purent échapper de la derniere défaite, çois fe fau- fe fauva dans Averfe, où il fut auffi-tôt affieAverfe, où gé; vifitant la breche, & tachant de donner ils font af du courage à fes foldats, il fut bleffé d'un figez par éclat de pierre, qui lui caffa le genoux. Cet les Impe accident le rendant inutile, & lui faifant craindre Mem. di que fes troupes ne fe débandaffent, il fut Bellay, 1.3. Contraint d'en venir à une capitulation honteufe, avant que les ennemis fuffent informez de fa bleffure. Les articles furent aliegez laifferoient toutes leurs armes, vaux, enfeignes & guidons au prince d'O range géneral de l'armée imperiale, que tous les capitaines, lieutenans & enfeignes, gensdarmes & chevaux-legers pourroient emme

, que

les