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pour fatisfaire aux neceffitez de la nature; il ne fe charge point de ce qui lui paroît fuperflu; il ne cherche point à augmenter des biens qu'il regarde comme étrangers à fon égard & dont il doit être privé dans peu de jours; les grandeurs ni les honneurs ne le touchent point; les plaifirs ne font aucune impreffion fur fon cœur ; la profperité la plus parfaite ne l'attache point au monde ; il ne s'occupe que de la Jerufalem celefte; il foupire après elle; il s'efforce d'y monter par la ferveur de fes défirs; il prie le Seigneur de l'y introduire au plûtôt ; & en attendant un fi grand bonheur

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fe conduit dans le ficcle prefent comme un homme qui n'y a prefque plus d'interêt, & qui doit le quitter peut-être demain, peutêtre aujourd'hui, peut-être dans un moment.

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Il craint même que le bruit & le tumulte des affaires & que la frequentation des gens du monde ne lui faffe oublier que fa vie ne doit durer que tres-peu de tems, c'eft pourquoi il dit fouvent à Dieu au milieu de fa plus parfaite fanté & de la plus grande jeuneffe: Pau- «f. tor. citatem dierum meorum nuncia mihi : Seigneur &14、 faites moi voir la brieveté de ma vie ; ne per- « mettez pas que je m'imagine pouvoir mener c ici-bas une tres-longue vie, & que mon cœur ce fous ce pretexte s'attache aux biens periffables de la terre. Faites au contraire que je vive comme devant mourir au plûtôt, que je ne ce neglige aucuns momens d'un tems fi court & «e fi précieux, que je m'exerce dans la pratique des bonnes œuvres, & que je marche avec ce ferveur & avec perfeverance dans les voies de la juftice pendant que la lumiere luit encore ce fur moi, de peur que la nuit ne me furprenne, & ne me mette hors d'état d'operer mon falut. «e gemit auffi en lui-même de l'aveuglement ce & de la corruption des impies, qui à la vuë de «

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la mort qui les menace continuellement, qui doit les enlever au premier jour, prennent la refolution de fe gorger de vin & de viandes Sap. 2.& de goûter toutes fortes de plaifirs. Le tems 1 de nôtre vie, difent-ils, eft court & fâcheux; Sequent il n'eft qu'une ombre qui paffe: venez donc » joüiffons des biens prefens: Hâtons-nous d'u» fer des creatures pendant que nous fommes » jeunes. Enyvrons-nous des vins les plus excel» lens, parfumons-nous d'huile de fenteur; & » ne laiffons point paffer la fleur de la saison : → couronnons nous de roses avant qu'elles fe » Aletriffent: qu'il n'y ait point de pré où nôtre » intemperance ne fe fignale. Que nul ne fe difpenfe de prendre part à nôtre débauche. Laiffons par tout des marques de réjouissance c'eft-là nôtre fort & nôtre partage. C'eft en effet un aveuglement tres-déplorable, de conclure la vie étant tres-courte que & tres fragile, il faut la paffer dans la joie, dans le luxe & dans la débauche; au lieu que fa brieveté & fon incertitude doit nous engager à nous mortifier & à faire penitence, afin d'être toûjours en état de paroître devant nôtre fouverain juge, & de lui rendre compte de toutes nos actions.

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» parce que

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Il eft donc certain de chrétiens tres peu que penfent ferieufement à la fragilité de la vie prefente & à la certitude de la mort : de-là vient qu'ils ne fe font point de violence, qu'ils lâchent la bride à leurs paffions, qu'ils fe precipitent dans toutes fortes de crimes, qu'ils imitent les païens, & qu'ils vivent comme de veritables reprouvez.

CHAPITRE V.

Que la mort étant tres-certaine en ellemême, l'heure à laquelle elle doit arriver eft tres-incertaine : l'on explique les raifons pourquoi Dieu permet que cela foit ainfi.

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Uoique la mort foit tres-certaine en ellemême, & que perfonne ne puiffe l'éviter, elle eft neanmoins tres-incertaine quant à fon heure & par rapport au tems auquel elle doit arriver. C'eft un myftere qui nous eft caché & dans lequel nous ne pouvons penetrer. Aucun de nous ne fçait quand il fera obligé de com→ paroître aux pieds du trône de Jelus-Christ, pour lui rendre compte de toutes les actions;

ce fera dans fa jeuneffe, dans fon âge viril, ou dans fa vieilleffe; s'il paffera par une longue maladie, ou s'il fera emporté par quelque accident prompt & imprevû; s'il aura du tems pour penfer à foi, où s'il perira tout d'un coup, fans pouvoir fe reconnoître, ni demander pardon à Dieu. C'est ce que Jesus-Chrift & fes Apôtres veulent nous faire comprendre, lors qu'ils nous avertiffent que le jour du Seigneur viendra en un inftant, fans qu'on le puiffe prévoir, & à l'heure qu'on s'y attendra le moias: car le jour de nôtre mort fera pour nous le jour du Seigneur, le jour de fon avenement, le jour de fon regne, le jour de sa manifeftation.

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20.24

Le roïaume de Dieu, dit le Sauveur du Luc.17. monde dans l'Evangile, ne viendra point avec un éclat qui le faffe remarquer: comme un

éclair brille & fe fait voir depuis un côté dir » Ciel jufqu'à l'autre, ainfi paroîtra le fils de » l'homme en fon jour.

2. Fet."

Comme un voleur vient durant la nuit, » dit faint Pierre, ainfi le jour du Seigneur vien3. 10. ɔɔ dra tour d'un coup.

1. The f fal. 5.2.

3.

101.

Vous fçavez bien, mes freres, dit aussi saint Paul, que le jour du Seigneur doit venir com» me le voleur qui vient la nuit. Car lors qu'ils » diront: nous fommes en paix & en feureté, soils fe trouveront furpris tout d'un coup par une ruine imprevue comme une femme groffe par les douleurs de l'enfantement, fans qu'il leur refte aucun moïen de fe fauver.

Mais pourquoi Dieu veur-il que l'heure de nôtre mort foit incertaine, & que nous ignorions quand il lui plaira de mettre fin à nôtre pelerinage & de nous appeller à lui? Il eft facile d'en donner plufieurs raifons.

1. Il ne permet pas que nous connoisions P'heure à laquelle nous devons fortir de ce monde, & il veut que nous vivions dans une grande incertitude à cet égard, de peur que nous ne prenious occafion de la longueur de nôtre vie de pecher & de nous abandonner à de grands defordres nous flattant que nous aurons toûjours affez de tems dans la fuite pour nous convertir & pour faire penitence.

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Conc. Prenez bien garde, dit faint Augustin, de in pfal., ne pas trouver à redire à la conduite de Dieu, » comme fi en promettant de faire mifericorde → aux pecheurs qui fe reconnoîtront, il les por» toit à vivre dans une fauffe fecurité. Car de

peur que les hommes prévaricateurs defefpe»rant de jamais obtenir le pardon de leurs pe» chez, ne s'abandonnaflent à des excès encore plus grands, il a promis de leur faire miferi»corde dès qu'ils fe convertiront; & de peur que l'efperance du pardon ne fût caufe qu'ils

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He continuaffent dans leurs crimes, il a voulu ce que le jour de leur mort fût incertain. Ainfi cs par un fecret ineffable de fon infinie fagetle il « a prefenté un port & un lieu de refuge à ceux « qui retourneroient fincerement à lui; & il a ce jetté la terreur dans l'efprit de ceux qui diffe- « reroient de fe convertir.

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144.

La grandeur de la mifericorde de Dieu, dit ce encore ce faint Docteur, éclate envers vous, « In pfal en ce qu'il fait que le tems de vôtre vie eft ce incertain, & que vous ne fçavez pas quand vous ferez obligé de fortir de ce monde, afin ce que croïant chaque jour que vous allez mou- « rir vous penfiez ferieufement à vous conver- « tir. C'eft-là fans doute un tres-grand effet de «e fa mifericorde : car s'il avoit marqué un tems «e certain de la vie & de la mort des hommes > се ils auroient vecu dans une fauffe paix & accu- « mulé pechez fur pechez.

Cela eft certain & évident: car fi la plupart des hommes pouvoient fe promettre une longue fuite d'années, & s'ils étoient affurez d'atteindre jufqu'à un certain âge determine ils vivroient fans joug & fans difcipline, ils lâcheroient la bride à leurs paffions, ils s'abandonneroient à toutes fortes de débauches & ils ne garderoient aucunes mesures pendant tout le tems qu'ils auroient à vivre; fe refervant à faire penitence & à fuivre la pieté dans leur extrême vieilleffe. Ainfi ils donneroient au demon les plus belles années de leur vie, leur jeuneffe, leur âge viril, & même les commencemens de leur vieilleffe; & ils ne penferoient à fe confacrer à Dieu qu'au tems de leur foibleffe, de leurs langueurs & de leurs infirmitez. Ce qui feroit un partage tres-injufte

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& dont tout le monde doit avoir horreur. Il Gadu 6. arriveroit même de là, dit faint Jean Clima- numer. 9. que, que le peché par une longue & vieille

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