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LE MAGASIN

PITTORESQUE

LES PROPRIÉTAIRES DE CET OUVRAGE SE RÉSERVENT LE DROIT DE TRADUCTION DANS TOUS LES PAYS QUI ONT TRAITÉ AVEC LA FRANCE.

Paris. Typographie de J. Best, rue Saint-Maur-Saint-Germain, 15.

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LE MAGASIN PITTORESQUE

A SES LECTEURS

31 décembre 1862. Me voici arrivé à mon trentième anniversaire. Trente ans ! N'est-il pas merveilleux qu'un pauvre petit recueil comme moi ait déjà traversé, sain et sauf, et avec bonne envie de continuer à vivre, une si longue suite de jours où tant de choses plus grandes et assurément meilleures ont sombré et tristement péri! C'est le privilége du roseau : il a plus de chances d'échapper aux tempêtes. Mais quand on est, selon le mot de Pascal ('), « un roseau pensant», on n'est pas plus fier de cet avantage que de tout autre, on s'efforce de vivre le mieux possible, et, pour tout nouveau répit que l'on obtient, on se sent de la reconnaissance.

Que ne m'est-il possible de réunir aujourd'hui, comme en une fête de famille, tous ceux que quelque bienveillance lie à mon humble destinée! Mais où sont-ils tous ces amis inconnus? on m'assure qu'on en trouve un peu par tout, bien loin, même au delà des mers. Il faut me contenter de leur envoyer un salut affectueux. Qu'ils soient heureux, et assez longtemps pour qu'entre nous puisse se faire encore un échange de bons sentiments quand sonnera Ja cinquantaine! (2)

De jeunes amis m'ont demandé quelquefois le récit de mon histoire. A quoi bon? A moins d'en prendre prétexte pour raconter celle des autres, ce qui est assez l'usage, je n'aurais, je crois, rien de bien nouveau ni de bien curieux à dire; on me connaît.

Je suis né d'une bonne pensée. Elle a éclairé mes premiers pas; elle me guide encore : je marche sous son rayon. Le but que, dès le commencement, je m'étais proposé est toujours celui que je cherche à atteindre jamais mes regards ni mon cœur ne s'en sont un seul instant détournés. Mes anciennes promesses sont écrites; je ne crains pas qu'on les relise :

« Je voudrais bien, ai-je dit, plaire à tout le monde, » mais surtout à ceux qui ne peuvent consacrer qu'une » humble somme à leurs menus plaisirs; exercer, s'il »se peut, une influence pareille à celle de l'éducation gé»nérale que les classes de la société riches en loisirs » doivent à des relations habituelles avec les hommes distingués, à des lectures variées, choisies, et aux sou»venirs de voyages (t. Ier, 1833, p. 1); - répandre les >> éléments de conversation qui peuvent le mieux rendre » insensiblement les communications plus agréables, plus » faciles, plus intimes entre toutes les classes de la so» ciété (t. Ier, p. 3); — réveiller chez les uns les sou»venirs des choses qu'ils ont déjà connues, apprendre à

(') « L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais

c'est un roseau pensant... >>

» quelques autres des choses qu'ils ignorent (t. Ier, p. 216); » chercher à satisfaire les libres exigences de l'imagi»> nation sans fatiguer et rebuter la raison...; distinguer >> dans une infinité de désirs ceux qui sont le plus impé>> rieux et dont le retour est le plus fréquent; observer avec » convenance une proportion d'unité dans la variété... (préface du t. II, 1834); — aider au développement du » goût et du sentiment du dessin (t. II, p. 2); ---- fortifier » la volonté de faire le bien; soutenir la foi en Dieu et » en notre immortalité (passim). »

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Ai-je failli à aucun de mes engagements?

Ma conscience, du moins, me répond que je me suis appliqué à les tenir de mon mieux, suivant mes forces et les moyens qui étaient à ma disposition.

J'ai traversé des temps où plus d'une lettre officieuse m'invitait à faire des concessions au goût ou à la mode du jour. Dans celle-ci on me reprochait de paraître par trop indifférent aux passions des « partis»; dans celle-là on m'aurait voulu moins sérieux, moins moraliste, moins préoccupé d'instruction et de « conviction spiritualiste »; on m'aurait mieux aimé plus léger, plus plaisant ou plus romanesque. J'ai résisté, persuadé que, même si j'avais eu la faiblesse de m'y essayer, je n'aurais jamais eu le malheureux courage de démentir mon caractère, et que, de plus, j'aurais été fort maladroit à pareille besogne; c'est une vieille vérité, qu'on ne fait bien que ce qu'on sent et ce qu'on aime.

Ajouterai-je, nullement par vanité, mais pour le bon exemple, que ma persévérance a été récompensée; je serais ingrat si j'élevais la moindre plainte. Les encouragements ne m'ont jamais manqué : les uns sont descendus de bien haut; des hommes dont la supériorité intellectuelle a fait honneur à la France n'ont pas dédaigné de me témoigner leur sympathie ou même de m'aider plus d'une fois de leur collaboration (5); d'autres approbations nombreuses, pour m'être venues de foyers lointains, obscurs ou pauvres, ne m'ont pas été les moins précieuses. A qui est-il le plus naturel que je désire plaire, sinon à ceux qui ont la modestie et la bonté de croire que je puis leur être utile, à titre de distraction ou d'enseignement sans grande prétention, et de conseils sincères?

Continuons donc, lecteurs fidèles, moi à vous servir, vous à m'être bienveillants. La main qui trace pour moi ces lignes est la même qui a écrit, il y a trente ans, mon titre sur ma première page. Grâce à Dieu, elle ne tremble pas encore, et certainement elle ne m'abandonnera pas tant qu'elle aura la force de porter le poids léger d'une plume, car je sais bien que j'ai toujours été le plus cher et le plus ED. CH. doux de ses travaux.

(*) Souhait du recueil, bien entendu, non du rédacteur. Il n'y a pas de vie moyenne pour les livres. Plusieurs recueils périodiques ana- (3) Quelques-uns nous ont permis de les nommer. - Voy. la liste des logues au Magasin pittoresque, fondés à Londres de 1730 à 1740, rédacteurs à la fin de la Table des vingt premières années. Voy. aussi par exemple the Gentleman's Magazine (1731), existent encore et la note du tome XX, 1852, page 34 (la Notice de la page 38 a été se maintiennent dans l'estime publique. écrite pour le Magasin pittoresque par M. Biot), et passim.

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Saint Augustin et sa mère, peinture d'Ary Scheffer. - Dessin de Chevignard, d'après la gravure de Beaugrand,
éditée par M. Dusacq.

«Peu de temps avant le jour où ma mère devait quitter | connaissiez, Seigneur,

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le monde, jour que nous ignorions et que vous seul de vos secrets desseins, que nous nous trouvâmes seuls,

TOME XXX.-JANVIER 1862.

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