Imágenes de páginas
PDF
EPUB

SCAPIN.

Il y a toujours quelque chose à refaire aux filles.

Et ton maître ?

MARINE.

SCAPIN

Il se porteroit assez bien, s'il avoit un peu plus d'argent.

MARINE.

Je n'ai jamais connu un gentilhomme plus gueux que celui-là.

SCAPIN.

Monsieur Grifon, son père, est bien riche, mais il est bien ladre.

MARINE.

Nous nous en apercevons.

SCAPIN

Tel que tu me vois, je sers mon maître sans

gages et incognito.

MARINE.

Comment incognito?

SCAPIN.

Oui, monsieur Grifon ne sait pas que son fils a l'honneur d'être à moi; il ne me connoît pas même. Je logé en ville, et je vis d'emprunt.

MARINE.

Tu fais souvent mauvaise chère.

SCAPIN.

Assez. Cela n'empêche pas que je ne nourrisse quelquefois mon maître, quand il est mal avec son père

MARINE.

Voilà un beau ménage !

SCAPIN.

Hé! dis-moi un peu...

MARINE.

Je n'ai rien à te dire. Tiens, rends cette lettre-là à ton maître.

SCAPIN.

Comme tu fais, Marine! Regarde-moi un peu.

MARINE.

Eh bien ! que me veux-tu ?

SCAPIN.

Vous plairoit-il seulement, ô beauté léoparde, me dire le contenu de cette lettre ?

[blocks in formation]

Tu me romps si souvent la tête de ton babil, quand je te prie de ne dire mot!

MARINE.

J'aime à faire le contraire de ce qu'on souhaite.

SCAPIN.

Le beau naturel! je te prie donc de te taire, Marine; c'est le moyen de te faire parler.

MARINE.

Je parlerai, s'il me plaît.

SCAPIN.

Et tant qu'il te plaira.

MARINE.

Et me tairai, si je veux.

il,

SCAPIN.

Dis si tu peux, mon enfant. Cela est difficile.

MARINE.

Mais voyez cet animal qui veut m'empêcher de parler!

Je n'ai garde.

SCAPIN.

MARINE.

Voilà encore un plaisant visage pour fermer la bouche à une femme !

Fort bien.

SCAPIN.

MARINE.

Ni toi, ni ton père, ni ta mère, ni toute ta peste de génération, ne me feroient pas rabattre une syllabe..

SCAPIN.

Qu'elle est agréable!

MARINE.

Quand on parle bien, on ne parle jamais trop.

SCAPIN.

Tu ne devrois pas parler souvent.

MARINE.

Va, va, quand je serai morte, je me tairai

assez.

SCAPIN.

Jamais tant que tu auras parlé.

MARINE.

Tu voulois donc savoir le contenu de la lettre?

SCAPIN.

Moi? point du tout; je ne veux rien savoir.

MARINE et SCAPIN ensemble.

[blocks in formation]

PAR ma foi, c'est une charmante chose qu'une femme Quelle docilité d'esprit ! Quelle complaisance! Voilà une des plus raisonnables que je connoisse. Mais je m'amuse ici, et je dois aller promptement porter cette lettre à mon maître, car il est diablement amoureux. Qui dit amoureux dit impatient; et qui dit impatient, suppose un homme qui a plus tôt donné un coup de pied au cul que le bon jour, Mais le voilà. SCÈNE V.

[ocr errors]

VALÈRE, SCAPIN.

VALERE.

EH bien ! Scapin, apprends-moi des nouvelles de Léonor. L'as-tu vue ? Que t'a dit Marine ?

SCAPIN.

Marine? Rien du tout. C'est une fille dont on

ne sauroit tirer une parole.

VALERE.

Marine ne t'a rien dit, elle qui parle tant?

SCAPIN.

C'est justement ce qui fait qu'elle ne dit rien mais tout ce que j'ai pu comprendre de la volubilité de son discours, c'est qu'il faut renoncer à Léonor; et le pis que j'y trouve, c'est que nous n'avons pas un sou pour nous en consoler.

VALÈRE.

Quoi ? Que dis-tu? Parle, explique-toi. Renoncer à Léonor?

[blocks in formation]

Et Marine ne t'a point dit la cause de son refroidissement?

Non, monsieur.

SCAPIN.

VALÈRE.

Quoi ! tu n'as pu pénétrer...?

SCAPIN.

Oh! monsieur, Marine est une fille impénétrable.

VALERE.

Que je suis malheureux !

« AnteriorContinuar »