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Et les Seigneurs de France prins des Angloys tout par orgueil, faire la-
crileges cent foys le jour, violer Eglifes, manger char au Vendredy à
cuire, efforcer filles & femmes, & Dames de Religion, roftir hom-
mes & enfans, brief, je croy que les Tyrans de Rome, comme Ne-
ron, Diocletien, Dacien & les autres, ne firent oncques la tyrannie
qu'ils font & ont fait, tous ces faiz devant diz de perdurable perdicion
que chascun scet, estoient tous mis à nyant, quant à la justice corpo-
relle; de la divine, je me tays. Quant la déeffe de difcorde & fon pere
Sathan à qui ils font, leur fift la faulce trahison doloreuse faire, dont
tout le Royaume eft à perdition, ce Dieu n'en a pitié, ou y veille de fa
grace ouvrer qu'ils foient en tel eftat qu'ils le veulent congnoiftre, &
qu'ils ne puiffent nuire à nulli, comme ils ont fait le temps paffé; car
par leurs faiz oultraigeux devant diz meurent de fain les gens aux
champs & à la Ville, & de froit; car auffi-toft qu'ils orent fait leur
dampnable voulenté du bon Duc, tous ceulx des garnisons coururent
çà & là, pillant, robant, rançonnant,
boutant feux ; par quoy
tout enchery tellement, que le blé qui ne valloit que quarente fols
parifis, vallu tantoft après fix ou fept francs, ung fextier de poys ou
de febves dix ou douze francs, fromaiges, œufs, beurre, aulx, oi-
gnons, buche, char, brief touttes chofes de quoy gens & bestes &
enffens povaient vivre, encherirent tellement, que très-petite buche
valloit trois francs le cent; & pour celle cherté fut ordonné le Boys
de Vincennes à eftre coppé, & coftoit le molle seize ou dix-huit fols
parisis, & n'en avoit-on que trente-deux pour molle, une fomme de
charbon trois francs, qu'on avoit euë autreffois auffi bonne pour cinq
ou pour fix fols.

Item, les petits enffens ne mangerent point de lait ; car pinte couf-
toit dix deniers ou douze. Certes en icelluy temps pouvres gens ne
mangerent ne char ne greffe ; car ung petit enflent euft bien mangé
pour trois blancs de char à fon repas. La pinte de bon faindoulx quatre
ou cinq fols parifis, ung pié de mouton quatre deniers, un pié de bœuf
fept blancs, & les trippes à la valuë; beurre fallé quatre fols, ung
ceuf huit deniers, ung petit fromaige fept fols parifis, une paire de
foulliers à homme huit fols parifis, ungs patins huit blancs; brief, &
touttes autres chofes quelxconques eftoient encheries pour la mort du
bon Duc, & se ne gaignoit-on denier, & fi ne valloit rien la monnoye
blanche; car ung blanc de feize deniers ne valloit pas plus de trois de-
niers en argent, & ung efcu d'or du temps paffé valloit trente-huit fols
parifis; pour ung marc d'argent quatorze francs, & pour ce point
pour
la foible monnoye ne venoit point de marchandises à Paris, & fi
eftoient les Angloys tous les jours jusques aux portes de Paris s'ils vou
Tome I,
H

14 19.

loient ; & les Arminaz d'autre cofté qui estoient auffy maulvays; & 141 9. alloit chafcun deux ou trois fois la fcpmaine au guet, une fois parmy la Ville, l'autre fois fur les efchifflez; & fi eftoit le fin cueur de l'yver, & toujours pleuvoit & faifoit très-froit, & furent les vendanges celle année l'an 1419 les plus ordes & pluvieufes, les raizins pourriz, les plus febles vins qu'on euft oncques veu d'aage d'homme, & fi coufta celle année quatre fois plus qu'ils n'avoient fait d'aage d'homme qui fuft en vie, & tous par les maulx qu'ils faifoient par-tout; car pour certain qui avoit à cinq ou fix lieuës près de Paris, la queue lui couftoit cinq ou fix francs tant feulement à ad mener, & en convoy de Gens d'armes à une lieuë près de Paris, feize ou vingt fols parisis, fans vendanger, labourer, relyer, autre dépence. Et quant tout ot efte vendangé & recueilli, ils n'orent ne force, ne vertu, ne couleur & n'en eftoit gueres ou pou qui fentiffent ce non le pourry; car le plus n'avoient point efté ordonnez en vendanges à leur droit pour la paour qu'on avoit des deffus dits, & pour la doubte qu'on avoit tout temps de leur trayfon. La nuit de la fainte Fefte de Touffaina oncques on ne fonna à Parispour les Trefpaffez, comme couftume eft, ce non guarefeu, & neanmoins touttes ces pouvretez, miferes & doleurs oncques à Pape ne à Empereur, ne à Roy, ne à Duc, fi comme je croy, on ne fift autant de service après leur trefpaffement, ne auffi folempnel en une Cité, comme on a fait pour le bon Duc de Bourgongne, à cui Dicu pardoint:

Item, à Noftre Dame de Pàris fut fait le jour S. Michel le plus pi-teufement que faire ce pot, & y avoit ou mouftier trois mille livres de cire, touttes en cierges & en torches, & là ot un moult piteux fermon que fit le Recteur de l'Univerfité, nommé Maistre Jehan l'Archer. Et après ce le firent touttes les Parroiffes de Paris & touttes les Confreiries de Paris l'une après l'autre, & par-tout faifoit-on la reprefentation, de grans cierges & de grans torches, & eftoient les mouftiers encourtinez de noires farges, & chantoit-on le Subvenite des Mors & Vigilles à neuf Pfeaulmes & à neuf Leçons, & par tous les mouftiers eftoient après mis les armes du bon Duc trefpaffé, & du Sire de Nouaille qui fut mort avec luy, dont Dieu veille avoir les ‹ ames, & de tous les autres Trefpaflez, & veille donner grace à nous, & à toutte cette Gent de le cognoiftre, comme nous devons, & nous doint ce qui difoit à ces Apoftres: Paix foit avec vous carpar cette malditte guerre tant de maulx ont efté faiz, que je cuide en telx foixante ans paffez pardevant il n'avoit pas eu ou Royaulme de France, comme il a efté de mal depuis douze ans en ça. Helas! tout premier Normendie en cft toutte exillée, & la plus grant partie qui foulloit

faire labourer & eftre en fon lieu, lui, fa femme, fa mefine, & eftre fans danger, Marchans, Marchandifes, Gens d'Eglife, Moynes, 141 9. Nonnains, gens de tous eftats ont efté boutez hors de leurs lieux d'eftrangers, comme euffent efté bestes fauvaiges, dont il convient que les ungs truaudent qui foulloient donner, les autres fervent qui foulloient estre servis, les autres larrons & murtriers par desespoir, bonnes pucelles, bonnes preudes femmes venir à honte par effors ou autrement, qui par neceffité font devenuës maulvaises, tant de Moynes, tant de Prestres, tant de Dames de Religion & d'autres gentils femmes avoir tout laiffé par force, & mis corps & ame au defespoir, Dieu fcet bien comment. Helas! tant d'enfans mors nez par faulte d'ayde, tant de mors fans Confession par tyrannie,& en autres manieres, tant de mors fans fepulture en foreft & en autre détour, tant de mariaiges qui ont efté délaissez à faire, tant d'Eglifes arfes, & Abbeies & Chapelles, Maifons-Dieu, Malladeries où on foulloit faire le faint Service NcftreSeigneur & les œuvres de mifericorde, où il n'a mais que les places, tant d'avoir muffé, qui i jamais bien ne fera, & de joyaulx d'Eglife & de Reliques, & d'autres qui jamais bien ne feront, ce n'eft d'aventure. Brief je cuide que homme ne pourra, pour fens qu'il ait, bien dire les grans, miferables, énormes & dampnables pechez qui fe font ensuiviz & fais depuis la très-maleureuse & dampnable venuë de Benart le Comte d'Arminac Conneftable de France; car oncques puis que le nom vint en France de Bourguignon & d'Arminac, tous les maulx qu'on pourroit penfer ne dire, ont efté tous commis ou Royaulme de France tant que la clamour du fang innocent efpandu crie devant Dieu vengeance, & cuide en ma confcience que ledit Comte d'Arminac eftoit un ennemy en fourure d'homme; car je ne croi nul qui ait esté à luy ou qui de luy fe renomme, ou qui porte la bande, qui tienne point la loy ne foy chreftienne; ains fe maintiennent envers tous ceulx dont ils ont la maistrise, comme gens qui auroient renyé leur Createur, comme il appert par tout le Royaulme de France; car j'ofe bien dire que le Roy d'Angleterre n'euft efté tant hardy de mettre le pié en France par guerre, ce n'euft efté la difcenfion qui a efté de ce maleureux non, & fuft encore toute Normandie Françoyfe, ne le noble fang de France ainsi espandu, ne les Signeurs dudit Royaulme ainfi mencz en exil, ne la bataille perduë, ne tant de bonnes gens mots n'euffent oncques efté en la piteufe journée d'Egincourt, où tant perdit le Roy de fes bons & loyaulx amys,ce ne fuft l'orgueil de ce maleureux nom Arminac. Helas à faire ceftes maleureufes œuvres ils n'en auront de reme nant que le peché;& s'ils n'en fontamende ment durant la pouvre vie du corps, ils en feront en très-cruelle, miferable & pardurable damna➡

cion ; car certes on ne peut rien mesconter à Dieu, car il fcet tout 1419. plain de mifericorde, ne s'y fie homme nuls ne en longue vie ne en autre chofe de folle efperance ou de vaine gloire; car en verité il fera à chafcun droit felon fa deferte. Helas! je ne cuide mie que depuis le Roy Clovis qui fut le premier Roy Chreftien, que France fuft auffi défollée & divifée comme elle eft aujourduy; car le Daulphin ne tend à autre chose jour & nuyt lui ou les fiens, que de gaiter tout le pays de fon pere à feu & à fang, & les Engloys d'autre costé qui font autant de mal que les Sarrazins; mais encore vaut-il trop mieulx eftre prins des Engloys que des gens du Dalphin qui fe dient Arminaz, & le pouvre Roy & la Royne depuis la prinse de Pontoise ne se meuvent de Troyes à pouvre Mefine, comme fuffent-ils deschaffez hors de leur lieu par leur propre enffent qui eft grant pitié à penser à toutte bonne perfonne.

Nov.

Item, fift le Roy à Troyes la Fefte de Touffaint en l'an 1419. & ceulx de Paris ne pouvaient avoir nulle vraye nouvelle de fon retour

dont moult eftoient courroucez les bons.

Item, fist le Roy à Troyes fon Nouel, parce que on ne l'osoit ofter de Troyes pour faulte de puiffance & de compaignie, & pour paour des Engloys & des Arminaz; car chacun d'eulx le tâchoit à prendre, & par efpecial les Arminaz pour avoir leur paix. La troisicsme cause,tout eftcit si cher à Paris, que le plus faige ne fi favoit vivre, especiallement pain & buche qui eftoit fi chere, que oncques puis deux cent ans avoit esté, & la char; car à Nouel ung quartier de mouton quand il eftoit bon, couftoit vingt-quatre fols parifis, la chair d'un mouton fix francs, une oüe feize fols parifis & l'autre à la valluë. En ce temps-là, il n'eftoit nouvelle fur mefnaigeres d'œufs ni de fromaiges de Brie, ne de poix, ne de febves; car les Arminaz deftruifoient tout, & prenoient femmes & enffens à rançon, & les Engloys d'autre cofté, & convint prendre Treve aux Englois par force qui estoient anciens ennemys du Roy, & furent données depuis la moitié de Decembre jusques au mois de Mars, paffa Decembre, Janvier, Fevrier que oncques le Roy ne la Royne ne vindrent à Paris, ains cftoient toujours à Troyes, & toujours couroient au tour de Paris les Arminaz pillant, robant, boutant feuz, tuant, efforçant femmes & filles, femmes de religion; & à dix lieuës au tour de Paris, ne demouroit aux Villaiges nulles perfonnes qu'aux bonnes Villes, & quant ils s'enfuyoient aux bonnes Villes, ils apportoient quelque chofe, fuft vitaille ou autre chofe, tout leur cftoit ofté des d'armes des ungs ou des autres fuft Bourguignon ou Arminac. Chafcun en faifoit bien fon perfonnaige,& ainfi le plus fuft femmes ou hommes, quant ils

gens

venoient aux bonnes Villes y venoient nuds de tous biens, & con-
venoit que
les bonnes Villes fourniffent tous les villaiges, par quoi le
pain enchery tant. Car en ce temps on n'avoit pas trop bon blé pour
dix francs le fextier, dont chacun franc valloit feize fols parifis, & fi
couftoit le sextier à moudre huit ou dix fols parifis, fans ce que le Mu-
nier en prenoit à mau prouffit.

Item, pour ce fut ordonné que le blé, quant on le bailleroit au Moulnier, feroit pefé, & rendroit la farine par pois, & avoit-on du sextier pesant huit deniers, & le Moulnier du mouldre quatre fols parifis.

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Item en ce tems on ne faifoit point de pain blanc, & si n'en faifoit-on point de mains de huit deniers pour la piece; par quoy pouvres gens n'en pouvaint finer, & le plus de pouvres gens ne mangeoient que pain de noix.

Item, en ce temps en Karefme eftoit celle cherté ; car il n'y avoit ni espices, ni figgues, ni raisins, ne admende, de chafcun fe couftoit la livre cinq fols parifis, huille d'olive quatre fols parifis.

Item, la tainture eftoit fi chere que une aulne de drap à taindre en vert ancre, couftoit quatorze fols parifis, & autres couleurs à la valluë. Item, en ce temps de Mars l'an 1419. faillirent les Treves des Englois, & on leur demanda autres Treves en attendant le Duc de Bourgongne; mais le Roy Englois n'en volt nulles donner, s'il n'avoit le Chasteau de Beaumont & Corbeil,& le Pont fainte Messan, & plusieurs autres chofes ; mais on ne luy en accorda nulle. Si commença la guerre comme devant, & tous ungs & autres n'avoient envie que fur la Ville de Paris feullement, & feullement pour la richeffe qu'ils cuidoient à eux ufurper, ne à nulle autre chofe ne tendoient que à piller tout.

Item, en celui Karefme, le jour du grant Vendredy qui fut le s• jour d'Avril, vindrent les Arminaz comme deables deschainez, & coururent autour de Paris, tuanr, robant & pillant. Et icellui jour bouterent le feu au Fort de Champigny fur Marne, & ardirent femmes & enffens, hommes, bœufs, Vaches, Brebis & autre betail, advoine, blé & autre grain, & quant aucun des hommes failloient pour la deftreffe du feu, ils mettoient leurs lances à l'endroit, & ains qu fuffent à terre, ils eftoient percez de trois ou quatre lances, ou de leurs haches. Celle tres cruelle felonie firent là, & aillieurs cedit jour, & Jandemain vigilles de Pafques firent aultant cu pis à ung Chaftel nommé Croiffy.

ils

Item, la fepmaine de davant eftoient allez les Marchands de Paris, & d'ailleurs vers Chartres & ou proche, pour faire venir de la vitaille pour la Ville de Paris qui grant meftier en avoit; mais auffitôt qu'ils

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