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Or, ils peuvent prefque toujours les faire exécuter, même par les plus rebelles, en implorant contre eux, comme le Droit le leur permet, le fecours du bras féculier.

Il eft fouvent très-dangereux, en voulant arracher l'ivraie, par l'excommunication, d'arracher en même tems le bon grain. Ainfi', par exemple, en excommuniant un homme puiflant, qui a beaucoup d'empire fur un grand nombre de Fidèles, qui en eft fingulièrement eftimé, ou qui les a pour complices de fon crime, on pourroit du même coup, les frapper mortellement.

Dans ce cas, on violeroit le précepte de J. C., fi l'on employoit l'excommunication; & le bien commun doit faire fupporter patiemment dans le champ du Seigneur, cette ivraie, puifqu'elle y fait moins de mal encore que l'on en cauferoit en l'en arrachant. Il eft donc fage & prudent de l'y laiffer croître jufqu'à la moiffon. Il l'eft auffi de fouffrir en paix les coupables, lorfqu'ils font trop nombreux pour employer contre eux l'excommunication, Et, en général, il ne faut pas l'employer contre une multitude.

CHAPITRE VII.

De l'effet de l'Excommunication,

LE PREMIER & le plus terrible effet de l'excommunication majeure, eft de retrancher abfolument du corps de l'Eglife, le membre qu'elle frappe, & de le reléguer parmi les payens & les publicains.

Ainfi, l'excommunié eft privé de tout ce qui appartient au membre de l'Eglife comme membre de l'Eglife, & que l'on doit dénier aux payens.

Il doit donc être exclu de la perception des Sacremens, des Offices publics & des Prières faites par les Fidèles, ou pour les Fidèles comme membres du Corps de J. C.

Mais il eft permis de prier pour lui comme on prie pour les Schifmatiques, &, en général, pour tous ceux qui font hors de l'Eglife.

A ces effets de l'excommunication, qui dérivent des paroles mêmes de J. C., & qui se bornent à mettre l'excommunié au rang Mmm

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payens, mais non dans un pire état; les Apôtres & leurs fucceffeurs en ont ajouté d'autres, lefquels font qu'on refufe à l'excommunié ce qu'on ne refuferoit pas aux payens ni aux publicains.

Ainfi, pour préferver plus fûrement les Fidèles de la contagion de l'excommunié, & pour le couvrir lui-même d'une plus grande & plus falutaire confufion, on leur a défendu tout entretien avec lui, toute efpèce de fociété pour les chofes civiles. Mais cette défense ne paroît être que de Droit humain ; & l'Eglife qui l'a faite, peut la modifier ou même la retirer abfolument, fi la prudence ou les circonftances l'exigeoient. C'est du moins ce qu'enfeignent allez communément les Canoniftes & les Théologiens de l'Ecole. C'eft fur ce fondement que l'on a reftreint ce dernier effet de l'excommunication auquel on avoit fouvent donné trop d'étendue.

On a donc ftatué que l'excommunication ne feroit point encourue par ceux qui communiqueroient, fans le connoître pour tel, avec l'excommunié, ni par fa femme, fes enfans, fes domestiques, &c, Elle n'eft point encourue non plus, par ceux qui communiquent avec ceux qui ont communiqué avec lui. Décret de Gratien, cauf. 11, quest. 3, canon 103.

Afin de tempérer encore plus les effets terribles de l'excommunication majeure, on a établi que la communication avec celui qui en eft frappé, ne feroit encourir que l'excommunication mineure, pourvu cependant que l'on n'eût point trempé dans fon crime, ou communiqué avec lui, par mépris pour la puiffance des Clefs, jou après avoir été fpécialement averti de l'éviter.!

On a auffi mis des bornes aux effets de l'excommunication encourue par le fait ou par la loi. Ainfi, fuivant l'Extravagante ou le Décret, de Martin V, ad evitanda, l'on n'eft obligé d'éviter celui qui fe trouve dans le cas de cette excommunication, qu'après que la Sentence du Juge qui le déclare expreflément & nommément excommunié par la loi, à été fuffifamment publiée.

Voilà pourquoi les Hérétiques qui font en France, n'étant notés que par une Sentence générale, & qui ne défigne perfonne en particulier, quoiqu'ils foient notoirement Hérétiques, nous communiquons fans fcrupule avec eux.

Ce Décret de Martin V, eft par-tout reçu. Mais il faut remarquer qu'il met à fa décision une exception importante pour les pays où cette exception eft adoptée. Elle ne l'eft point en France;

& l'on n'y eft par conféquent obligé d'éviter celui qui a frappé violemment un Clerc, qu'aux mêmes conditions que l'on doit éviter tout excommunié d'une excommunication encourue par le fait.

Il y a aujourd'hui fort peu de cas où l'on encoure l'excommunication majeure, en communiquant avec un excommunié même juridiquement & publiquement dénoncé. Cette peine a licu, 1.o lorfque l'on communique fciemment avec lui dans le crime pour lequet il a été excommunié & dénoncé, en l'y appuyant, foit par fes confeils, foit par d'autres fecours. Voyez le chapitre Nuper, 29 x, de

Sentent. excommunicat.

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2. Elle a lieu contre le Clerc qui communique de lui-même & d'après fa feule volonté, dans les chofes de l'Office divin, avec celui qu'il fait être nommément excommunié par le Pape. Voyez le chapitre Significavit, 18 x, de Sentent. excomm.

Hors ces deux cas, on n'encoure, prefque jamais, que l'excommunication mineure, en communiquant avec un excommunié juridiquement dénoncé.

CHAPITRE VII I.

Des Cenfures injuftes & invalides,

ON APPELLE proprement Cenfure injufte, celle qui n'eft pas fondée fur une cause légitime, bien qu'on n'ait rien omis dans la forme ou dans la manière de l'infliger.

Cette cenfure eft en elle-même abfolument nulle, & ne fauroit lier en aucune façon devant Dieu ou dans le for intérieur, la victime qu'elle frappe injuftement. Et toutefois, il faut s'y conformer publiquement & dans le for extérieur; parce qu'autrement, on se feroit manifeftement foupçonner de méprifer la puiffance des Clefs & l'autorité de fon Juge.

En effet, il eft bien fûr que, manquant de cause raisonnable, cette censure eft injufte; mais cette injuftice n'étant pas pleinement notoire, la cenfure pafle publiquement pour jufte & légitime, parce qu'elle a été portée fuivant la forme du Droit. Ainfi, jusqu'à ce que l'injuftice de fa cause foit publiquement & juridiquement prouvée,

on doit s'y foumettre à l'extérieur, de peur de caufer du scandale ou de faire méprifer aux foibles, l'autorité du Juge & des cenfures légitimes, juridiquement impofées.

Et d'ailleurs, quelle fource inépuifable de troubles ne feroit-ce pas ouvrir dans l'Eglife & dans l'Etat, que de permettre aux Particuliers de fe rendre Juges des Sentences de leurs Supérieurs, & de ne pas s'y foumetre lorfqu'ils les jugeroient injustement portées ?

des

moyens

Au refte, il y a, contre les cenfures injuftes, des remèdes ou autorifés par la justice & le droit. par La première, c'eft d'en appeller au Juge eccléfiaftique, immédiat fupérieur de celui qui a porté la cenfure injufte dont on se plaint.

Cet appel a cela de particulier, qu'il n'a pas, comme les appels des fentences définitives, un effet fufpenfif. Il n'empêche donc point que la fentence d'excommunication ou de toute autre cenfure, n'ait fon exécution, c'est-à-dire, que celui qui s'en trouve frappé ne doive s'y foumettre dans le for extérieur, même après fon appel, jufqu'à ce que le Supérieur devant lequel il l'a interjetté, l'en ait juridiquement relevé. Cet appel n'a donc que l'effet dévolutif en faveur du Juge auquel il eft porté.

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Or celui-ci ne peut abfoudre ou relever de la cenfure encourue, qu'après en avoir pleinement reconnu l'injuftice, par une nouvelle inftruction de la caufe.

On remarque pourtant, d'après les Docteurs, que l'appel des cenfures peut avoir, à-la-fois, l'effet exécutif & l'effet fufpenfif. Ce qui a lieu lorfque la cenfure étant portée fous condition, celui qui en eft l'objet, en appelle avant que la condition soit remplie. Par exemple, un Juge déclare, par fa Sentence, Sempronius excommunié ou interdit, s'il ne fatisfait à telle Loi, dans l'efpace de vingt jours. Il appelle de cette Sentence avant que ces vingt jours foient écoulés. Cet appel a l'effet fufpenfif; en forte que celui qui l'a interjetté, peut agir enfuite comme s'il n'y avoit point de Sentence comminatoire portée contre lui; & il n'a plus rien à craindre que du Juge fupérieur devant lequel fon appel est pendant.

Quand donc on dit que l'appel d'une cenfure n'a pas l'effet fufpenfif, c'eft uniquement lorsqu'il eft interjetté, comme il arrive

pour l'ordinaire, après que la cenfure eft réellement infligée, &, que l'appellant s'en trouve déja frappé.

L'appel d'une cenfure comminatoire en arrête tellemen ttout l'effet que le Juge dont on a appellé ne peut plus validement procéder à la dénonciation de cette cenfure. Et la raison, c'est que cet appel a fur ce fujet, abfolument fufpendu fa jurisdiction.

La récufation du Juge ne la fufpend pas moins. Ainfi, tandis que cette récufation eft pendante, le Juge ne peut, faute de jurifdiction, dénoncer une cenfure valide contre celui qui l'a récufé.

Outre l'appel, qui eft le remède ordinaire contre les cenfures injuftes, il en est un extraordinaire; c'est le recours aux Tribunaux féculiers.

Si donc un Juge eccléfiaftique, négligeant la voie ordinaire & l'ordre preferit par le droit, procède par voie de fait, à l'infliction de la cenfure, & qu'il en abufe pour opprimer fes fujets, ceux-ci font en droit de recourir extraordinairement contre cette violence à la puiflance du Souverain. Et celui-ci, non-feulement peut, mais il doit les délivrer de l'oppreffion. C'est le propre en effet de la puiffance du Roi; de défendre le foible & l'opprimé, qu'il foic Clerc ou Laïc; puisque l'un & l'autre font également ses sujets, membres de fes Etats.

Ainfi les Juges royaux, auxquels on a recours, ne connoiffent point de la justice ou de l'injuftice des cenfures, ou de la caufe principale: ils connoiflent feulement de la violence ou de l'oppreffion.

Condamné par un Juge eccléfiaftique, un particulier en appelle à un Juge eccléfiaftiqne fupérieur : nonobftant cet appel, le premier Juge pourfuit par les cenfures l'exécution de la Sentence, & viole ainfi l'ordre du droit, fuivant lequel l'appel interjetté lui lioit les mains.

Le particulier appelle de cette violence aux Tribunaux féculiers. Ceux-ci ne connoîtront point de la Sentence dont l'opprimé a d'abord appellé; ils outrepafleroient leur pouvoir & l'étendroient injuftement fur la Jurifdiction eccléfiaftique. Ils examineront feulement fi le premier appel a été légitimement interjetté. Et dans ce cas, ils jugeront que le Juge inférieur qui n'y a point déféré, mais a preffé par la cenfure l'exécution de fa fentence, eft coupable de violence; ils arrêteront cette violence en vertu de l'autorité

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