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Souvrit, et qu'aussitôt on vit tous vos garçons
S'armer habilement de broches,de bâtons,

Et qu'ils eurent grand'peine, avec cet air si brave,
A faire rembûcher au fond de votre cave,
Et dans votre grenier, tous les lapins fuyards
Qu'on voyoit dans la rue abondamment épars.

M. GRASSET.

Je ne mérite pas, monsieur, un tel reproche.
MERLIN, prend deux perdrix qu'il met dans sa poche.
Donnez-moi deux perdrix: allez coucher en broche;
Et souvenez-vous bien, vous et vos galopins,
De mieux à l'avenir enfermer vos lapins.

(à M. la Montagne.)

Entrez. Pour vous, monsieur, qui portez la vendange, Vous ne valez pas mieux; on ne perd rien au change. C'est là tout mon vin?

M. LA MONTAGNE.

Tout; on n'est pas un fripon.

Il faut être, en ce monde, ou marchand ou larron.

MERLIN, tirant une bouteille.

On est bien tous les deux. Voyons. Sans vous déplaire
Cette bouteille-ci me paroît bien légère.
Vous êtes un fripon, un scélérat...

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Ni des ingrédients dont votre art nous désole...
Je vous y tiens: voilà, monsieur le gargotier,
Des bouteilles qui sont faites d'un triple osier.
Ah! monsieur le pendard!

(Il défait une bouteille couverte de trois ou quatre en sorte qu'il n'en demeure qu'un fort

osiers,

petit.)

Le marchand...

M. LA MONTAGNE.

Mais ce n'est pas ma faute.

MERLIN.

Se peut-il volerie aussi haute?

De l'or et des grandeurs, je n'en demande pas :
Juste ciel, seulement fais qu'avant mon trépas
Je puisse de mes yeux voir trois de ces corsaires,
Ornant superbement trois bois patibulaires,
Pour prix de leurs larcins, en public élevés,
Danser la sarabande à deux pieds des pavés!
Voilà les voeux ardents que fait pour votre avance
Le plus sincère ami que vous ayez en France.
Adieu... Laissez-m'en deux, comme un échantillon,
Pour montrer qu'à bon droit vous passez pour fripon.
(Il les met dans sa poche, et en prend une troisième. }

M. LA MONTAGNE.

Vous avez pris mon vin!

M. GRASSET.

Qui me paiera ma viande ?

MERLIN.

Je l'ai fait à dessein. Hippocrate commande,

Et dit en quelque endroit que, pour se bien porter,
Il se faut quelquefois dérober un souper.

SCÈNE III.

MERLIN.

Si toute cette troupe, et celui qui l'envoie, Étoient au fond de l'eau, que j'en aurois de joie! Voilà la noce en branle.

(Il boit.)

SCÈNE IV.

LISETTE, MERLIN.

LISETTE.

AH! Merlin, te voilà

La bouteille à la main! que diantre fais-tu là?

MERLIN boit.

En t'attendant, tu vois que je me désennuie.

LISETTE.

Tout est perdu, Merlin; Léonor se marie.
Monsieur de Sotencour, pour nous faire enrager,
De Falaise à Paris vient par le messager:

Il arrive en ce jour, et, pour lui faire fête,
Hors ma maîtresse et moi, tout le monde s'apprête.

MERLIN boit.

Que j'en ai de chagrin !

LISETTE.

Pour faire un plein régal,

Ce soir, avant la noce, on donne ici le bal.

MERLIN, vidant sa bouteille.

On donne ici le bal! L'affaire est donc finie?

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MERLIN.

Morbleu! j'entre en furie,

En songeant qu'un morceau si tendre et si friand
Doit tomber sous la main d'un maudit Bas-Normand,
Et de Falaise encor. Dis-moi : monsieur Géronte,
Père de Léonor, ne meurt-il point de honte ?

LISETTE.

Ce Normand a, dit-il, plus de cent mille écus;
Et, pour faire un mari, c'est autant de vertus.

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A table, aux Entonnoirs, daus un grand embarras, Le pauvre diable attend sa vie ou son trépas.

LISETTE.

Il peut donc maintenant, puisque l'affaire est faite, Mourir quand il voudra.

MERLIN.

Quoi! ma pauvre Lisette, Laisserons-nous crever un pauvre agonisant?

LISETTE.

N'as-tu point de remède à ce mal si pressant, Quelque élixir heureux, quelque once d'émétique ?

MERLIN.

Mais toi, ne peux-tu rien tirer de ta boutique?

J'ai fait le diable à quatre.

LISETTE,

Et j'ai fait le dragon,

Moi. J'attends même encor un mien parent gascon,
A qui j'ai fait le bec, et qui ce soir s'engage
A venir traverser ce maudit mariage.

MERLIN.

Et quel est ce Gascon que tu mets dans l'emploi?

LISETTE.

C'est un fourbe, un fripon, à peu près comme toi.

MERLIN.

Comme moi, des fripons! Fijac seul me ressemble.

LISETTE.

C'est lui.

MERLIN.

Je le verrai, nous agirons ensemble.

Si Valère pouvoit seulement se montrer...

LISETTE.

Bon! cela ne se peut. Comment pouvoir entrer? Tout le monde au legis vous connoît l'un et l'autre.

MERLIN.

Ne sais-tu pas encor quelle adresse est la nôtre ?
On m'a dit que ce soir on doit danser, chanter.

On me l'a dit ainsi.

LISETTE.

MERLIN.

J'en saurai profiter.

Aide-nous seulement.

LISETTE.

Je suis prête à tout faire.

MERLIN.

Et moi, je te promets que si, dans cette affaire,
Mon maître, plus heureux, épouse incognito,
Je pourrai t'épouser de même ex abrupto.

Regnard. I.

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