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P. 60,

P. 58.

P. 30.

perte de Pontoife: LeDaulphin, difoit-il en cet endroit, ne tend à autre chose jour & nuit, ou les fiens, que de gafler tout le pays de fon pere à feu & à fang ;& montrant enfuite fa fenfibilité pour le Roy, il ajoûtoit : le pouvre Roy & la Royne depuis la prinfe de Pontoife ne fe meuvent de Troyes à pouvre mefine, comme fuffent-ils déchaffez hors de leur lieu parleur propre enfant, qui eft grant pitié à penser à toute bonne perfonne.

Quand on le voit parler en ces termes d'évenemens éloignez de onze ans l'un de l'autre, on eft porté à croire qu'il compofoit chaque année des Mémoires de ce qui arrivoit de plus remarquable; que les ayant digerez enfuite, il leur donna la forme où nous les voyons préfentement, & qu'il en conferva quelques endroits comme il les avoit écrits d'abord, parce que le tour lui en parut touchant, & propre à faire une certaine impreffion fur l'efprit de fes lecteurs. C'est là à peu près, fi je ne me trompe, tout ce qu'on peut conclure des deux endroits que j'ai citez, fi on les compare ensemble ; mais voici d'autres paffages qui déterminent précisément le temps où il finit son Journal. Le premier eft fous l'an 1419. L'Auteur y parle des Services qu'on fit à Paris pour le repos de l'ame de Jean Duc de Bourgogne, il s'inte reffe pour lui, pour le Sire de Nouaille, de la Maifon de Foix, qui avoit été tué avec ce Prince fur le pont de Montereau, pour tous les autres Trépaffez, & fa devotion s'animant, Dieu » veille, ajoûte-t-il, donner grace à nous, & à toute cette gent de le cognoiftre, comme »nous devons, & nous doint ce qui difoit à fes Apôtres: Paix foit avec »vous; car par cette malditte guerre tant de maulx ont efté fais, que »je cuide en telx foixante ans paffez pardevant il n'avoit pas eu ou Royaulme de France, comme il a efté de mal DEPUIS DOUZE ANS

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L'Auteur parle fur un ton un peu different dans le fecond paffage, C'étoit un de ces habitans de Paris qui avoit conçu une averfion furieufe contre ceux qu'ils appelloient Armagnacs;il s'emporte contre eux en toute rencontre, il en dit tout le mal qu'il peut: mais fon affection pour les Bourguignons & leurs partifans ne l'empêche pas de les maltraiter auffi de temps en temps, & il eft rare qu'il fe refufe de qualifier de traîtres ceux qui étoient à la tête des affaires, de quelque parti qu'ils fuffent. Tel étoit le caractere de cet Ecrivain; dans l'endroit dont il est question, il lui a plû de mettre dans la bouche de quelques payfans les injures qu'il avoit envie de dire à ceux qu'il appelle les Gouverneurs ; il les fait parler ainfi : "Que ferons-nous? Mettons tout »en la main du Deable, ne nous chault que nous devenions. Autant » vault faire du pis qu'on peut comme du mieulx. Mieux nous vaul »fift fervir les Sarazins que les Chreftiens, & pour ce faifons du pis

que nous pourons, auffi-bien ne nous peut-on que tuer ou que pren-« dre. Car par le faulx Gouvernement des traîtres Gouverneurs il« nous fault renyer femmes & enffans & fouir aux boys comme des «< beftes efgarrées. L'Auteur emporté par la véhemence de cette décla-« mation, ajoûte tout de fuite en fon propre nom : Non pas ung an ne doux, mais IL A JA QUATORZE OU QUINZE ANS QUE CETTE DANCE DOULOUREUSE COMMENÇA, &c. Je ne crois pas qu'il foit neceffaire d'employer beaucoup de paroles pour montrer l'ufage de ces deux paffages: les douze années du premier commencent au temps de la mort du Duc de Bourgogne; & les quatorze ou quinze années du fecond, aux troubles qui fuivirent de près la Bataille d'Azin

court.

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Il y a d'ailleurs dans le Journal certaines differences, qui montrent qu'il n'eft pas tout entier du même Auteur. Le premier toujours mal-intentionné à l'égard de Charles VII. a peine à lui accorder le titre de Dauphin, cinq années même après la mort du Roy fon pere; il ne le qualifie que de cellui de cellui qui fe dit Dalphin, & s'il l'appelle ailleurs Roy de France, ce n'eft uniquement que dans un endroit où il fait profeffion de rapporter ce que la Pucelle d'Orleans avoit dit à fes Commiffaires. Il n'en eft pas de même de celui qui a continué depuis 143 2. Dès l'année suivante il parle des deux Rois qu'il appelle, l'un le Roy Henry en France, & l'autre le Roy Charles: un peu plus haut il s'étoit encore diftingué du premier Auteur dans la maniere de parler de ceux qui étoient fideles au Roy ; car au lieu de les appeller fimplement Armagnacs, il s'étoit contenté de les nommer ceulx que on difoit Arminaz. Je pourrois obmettre une autre preuve, qui réfulte de la maniere dont les deux Auteurs parlent des Religieufes: le fecond ayant occafion d'en parler, les nomme Nonnains, & c'est sous ce nom feul qu'il les connoît, au lieu que le premier ne les appelle jamais au- 153+ trement que femmes de Religion..

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Ce feroit ici le lieu de donner quelques éclairciffemens fur la lité de l'un & de l'autre Auteur; mais tout ce qu'on en peut dire d'af furé, c'eft que le fecond étoit membre de l'Univerfité de Paris, comme l'Editeur l'a obfervé à la marge de la page 201. où l'on trouve une description peu vrai-femblable du prodigieux fçavoir d'un jeune homme qui étoit venu en 1446. à Paris. Dans cette defcription l'Auteur se met fans façon au nombre des plus parfaits Cleres de l'Univerfité, & je ne lui refuferois pas cet éloge, s'il ne donnoit en mêmetemps des preuves de fon ignorance. Il la montre encore ailleurs, en s'amufant à décrire des bagatelles, & en gardant un profond filence: fur les évenemens les plus importans. A l'égard du premier Ecrivain,,

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qui étoit bien plus habile, il eft certain qu'il demeuroit à Paris, & l'on'
ne peut guéres douter qu'il n'y fut employé, foit dans l'Eglife ou dans'
l'adminiftration des affaires civiles, car il entre dans un détail, &
montre une capacité qu'on ne peut pas supposer dans un fimple Bour-
geois de ce fiécle-là. Au refte fi ce fut un Curé ou un Laïque, c'eft
ce qu'on ne peut affùrer. On voit bien qu'il étoit dévoué à l'Université,
mais on voit auffi qu'il admiroit les Gouais, les Caboches, les Saint-
yons; ces Bouchers étoient fes Heros, & pour eux il ne balance pas
a fronder l'Univerfité même : c'eft le Diable, felon lui, qui l'a confeil-
lée, lorfqu'elle propofe au Roy de rétablir la paix au préjudice de ces
grands hommes, dont la domination ne pouvoit fubfifter que dans
les temps
de troubles. Ils s'étoient avancez à garder la bonne Ville à leur
povair, en parlant de leur banniffement, de la confiscation de leurs
biens, ainfi leur advint, dit-il, par fureur de Prince, par murmure de
Peuple ; & il ajoûte qu'on ne fçavoit pourquoi ils étoient fi maltraitez,
fors qu'on difoit qu'ils eftoient trop convoiteux. Leurs femmes n'avoient
pas moins de part à fon eftime, elles eftoient femmes d'onneur & d'eftat,
& la plus grant partie de elles n'avoient oncques eflongné Paris fans honefte
compaignie: c'eft à l'occafion de leur banniffement qu'il en parle, fon
cœur en eft dechiré, il trouve fur-tout infupportable qu'on leur eut
marqué la Ville d'Orleans pour le lieu de leur exil, parce que touttes
femmes font vituperées d'eftre menées à Orleans.

On a quelque peine à reconnoître ce que je viens de rapporter dans l'Extrait deM.Dupuy;ce qui a peut-être été cause qu'aucun Savant n'a recherché, d'où vient que c'étoit un deshonneur fingulier pour une femme d'être bannie à Orleans plûtôt qu'ailleurs. On peut remarquer l'avantage de l'Original fur l'Extrait dans une infinité d'autres endroits plus importans, mais il fuffiroit prefque d'en rapporter un feul exemple, pris du commencement même du Journal. M. Dupuy n'a pas jugé neceffaire de copier ce qu'on y lit des troubles de l'an 1410. Cependant le détail des incommoditez qu'en fouffrit la Ville de Paris & les environs, ne fe trouve point ailleurs ; & quoique des Urfins n'ait pas prétendu cacher la foibleffe du Bourguignon, il s'en faut néanmoins beaucoup qu'il ait fait fentir auffi-bien l'avantage que le Duc d'Orleans eut fur luy jusqu'à la paix de Bicêtre. La difficulté d'extraire ce que ce Journal contient de plus fingulier au fujet de ces troubles, eft apparemment ce qui a porté M. Dupuy à n'en rien prendre, ni fur cette année, ni fur l'année fuivante, où l'on verra volontiers quelques circonftances de la prise de S. Cloud qui ont échappé à des Urfins, le détail du fupplice de Colin de Pifex, qui avoit rendu cette place aux partifans du Duc d'Orleans, & peut-être

auffi

auffi un fentiment plus raifonnable que celui de l'Hiftorien de Charles VI. fur les fuites de la mort du Chevalier Mauffart du Bois.

Je ne puis m'empêcher d'indiquer ici encore la relation de la furprife de Paris par les Bourguignons, & les fuites de ce grand évenement dont tous les Hiftoriens ont fait mention: on la trouve dans P. 37: l'extrait, mais à-peu près auffi fuccincte que dans les Mémoires de Fenin; au lieu que le Journaliste a pris à tâche d'en raffembler une foule de circonftances qui, étant jointes à celles que des Urfins arapportées, ne nous laiffent plus rien à defirer là-deffus.

La Relation du Meurtre du Duc de Bourgogne manquant dans le Journal, l'Editeur a crû devoir y fuppléer, en en compofant une. Il a mis les Lecteurs en état de juger s'il a bien traité ce point d'hiftoire, en publiant fous le titre de Preuves les Actes dont il s'eft fervi pour le compofer. Ces Actes qui n'avoient point encore paru, font de précieux monumens qu'on a imprimez très-correctement, fon écriture étant bien lisible; mais fa maladie furvenue dans le temps qu'on imprimoit la Relation, & fuivie peu de jours après de fa mort, a caufé quelque dérangement à cet égard : fon extrême foiblesse qu'il déguifoit à fes Libraires, ainfi qu'à tous ceux qui le voyoient, ne lui permit pas de prendre garde aux chiffres qui renvoyent à ces Preuves qu'il auroit du cotter ; il les laiffa dans l'impreffion tels qu'ils étoient dans fon Mf. & l'on ne s'eft apperçu de ce défaut, que lorsqu'il n'étoit plus temps d'y remedier. Voyez la page 245.

Je ne crois pas devoir m'arrêter à ce qui regarde les Lettres de Charles Duc de Bourgogne au fieur du Fay, non plus qu'au Poëme sur la Bataille de Liége: les Sçavans connoiffent trop bien le prix de ces fortes de Recueils. C'est dans les Lettres des Princes qu'on reconnoît leur caractere, bien plûtôt que dans les Histoires, où il est rare de les retrouver tels qu'ils étoient. Quand on y verroit toûjours quel a été le succès de leurs entreprises, du moins ignoreroit-on fouvent les moyens qu'ils ont employez pour y réuffir; mais ce fujet a été traité tant de fois, que ce feroit fe donner une peine inutile d'en parler de nouveau.

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Le merite du Poëme de la Bataille de Liége consiste au grand nombre des perfonnes qualifiées, foit des Pays-Bas ou de Bourgogne, qui font nommées: mais les Mémoires pour l'Hiftoire de Bourgogne, qui occupent tout le fecond Volume,en ont encore un autre ; on y trouve un détail très-curieux de l'Etat du Duché fous les Ducs de la feconde Race. Je crois que lePublic fera fatisfait de l'ordre que l'Auteur y a fuivi; il ne s'eft pas contenté de raffembler tous les noms des Officiers de confideration, fous chacun de ces Ducs, tels qu'il a pû les trouver dans

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les Regiftres de la Chambre des Comptes de Dijon, mais il les a rangez fous les differentes Claffes,de la Chapelle, de la Chancellerie, des Confeils, de la Guerre, des Finances, &c. & afin de donner une exacte connoiffance des fonctions attachées à chaque Office, & des prérogatives qu'on y avoit attribuées, il a distribué dans ces Claffes, & les obfervations que la lecture des Auteurs qui en ont traité lui a pû fournir, & les differentes pieces authentiques qui lui ont fervi, quelquefois à corriger ces Auteurs, & toûjours à les mieux entendre. La plûpart de ces piec esfetrouvent dans l'Etat des Officiers de Philippe le Hardy; il y en a cependant quelques autres dans les Etats de fes Succeffeurs, quand ils ont fait de nouveaux Reglemens. De plus, on a jugé à propos de renvoyer à la fin les Ordonnances Militaires du Duc Charles, les Sermens des Nobles & des Officiers, & un ancien Reglement concernant la Chancellerie de Bourgogne.

Les Notes que l'Auteur a ajoûtées à l'Etat des Officiers, ne font pas moins intereffantes que fon Texte, je ne sçai même si l'on a rien imprimé jufqu'ici de plus important pour la connoiffance des Familles Nobles de Bourgogne: l'annobliffement de quelques-unes, les grandes Charges qui font entrées dans les autres, les Commiffions importantes données par les Ducs à divers Seigneurs, les récompenfes de leurs fideles fervices, les acquifitions de Terres qu'ils ont faites en differens temps; voilà ce qui remplit ces Notes. On y cite toûjours fes garants, c'eft-à-dire, des Manuscrits conservez dans la Chambre des Comptes de Dijon, dont on donne des Extraits quand il eft neceffaire; car ce feroit inutilement qu'on chercheroit ces détails dans les livres. Il y a lieu de croire que le Public fera un favorable accueil à des Mémoires fi utiles pour l'éclairciffement de l'Hiftoire, & de la France en general, & en particulier d'une Province qui en a toû jours été l'une des plus nobles parties.

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