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le commencement eft lui feul un garant du fuccès. Mais pour inventer, il faut plus que de l'efprit. L'invention fuppofe néceffairement une grande netteté d'idées, un examen raisonné fur ce qu'on voit une fuite dans l'efprit, qui mette en état de percer par la combinaifon plus avant que les autres n'ont fait. Or voilà où réfide le bon fens.

LXXII. De quelque genre & de quelque trempe, pour ainfi dire, que foit l'efprit, il a plus befoin encore que le fentiment, ainsi qu'on l'a dit d'être retenu dans certaines bornes, parce que l'abus que T'on peut faire de l'efprit porte à de beaucoup plus grands inconvéniens que l'abus du fentiment, dont il n'y a fouvent que foi qui foit la dupe ou la victime. Mais du plus au moins l'un & l'autre font dans le cas de ce qu'Horace a dit fi fenfément fur l'argent. Nullus argento

color eft, &c. nifi temperato fplen deat ufu. C'eft prefque toujours l'ufage que l'on fçait faire des chofes qui y donne le prix, quoiqu'il y en ait, qui dans le principe & par elles-mêmes, puiffent être appréciées & d'une grande valeur. On eftime effectivement un riche qui use fenfément de fa fortune. Pourla même re

quoi n'auroit-on pas gle d'eftime fur toutes les parties qui font du reffort du cœur & de l'efprit? Cette regle exifte réellement. Il eft vrai qu'elle feroit plus générale s'il y avoit plus de gens de bon fens qu'il n'y en a; mais chacun juge fes pareils felon fes forces, & un fol fera un fort mauvais estimateur de la fageffe.

LXXIII. En fe rappellant ce qui a été dit, on peut fe faire du bon fens une idée jufte, & qui conduife naturellement à fon application. Dès que le bon fens eft une opération réfléchie de l'efprit, il

eft

est question d'examiner & de montrer quels font les points que la réflexion doit fe propofer pour opérer sûrement & utilement. A la vérité il ne fuivra pas néceffairement de-là, que l'homme qui embraffera exactement les points que l'on va indiquer, raisonne & opére fenfément. Car premierement, il faut encore que ces efpéces de points cardinaux de la réflexion foient perçus avec netteté & avec jugement. Ce qui fuppofe un dépouillement des préjugés ou des vices qui peuvent féduire & égarer. Secondement il faudra une autre opération du bon fens, pour que la combinaison de ces différens points, conçus avec jufteffe, foit elle-même exacte & conféquente. En effet il y a des gens qui fçavent raisonner conféquemment quand il s'agit d'établir leur théfe ou leur propofition, & qui concluent mal; & cela vient, ou du défaut d'ufage

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de combiner ou de l'usage de combiner trop rapidement pour pouvoir embraffer & approfondir toutes les parties de l'objet fur lequel on réfléchit. Il faut donc en une même chofe bien des opérations de bon fens, pour que le réfultat ou la détermination foit fenfée en total. Ainfi nous devons ceffer d'être furpris, s'il y a fi peu de gens qui combinent & agiffent fenfément, & s'il y en a tant qui portent ce caractére de décifion hardie, qui conftituant communément un fot, révolte fi hautement la fociété ordinaire des hommes, furtout ceux qui renfermez dans un fage filence, voyent porter l'encens devant de futiles idoles, qui n'ont de mérite que le faux clinquant qui les couvre. Ce fuccès, fi mal mérité, eft une contagion qui gagne trop aisément, & qui en gâte beaucoup.

LXXV. Pour éclaircir le prin

cipe général que je viens d'établir, & le développer entierement: je dirai donc qu'en tout ce qui intéreffe le cœur ou l'efprit, il y a trois points dont chacun veut être examiné féparément, & qui doivent être enfuite combinés tous trois l'un par l'autre, fi l'on veut pouvoir agir ou opérer conféquemment. Premierement, la perfonne qui agit; fecondement, la chose fur laquelle elle agit, & troisiémement, la perfonne à l'occafion de laquelle on agit. Enforte que toutes les fois que ces différens genres de combinaisons n'auront point été faits avant que d'agir ou d'opérer; on court rifque d'errer néceffairement; ou que fi l'on ne se mé

prend pas, c'eft un effet du pur hazard. C'eft ce que l'on démontrera aifément en parcourant les cinq objets du fentiment que nous avons déja traités.

LXXVI. Les actions qui inté

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